Services à la personne : des salariées victimes de discriminations systémiques

Publié le 15 décembre 2022 à 8h00 - par

La Défenseure des droits exige la mise en œuvre d’une politique volontariste de revalorisation des métiers et des professionnelles des services à la personne.

Le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) ont publié, le 8 décembre 2022, le 15e baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi. Cette édition 2022 est consacrée aux personnes employées dans le secteur « invisibilisé » des services à la personne. Ainsi, le baromètre 2022 met en évidence le cumul des facteurs de discrimination auxquels sont confrontées les travailleuses du secteur des services à la personne. Parmi elles, des aides ménagères, mais aussi des assistantes d’accompagnement de personnes âgées et dépendantes.

L’étude interroge la perception qu’ont les employées des discriminations vécues au travail et questionne la nature de ces discriminations pour en déterminer les causes et les conséquences. Dans le secteur des services à la personne, 87,3 % des emplois sont occupés par des femmes. Les personnes nées à l’étranger y sont surreprésentées. Enfin, une part importante de ces employées sont à la tête d’une famille monoparentale. Elles cumulent ainsi les facteurs discriminants liés au genre, au milieu social et à l’origine. Par ailleurs, dans ces métiers mal reconnus, le niveau de rémunération est faible, les conditions de travail dégradées et les employées sont confrontées à la précarité. Cette enquête met également en lumière le fait que ces personnes sont employées à domicile et sont protégées de façon très inégale par les conventions collectives et l’Inspection du travail. Les salariées sont surexposées aux comportements sexistes et aux agressions sexuelles.

Selon les résultats du baromètre, près d’un quart (23 %) des personnes salariées des services à la personne déclare avoir déjà vécu une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans le cadre de sa recherche d’emploi ou de sa carrière. Près d’un tiers d’entre elles rapporte même y avoir été confronté à plusieurs reprises. Interrogées sur leur expérience la plus récente, les travailleuses du secteur de l’aide à la personne citent prioritairement les critères de l’apparence physique. L’étude met notamment en évidence une surexposition aux discriminations des travailleuses d’origine étrangère et perçues comme non-blanches.

Plus des deux tiers (67 %) des travailleuses victimes de discrimination dans ce secteur en ont parlé ou ont entrepris des démarches à la suite des faits (contre 72 % dans l’ensemble de la population active). Toutefois, la plupart d’entre elles en ont surtout parlé à des proches. Par rapport à la population active globale, les professionnelles de ce secteur engagent beaucoup moins de recours auprès de l’Inspection du travail ou des juridictions. Pourtant, les conséquences de ces discriminations s’avèrent extrêmement délétères pour les victimes. Ainsi, après avoir vécu une discrimination, près de 70 % des professionnelles du secteur reconnaissent avoir traversé une période où leur santé mentale s’est dégradée : tristesse, fatigue, dépression, isolement ou peur, sentiment d’isolement. Et 38 % ont subi des répercussions psychologiques sur le long terme, rapporte le baromètre.

Nouvelles figures du salariat non qualifié, les salariées des services à la personne se situent donc au croisement d’inégalités liées au genre, à la classe sociale et à l’origine. Aussi, les résultats de l’étude doivent inciter les acteurs du secteur à se mobiliser et à la mise en place d’une politique volontariste de valorisation des métiers et des professionnelles des services à la personne, tant du point de vue de leurs revenus que de leurs conditions de travail et de leur protection, insiste le Défenseur des droits. « Ces constats doivent inspirer notre action pour la promotion de l’égalité. La crise sanitaire a montré que ces métiers de « première ligne » sont largement invisibles. Je souhaite que les acteurs du secteur et les pouvoirs publics se saisissent de ce baromètre pour apporter reconnaissance et protection à celles qui prennent soin et viennent en aide », conclut la Défenseure des droits, Claire Hédon.


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