80 km/h : au bout des deux ans d’expérimentation, un bilan tronqué

Publié le 30 juin 2020 à 6h42 - par

Le confinement, après les destructions de radars et les grèves dans les transports : au bout de sa phase d’expérimentation, la limitation à 80 km/h de la vitesse sur certaines routes, mesure qui a déchaîné les passions, affiche un bilan tronqué par les crises affrontées par l’exécutif.

80 km/h : au bout des deux ans d'expérimentation, un bilan tronqué

Mercredi 1er juillet 2020, cela fera deux ans depuis le 1er juillet 2018 qu’a été abaissée de 10 km/h la limitation de vitesse maximale sur les routes secondaires à double sens sans séparateur central (400 000 kilomètres, soit 40 % du réseau routier), qui a en partie déclenché la crise des « gilets jaunes ».

Soit le temps laissé par le Premier ministre Édouard Philippe, qui a porté contre vents et marées le dispositif censé sauver « 300 à 400 vies par an », pour que la mesure prouve son efficacité, puisqu’une clause de revoyure au 1er juillet 2020 avait été introduite.

Sondé à l’approche du terme, dans un contexte politique particulier entre imminence d’un remaniement gouvernemental dont pourrait faire les frais Édouard Philippe, crise socio-économique et sanitaire, et possibilité d’abaisser à 110 km/h la limitation de vitesse sur autoroute, Matignon indique à l’AFP que « le Premier ministre s’exprimera lorsqu’il disposera des travaux de conclusion des deux années d’expérimentation ».

Or ceux-ci, confiés par la Sécurité routière au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), sont toujours en cours, a-t-on appris de source proche du dossier, car ils doivent prendre en compte la brutale chute de la mortalité routière liée au confinement (- 39,6 % en mars, – 55,8 % en avril, – 15,6 % en mai 2020).

« Faut-il neutraliser les deux mois de confinement ? Si oui, comment ? Sinon, comment répercuter l’effet induit sur la mortalité ? C’est en réflexion, pour proposer le bilan le plus honnête possible, sachant que c’est un sujet de controverse », ajoute-t-on de même source.

Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes, opposée à une limitation générale à 80 km/h, balance lui entre « pragmatisme et bon sens ».

« Le pragmatisme voudrait qu’on prolonge l’expérimentation, alors que le bon sens pousse à dire que la mesure n’a pas marché puisque nous n’avons pas eu l’économie des 400 ou 450 vies promises par an », développe-t-il.

Un seul bilan significatif ?

Dans le camp d’en face, Anne Lavaud, déléguée générale de la Prévention routière, estime que le seul bilan « qui a fait preuve de son efficacité est celui du deuxième semestre 2018 ». Pendant lequel 127 vies ont été épargnées en France métropolitaine, hors agglomération et hors autoroute, par rapport à la moyenne des deuxièmes semestres de 2013 à 2017.

Selon la Sécurité routière, les routes où la vitesse a été abaissée à 80 km/h contribuent pour 90 % à la mortalité hors agglomération et hors autoroute. Et elles avaient concentré, en 2017, 55 % des accidents mortels.

Pour Anne Lavaud, tout bilan après cette date « n’a aucun sens car tous les paramètres du dispositif » ont ensuite changé avec d’abord, à partir de décembre 2018, les destructions de radars liées à la crise des « gilets jaunes ».

Puis, face aux violentes réactions, les députés ont assoupli le dispositif, en juin 2019, en offrant possibilité aux départements de relever la vitesse maximale à 90 km/h.

Un peu plus d’un tiers l’ont fait, l’immense majorité de ceux-ci sur une faible portion de leurs routes, notamment en raison des conditions drastiques préconisées.

Repasser à 90 km/h n’a été rendu possible qu’une fois promulguée, fin décembre 2019, la loi d’orientation des mobilités (LOM), « mais beaucoup de Français pensaient dès l’été 2019 qu’on pouvait de nouveau rouler à 90 km/h » selon Anne Lavaud. Ce qui tronque également le bilan.

Enfin, à partir de décembre 2019, la grève contre la réforme des retraites a modifié les habitudes de déplacement, avant donc le confinement.

« Il est évident qu’on n’a pas bénéficié des meilleures conditions pour prouver, si besoin était, que baisser la vitesse maximale équivalait à faire baisser le nombre de morts », affirme Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, qui « n’imagine pas un seul instant que l’éventuel nouveau gouvernement revienne sur les 80 km/h ».

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