Une vente par l’administration, en dessous du prix de marché, peut sous certaines conditions être légale

Publié le 5 novembre 2015 à 10h58 - par

L’intérêt général peut conduire à une vente à perte.

vente terrain

Trouver l’intérêt général

Les chemins qui mènent à l’intérêt général ne sont pas rectilignes. L’administration doit certes agir conformément à l’intérêt général. Mais elle doit peser les intérêts en présence, de manière à atteindre les différents objectifs dont elle a la charge. Cette prise en compte peut aboutir à des résultats, qui pour logiques qu’ils soient, ne sont pas forcément intuitifs.

C’est d’ailleurs pour cette raison que les juridictions, notamment administratives mais c’est aussi vrai pour le Conseil constitutionnel, cultivent le gout de l’équilibre. C’est qu’elles ont à faire la balance entre les différentes contraintes qui s’imposent à elle, comme par exemple le principe de légalité et les nécessités liées à l’urgence à agir, ou encore la prise en compte de la défense de l’ordre public, et celle des libertés publiques.

C’est la recherche de ces équilibres qui rend les solutions parfois non prévisibles, et il faut bien le dire, dans certains cas, incertaines. La jurisprudence peut apparaître marquée du sceau de l’arbitraire, alors que les faits en cause ont conduit à privilégier une solution subtile et qui nécessite une explication approfondie. C’est aussi souvent la raison pour laquelle les différentes juridictions saisies jugent de manière différente.

Les contreparties peuvent justifier une vente à bas prix

Une commune avait vendu un terrain 5 euros le mètre carré alors que le service des domaines avait évalué le terrain à 30 euros. Le tribunal administratif, confirmé par la cour, avait censuré la vente en considérant qu’elle avait la nature d’une libéralité. Et en effet, on voit bien que la commune ne trouvait pas d’intérêt financier à cette affaire.

Le Conseil d’État adopte toutefois une autre solution (CE, 14 octobre 2015, commune de Châtillon-sur-Seine, n°375577). Selon lui, en effet, « pour déterminer si la décision par laquelle une collectivité publique cède à une personne privée un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur est, pour ce motif, entachée d’illégalité, il incombe au juge de vérifier si elle est justifiée par des motifs d’intérêt général… Si tel est le cas, il lui appartient ensuite d’identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c’est-à-dire les avantages que, eu égard à l’ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s’assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité… Il doit, enfin… estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé ».

En l’espèce, la vente devait permettre à des gens du voyage de se loger décemment. Elle était donc motivée par un but d’intérêt général. Mais la cour n’a pas suffisamment pris en compte les contreparties à la vente, à savoir les  avantages en matière d’hygiène et de sécurité publiques, la possibilité d’économiser le coût d’aménagement d’une aire d’accueil pour les gens du voyage et les coûts d’entretien de terrains. Le Conseil d’État lui renvoie donc l’affaire.

Laurent Marcovici


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