Développer la biodiversité urbaine

Publié le 27 février 2020 à 8h45 - par

Alors que les citadins font preuve d’un important désir de nature, la ville ne peut-elle pas créer elle-même une biodiversité originale ? C’est à cette question que s’attachent à répondre un ingénieur des Ponts et Chaussées, une psychologue environnementale et une urbaniste dans un plaidoyer « pour une ville vivante ».

Développer la biodiversité urbaine

Sur les cinq millions d’hectares (9,3 % du territoire) artificialisés en France, les deux tiers sont imperméabilisés, ce qui entraîne une perte de biodiversité. Pourtant, sous certaines conditions, les espaces urbanisés peuvent être favorables à la biodiversité et plus riches que certains espaces ruraux, aux paysages parfois peu diversifiés et où monoculture et agriculture intensive ont détruit les habitats naturels. Ainsi, la ville peut créer une biodiversité originale, in situ, variable selon les lieux, a expliqué Alain Maugard, ingénieur des Ponts et Chaussées, au Club Fimbacte le 3 février 2020.

Co-auteur avec une psychologue environnementale et une urbaniste d’un ouvrage qui prône une « ville vivante », Alain Maugard insiste sur la nécessité d’accepter que se développe, au sein de la ville, une biodiversité naturelle, dans des zones non construites. « La solution n’est pas de tout prévoir, mais de laisser faire », explique-t-il. À côté de cette biodiversité in situ, à l’intérieur des limites de la ville, les urbains peuvent aussi avoir un effet sur la biodiversité ex situ ; la révolution des modes de vie (circuits courts, alimentation diversifiée, demande de produits de saison et locaux ou de matériaux bio-sourcés constitués à partir de végétaux cultivés hors de la ville…) a forcément un impact également autour de la ville. « Le bois, le chanvre, la paille, c’est du vivant ! En soutenant ces filières qui se diversifient et se structurent, nous renforçons aussi la biodiversité », s’exclame Alain Maugard qui constate que ce désir de nature est très profond : « Ce n’est pas une mode. Il y a un besoin fondamental d’équilibre dans le monde urbain ».

L’envie de nature pourrait être le moteur d’une vraie biodiversité, charge aux maires d’expérimenter diverses solutions locales pour ne retenir ensuite que les plus pertinentes et « organiser des mutations darwiniennes accélérées ». Ainsi, explique l’urbaniste Émeline Bailly, « la réouverture du lit naturel d’un ruisseau en milieu urbain, accompagnée de la réintroduction d’espèces locales sur ses berges et de l’aménagement d’une promenade piétonne avec des possibilités d’usages et d’arrêts, constitue autant un enjeu de bien-être et de qualité de vie qu’un enjeu écologique : le démembrement des ouvrages d’art modifie le lit de la rivière, son débit, son niveau d’oxygénation et a une influence favorable sur la biodiversité ». Elle part de l’hypothèse que la « naturation » contribue à améliorer le cadre de vie des hommes et le milieu pour les espèces, tout en créant les conditions d’une meilleure adaptation pour les territoires. Une notion qui considère la nature sous différents angles (écosphère, habitat, milieu de vie, sol, relief, paysage…) et s’inscrit dans des dynamiques spatiales de protection et de réhabilitation, dans des stratégies d’aménagement ou de « déprise » territoriale. « Si elle trouve un terrain d’expérimentation propice dans les nouveaux écoquartiers, la question de la renaturation à plus grande échelle se pose avec autant d’acuité dans les villes et les métropoles existantes », poursuit l’urbaniste.

En tout état de cause, la ville est comme un être vivant qui a, par définition, parfois besoin de soins. Plutôt que des interventions d’urbanisme de type chirurgical, mieux vaudrait utiliser « l’acupuncture urbaine » et les médecines douces, en faisant évoluer les choses par petites touches, estime Alain Maugard. Les maires devraient partir de l’identité patrimoniale et culturelle de leurs habitants, de leurs envies, pour créer des projets collectifs, en co-construction. Il ne s’agit pas de surdensifier la ville en construisant le moindre espace, ce qui restreint la place disponible pour une nouvelle biodiversité urbaine. En revanche, Alain Maugard s’interroge : pourquoi ne pas permettre à la ville de s’étendre, si cela intensifie la biodiversité ?

Martine Courgnaud – Del Ry

Biodiversité urbaine, « pour une ville vivante », Émeline Bailly, Dorothée Marchand, Alain Maugard

Biodiversité urbaine, « pour une ville vivante », Émeline Bailly, Dorothée Marchand, Alain Maugard, Éditions PC


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