Le versement d’une prime de 13e mois y a été jugé irrégulier faute de base légale antérieure à 1984 permettant son maintien. Même si l’affaire s’est conclue par une relaxe des gestionnaires concernés, elle envoie un signal clair aux responsables RH territoriaux : la sécurisation juridique des régimes indemnitaires est une exigence incontournable.
Une affaire emblématique des fragilités indemnitaires locales (plus de 850 000 € versés en quatre ans avant abrogation en 2024)
La prime litigieuse trouvait son origine dans une délibération de 1990 se réclamant d’un avantage acquis antérieur à la loi du 26 janvier 1984. Cependant, aucune délibération préalable, antérieure au 28 janvier 1984, n’a pu être produite. Or, le maintien dérogatoire des compléments de rémunération suppose l’existence d’une telle base juridique, condition essentielle posée par l’article 111 de la loi de 1984 (aujourd’hui repris à l’article L. 714-11 du Code général de la fonction publique). En l’absence de cette preuve, la prime de 13e mois ne pouvait qu’être qualifiée d’irrégulière.
Ce constat met en lumière un problème récurrent dans la gestion territoriale : certaines pratiques indemnitaires, bien qu’ancrées depuis des décennies, reposent sur des fondements juridiques fragiles, parfois jamais contestés. Dans le cas du CDG38, la prime avait été versée sans interruption pendant plus de trente ans, avant d’être finalement abrogée en 2024 à la suite des observations de la chambre régionale des comptes.
Enseignement majeur pour les employeurs territoriaux : la conformité avant tout
L’arrêt rappelle que seules les primes instituées par un texte législatif ou réglementaire, ou celles dûment validées par une délibération antérieure à 1984, peuvent être légalement versées. Il appartient donc aux directions des ressources humaines et aux élus d’assurer une vérification rigoureuse de la légalité des dispositifs indemnitaires, en s’appuyant sur les textes en vigueur et les contrôles de légalité.
Cette vigilance doit s’accompagner d’une démarche proactive : auditer les régimes indemnitaires existants, identifier les avantages historiques potentiellement irréguliers, et procéder à leur mise en conformité. À défaut, les collectivités s’exposent à des risques financiers, à des sanctions juridiques et à une perte de crédibilité auprès de leurs agents.
L’arrêt du 5 septembre 2025 constitue un avertissement clair pour l’ensemble des gestionnaires territoriaux. La question indemnitaire ne peut être envisagée sous le seul prisme de l’usage ou de l’habitude : seule une base juridique solide confère une légitimité durable. Pour les responsables RH, il s’agit d’un enjeu stratégique : garantir la sécurité juridique des primes, préserver les finances publiques et instaurer un dialogue social fondé sur la transparence et la conformité.
En pratique, les DRH gagneraient à mettre en place des audits réguliers, à sensibiliser les élus sur les risques juridiques et à anticiper toute réforme, qui doit être pleinement intégrée à la stratégie RH des collectivités, afin de sécuriser les avantages existants ou de proposer des dispositifs indemnitaires alternatifs conformes aux textes juridiques. Plutôt que de maintenir des pratiques fragiles, il est préférable de construire des régimes indemnitaires modernes, transparents et juridiquement sécurisés.
Texte de référence : Arrêt n° S-2025-1360 de la Cour des comptes rendu le 5 septembre 2025
