Il ne faut pas bouder son plaisir, d’autant plus que l’on ne sait pas si l’occasion de se réjouir se représentera. Le Cerema a publié, le 13 février dernier, un décompte précis de la consommation foncière en France, en baisse en 2023 : 19 000 hectares d’espaces naturels ont été convertis en espaces urbanisés ; il s’agit de la consommation la plus faible enregistrée depuis 2009. Reste à savoir, si la loi Trace est adoptée par l’Assemblée nationale, si cette tendance se prolongera dans les prochaines années.
Depuis 2011, l’équivalent de la surface de La Réunion a été artificialisé
Cette satisfaction reste cependant de courte durée quand on prend la mesure des dégâts causés. En effet, entre 2011 et 2023, plus de 297 000 hectares ont été consommés, soit l’équivalent de la surface de l’île de La Réunion. Entrons dans le détail de cette avancée de l’artificialisation : en 2023, 19 263 hectares d’espaces naturels ont ainsi été convertis en espaces urbanisés, un chiffre en baisse de 4,8 % par rapport à 2022. Depuis 2019, la tendance est à la « stabilisation du rythme » autour de 20 000 hectares, un rythme qui demeure « élevé », assure l’établissement public. L’analyse met en évidence un critère d’efficacité de la construction, en hausse de 30 % : « Un hectare consommé en 2021 permettant de construire 2 435 mètres carrés de bâti en 2021, contre 1 950 mètres carrés en 2011 ». Cette performance résulte des « efforts croissants de recyclage et de densification urbaine », explique le Cerema. Concrètement, 64 % des espaces naturels consommés depuis 2011 ont profité à l’habitat, 23 % en direction des activités économiques et 7 % ont permis d’ériger de nouvelles infrastructures.
L’appétit de foncier des petites villes
Côté verre à moitié vide, on peut regretter que 60,7 % de cette consommation d’espaces concerne les petites communes et les territoires où l’offre de logement n’est pas en tension. « Des petites opérations de deux à trois hectares », indique le Cerema, contribuant « fortement à la consommation nationale ». Les 38 % restants se situent dans la deuxième couronne des grandes villes et le long des littoraux.
La nécessité de désartificialiser
Le Cerema rappelle que la bétonisation des sols accélère la perte de biodiversité, accentue le dérèglement climatique, les sols naturels formant des puits de carbone efficaces et facilitant la filtration de l’eau. La loi Climat et résilience de 2021 avait bien intégré cette urgence, se fixant pour objectif d’atteindre la sobriété foncière en 2050, avec l’objectif en 2031 de réduire de moitié la consommation d’espaces naturels par rapport à la décennie précédente. Le texte adopté en mars dernier par le Sénat rebat les cartes, en remettant en cause, entre autres, l’atteinte de cet objectif de 2031. Pour l’heure, le texte n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Stéphane Menu