Le Conseil d’État veut faire rimer intelligence artificielle et action publique

Publié le 9 septembre 2022 à 14h00 - par

Le Conseil d’État plaide pour une stratégie d’intelligence artificielle au service de la performance publique.

Le Conseil d'État veut faire rimer intelligence artificielle et action publique

Le Conseil d’État a publié, le 30 août 2022, une étude intitulée « Intelligence artificielle et action publique : construire la confiance, servir la performance », réalisée à la demande du Premier ministre. Juge administratif suprême, le Conseil invite les pouvoirs publics à « s’engager dans l’intelligence artificielle pour un meilleur service public ».

Si elle est déjà employée dans la gestion de la circulation automobile, la défense et la sécurité, la lutte contre la fraude – pour la détection des piscines non déclarées ; pour cibler en amont les contrôles fiscaux ou les politiques de l’emploi, l’intelligence artificielle (IA) ne se déploie encore que très progressivement dans les services publics et souvent de façon expérimentale, regrette le Conseil d’État. Pourtant, « en permettant, notamment, la résolution rapide de problèmes grâce à un apprentissage automatique, elle offre une opportunité unique pour améliorer la qualité du service public », est-il convaincu. Selon lui, ses possibles bénéfices sur la qualité du service public sont nombreux : amélioration de la continuité du service public 24h/24, de la pertinence des décisions et prestations délivrées ou de l’égalité de traitement, réduction des délais d’examen des demandes des usagers…

L’IA devrait ainsi permettre de renforcer la relation humaine entre le citoyen et l’agent public, en dégageant du temps grâce à l’automatisation de certaines tâches (accusés de réception, demande de documents supplémentaires…), et d’améliorer la qualité du service par l’accomplissement de tâches jusque-là matériellement impossibles. Voilà pourquoi le Conseil d’État plaide pour « la mise en œuvre d’une politique de déploiement de l’intelligence artificielle résolument volontariste, au service de l’intérêt général et de la performance publique ».

Sans attendre la définition d’un cadre réglementaire, notamment au niveau européen, la France devrait arrêter, « dès aujourd’hui, des lignes directrices pragmatiques permettant un déploiement de l’intelligence artificielle dans les services publics par étape, lucide et vigilant, au plus près des besoins des Français. » Pour le Conseil d’État, une IA publique de confiance doit reposer sur sept principes : la primauté humaine, la performance, l’équité et la non-discrimination, la transparence, la sûreté (cybersécurité), la soutenabilité environnementale et l’autonomie stratégique.

Pour conduire cette stratégie de l’intelligence artificielle publique, la France doit disposer des ressources humaines et techniques adaptées, insiste le Conseil d’État. Une des priorités est de former les dirigeants publics, recruter des experts des données, mais aussi de se doter des ressources techniques nécessaires. Un assouplissement du cadre juridique, notamment du partage de données au sein des administrations, devrait aussi être examiné, complète-t-il.

Un renforcement d’Etalab – département de la Direction interministérielle du numérique (DINUM) chargé de coordonner la conception et la mise en œuvre de la stratégie de l’État dans le domaine de la donnée – et du coordonnateur national pour l’intelligence artificielle, en lien avec l’intervention de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), permettrait aussi de faire de l’État un possible prestataire de services et pourvoyeur de ressources, y compris humaines, pour les collectivités territoriales, soutient le Conseil d’État. Enfin, son étude préconise une « transformation profonde » de la Cnil en autorité de contrôle nationale responsable de la régulation des systèmes d’IA, notamment publics, « pour incarner et internaliser le double enjeu de la protection des droits et libertés fondamentaux, d’une part, et de l’innovation et de la performance publique, d’autre part ».

Solidaires Finances publiques ne partage pas l’enthousiasme du Conseil d’État pour l’IA. Premier syndicat des agents du fisc, il a dénoncé, ce lundi 5 septembre 2022, le recours à l’intelligence artificielle pour remplacer le travail sur le terrain et le contact avec le public. Selon sa secrétaire générale, Anne Guyot-Welke, la volonté politique du Gouvernement, « c’est l’intelligence artificielle en lieu et place d’un certain nombre d’agents. » Pour Solidaires Finances publiques, « si la dématérialisation et internet constituent des compléments utiles aux contribuables, ils ne doivent en aucun cas remplacer les guichets ».


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