Bientôt en vert, le compte administratif fait des vagues

Publié le 3 septembre 2024 à 10h00 - par

Le compte administratif 2024 devra être présenté avec une annexe en budget vert sur le climat. Des collectivités sont prêtes, d’autres contestent en l’état la méthode et l’utilité.

Bientôt en vert, le compte administratif fait des vagues
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Au plus tard le 30 juin 2025, collectivités et EPCI de plus de 3 500 habitants devront présenter un budget vert pour leur compte administratif (CA) 2024, soit un état annexé visant les dépenses d’investissement contribuant « négativement ou positivement à tout ou partie des objectifs de transition écologique », suite au décret du 16 juillet 2024 pris en application de l’article 191 de la loi de finances pour 2024. Sont concernés budgets principaux et annexes (art. 1) ; 17 comptes pour l’exercice 2024, tous pour 2025 (art. 2).

Des objectifs progressifs

Les objectifs de transition écologique retenus relèvent de six axes (art. 3) :

  • 1er axe : atténuation du changement climatique dès l’exercice 2024 ;
  • 6e axe : préservation de la biodiversité dès l’exercice 2025 ;
  • Les quatre autres axes concerneront 2027.

Trois guides méthodologiques de « cotation » sont disponibles à ce jour, pour les axes 1, 2 et 6, celui sur l’axe 6 s’appliquant seulement aux régions. La cotation – impact environnemental de chaque dépense –, définie au niveau européen, est favorable, défavorable, neutre… ou non cotée.

Certaines collectivités – surtout les grandes – avaient déjà un budget vert (budget primitif – BP – surtout). Dès 2019-2020, I4CE co-construisait une méthode d’évaluation climat, en partenariat avec des associations d’élus et cinq collectivités : villes de Paris et Lille, métropoles de Lille, Lyon et Strasbourg (EMS). D’autres ont suivi. Strasbourg – ville et EMS – applique la méthode I4CE sur le climat depuis 2021 pour les BP et CA Investissements et depuis 2024 sur le fonctionnement en plus, sans oublier un « budget lu autrement » au prisme des 17 Objectifs de développement durable. À Bourges Plus (101 687 hab., Cher), « on est prêt, assure Gilles Metti, responsable financier de l’agglo, car on a écrit la méthode I4CE (climat) l’an dernier avec le cabinet Adret-DuNum et on l’a appliquée sur l’investissement et le fonctionnement dès le BP 2023 sur les compétences environnement, voirie et mobilité. Sur le BP 2024, 95 % du budget est passé au crible climat ». Mais est-ce si facile de passer du BP au CA ? « Pour éviter l’usine à gaz, on se limitera à coloriser les imputations budgétaires de plus de 5 000 € », note Gilles Metti. Exemples ? Aujourd’hui, côté climat, « une incinération avec valorisation en réseau de chaleur est favorable, mais la création pure d’une route ou d’un collège est défavorable », précise-t-on à Bourges Plus.

Méthode I4CE imposée

Pour les petites collectivités locales n’ayant encore rien fait, cela sera compliqué, faute d’ingénierie. Et même pour ceux utilisant une autre méthode que celle d’I4CE… « Aucune méthode ne devait nous être imposée, selon les discussions préparatoires… », peste Stéphanie Grondin, adjointe aux finances à Pessac (66 760 hab., Gironde). Et de critiquer ce guide méthodologique I4CE de 148 pages : « Un tapis rouge à tous les consultants pour faire à la place des agents ».

Il faut pourtant appréhender la fiabilité des cotations imputées. On peut, comme Bourge Plus, associer un binôme Direction financière et Direction Développement durable, lequel « colorise le budget à chacune de nos réunions, ce qui favorise la sincérité, observe Gilles Metti. Les explications sont annotées en extra-comptable ». À Strasbourg, Syamak Agha-Babaei explique que « la Direction financière a formé ses correspondants dans les directions ». Stéphanie Grondin est, elle, pessimiste : « Chacun mettra ce qu’il voudra, car la préfecture se limitera à contrôler la présence de l’annexe au CA ».

Infaisable ou incomplet ?

Pour l’instant, l’obligation ne concerne que l’investissement réalisé. « Mais il faut aussi une ingénierie en interne donc du fonctionnement pour bien investir, estime Syamak Agha-Babaei. De plus, si on massifie les investissements pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut recourir à la dette ». Par ailleurs, la méthode est aussi utile au BP en matière d’arbitrage budgétaire. À Bourges Plus par exemple, « en plus d’une présentation classique du budget par délégation et par chapitre, les services, avec l’aide du chargé de mission développement durable, attribuent des cotations vertes à leurs demandes », précise Gille Metti.

Strasbourg vise aussi l’arbitrage à terme : « Ce n’est pas encore le cas, le critère climat étant le seul utilisé avec la méthode I4CE », selon Syamak Agha-Babaei. En effet, il n’existe pas d’outil qui à ce jour intègre les trois piliers du développement durable pour conclure s’il faut ou non réaliser un projet. Construire une école sera côté rouge sur le plan climatique, mais on peut en diminuer l’impact environnemental, en construisant des logements au-dessus ou avec le label BEPOS… L’école a une utilité éducative, sociale, etc. « La rénovation d’un stade est, elle, problématique », note Syamak Agha-Babaei, après les 160 M€ dépensés – à tort ? – pour rénover le stade de la Meinau.

À terme, l’utilisation des six axes serait difficile selon Gilles Metti : « Cela peut devenir infaisable et contre-productif : comparer au niveau national sera difficile ». Stéphanie Grondin estime au contraire que le décret est incomplet, malgré ses six axes : « Où est le social ? Nous l’avons intégré à notre référentiel sur le BP inspiré des 17 ODD et comportant quatre finalités avec objectifs de mandat. Ces quatre finalités, ensemble, donnent du sens, stimulent la créativité. L’approche actuelle en silos ne fonctionnera pas… 80 % des dépenses seront classées neutres ou non cotées, alors qu’elles auront un impact social, discriminatoire, etc. ». Pour Syamak Agha-Babaei toutefois, « le décret va dans le bon sens : il faut évaluer l’efficacité des dépenses ». Déjà, il assure qu’entre 2021 et 2024, « les investissements favorables au climat sont passés de 15 à 27 % à Strasbourg et de 19 à 30 % à l’EMS ». Bons débuts ?

Frédéric Ville

Pour aller plus loin :

Découvrez l’offre WEKA Smart Masterclasse n° 5 – Budget vert : concevoir autrement le budget.

Cette Masterclasse se déroulera le vendredi 27 septembre de 14h à 16h avec la participation de Siham Moulali-Gaton, Cheffe de projet « budgétisation de transition écologique et égalité F/H » à la Métropole de Lyon et Aurélie Deloze Pagnon, Manager KPMG Secteur public. .

Budget vert : concevoir autrement le budget


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