1. Une philosophie intacte
La modification de la partie lĂ©gislative du Code de l’expropriation est annoncĂ©e Ă droit constant. Toutefois d’une part des modifications ou prĂ©cisions ont Ă©tĂ© apportĂ©es Ă la marge, notamment sur les expropriations d’immeubles en copropriĂ©tĂ© (art. L. 221-2), et d’autre part les diverses catĂ©gories d’enquĂŞtes publiques sont mieux diffĂ©renciĂ©es (art. L. 110-1 Ă L. 110-2).
Le rĂ©gime juridique de l’expropriation demeure divisĂ© entre procĂ©dure administrative, contrĂ´lĂ©e par le juge administratif, et procĂ©dure judiciaire de fixation des indemnitĂ©s, relevant du juge de l’expropriation.
Ceux qui espĂ©raient une refonte de la procĂ©dure d’expropriation, avec la crĂ©ation d’un juge unique compĂ©tent pour connaĂ®tre des phases administrative et judiciaire, sont donc déçus.
2. Le bouleversement du plan du Code de l’expropriation
L’ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 et le dĂ©cret n° 2014-1635 du 26 dĂ©cembre 2014 ont bouleversĂ© le plan du Code de l’expropriation.
Le praticien manquera dans un 1er temps de repères. Le plan de l’ancien Code Ă©tait chronologique. Les dispositions, rĂ©gissant la prise de possession (art. L. 15-1 et suivants), Ă©taient situĂ©es après celles concernant l’indemnisation. Cet enchainement Ă©tait logique, l’entrĂ©e en jouissance ne pouvant ĂŞtre effective qu’un mois après paiement ou consignation des indemnitĂ©s.
Ainsi selon un plan anachronique, le titre 3 relatif Ă la prise de possession, divisĂ© en 2 chapitres (dont le 1er rĂ©servĂ© aux dispositions gĂ©nĂ©rales), est compris dans le livre 2, relatif au transfert de propriĂ©tĂ©, soit avant les dispositions rĂ©gissant l’indemnisation. La logique du plan n’est plus chronologique.
Surtout, les anciens articles L. 15-1 et L. 15-2 du Code de l’expropriation ont Ă©tĂ© sĂ©parĂ©s et reportĂ©s aux articles L. 231-1 et L. 331-3.
Ainsi l’ancien article L. 15-1 est inclus dans le livre concernant le transfert de propriĂ©tĂ©, alors que l’ancien article L. 15-2, qui autorise une prise de possession anticipĂ©e du bien en cas d’appel du jugement fixant les indemnitĂ©s, est inclus dans le livre 3 sur l’indemnisation.
Cette séparation est surprenante, alors que le Conseil constitutionnel avait censuré en bloc ces 2 articles, les estimant liés juridiquement (cf. Conseil Constitutionnel, 6 avril 2012, n° 2012-226 QPC).
Enfin, le Code de l’expropriation comporte dĂ©sormais un livre 5 rĂ©servĂ© aux procĂ©dures spĂ©ciales, concernant l’expropriation des immeubles insalubres ou menaçant en ruines (titre 1er) et les procĂ©dures d’extrĂŞme urgence (titre 2).
3.   La division de certains articles
Le rĂ©dacteur du Code a divisĂ© des articles, dont l’article L. 13-15. Son contenu est dĂ©sormais fixĂ© aux articles L. 322-2 Ă Â L. 322-7.
Ce dernier article apporte d’ailleurs des prĂ©cisions utiles sur la dĂ©termination du coĂ»t estimatif des travaux prescrits par une mesure de police propre Ă Â assurer la sĂ©curitĂ© et la salubritĂ© de locaux.
La scission de l’article L. 13-15 facilite la lecture de ces dispositions sur les principes essentiels de l’Ă©valuation des biens.
4. La rĂ©forme plus profonde de l’appel contre le jugement fixant les indemnitĂ©s
Les anciennes dispositions Ă©taient silencieuses sur l’effet de l’appel. Certes, l’article L. 15-2 autorisait l’expropriant Ă Â prendre possession du bien en versant tout ou partie des indemnitĂ©s, en cas d’appel. Des doutes sont apparus en 2013, quand le rapporteur de la loi n° 2013-431 ayant modifiĂ© les articles L. 15-1 et L .15-2, a Ă©mis le souhait d’un dĂ©cret pour confĂ©rer l’exĂ©cution provisoire aux jugements.
DĂ©sormais, selon l’article R. 311-25, l’appel du jugement fixant les indemnitĂ©s n’est pas suspensif, les indemnitĂ©s devront ĂŞtre versĂ©es, la prise de possession Ă©tant alors possible.
Ă€ peine d’irrecevabilitĂ©, l’appelant dispose d’un dĂ©lai de 3 mois (au lieu de 2), Ă Â compter de sa dĂ©claration d’appel pour enregistrer son mĂ©moire devant la Cour d’Appel (les chambres des expropriations ont disparu). L’intimĂ© doit impĂ©rativement enregistrer son mĂ©moire dans les 2 mois Ă Â compter de la notification du mĂ©moire de l’appelant. Surtout, l’appel incident doit ĂŞtre interjetĂ© dans le mĂŞme dĂ©lai. Auparavant, il n’Ă©tait enfermĂ© dans aucun dĂ©lai.
Enfin, l’expropriant doit saisir le premier prĂ©sident de la Cour d’Appel, et non plus le juge de l’expropriation, pour ĂŞtre autorisĂ© Ă consigner tout ou partie des indemnitĂ©s, et prendre possession du bien par anticipation.
Lucien Deleye, Avocat au Barreau de Lille, Bignon Lebray Avocats