La Direction des études de La Banque Postale a publié, courant juin 2025, une étude intitulée « Mobilités du quotidien : entre présent complexe et avenir incertain », dans laquelle elle analyse l’organisation et les comptes des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) locales sur la période 2017-2024. Si la nécessité d’un report modal de la voiture vers les transports publics est désormais prise en compte dans la législation, les pouvoirs publics ont instauré « une gouvernance complexe », autour d’un binôme intercommunalité-région, en laissant de côté l’enjeu financier, expliquent les auteurs de l’étude. D’où, selon La Banque Postale, l’intérêt d’une analyse des comptes actuels des AOM pour comprendre les enjeux de demain.
La voiture demeure le mode principal de déplacement des actifs pour rejoindre leur lieu de travail : 74 % d’entre eux l’utilisent et même 90 % pour ceux résidant hors des aires d’attraction des villes, rappelle l’étude. La dépendance à la voiture individuelle dans les couronnes périurbaines est quasiment équivalente à celle souvent pointée dans les communes rurales, principalement en raison du manque d’alternatives de transports collectifs. Bien que moins importante, cette dépendance s’avère encore forte dans les grandes agglomérations ; et le développement du télétravail – qui concerne précisément majoritairement les grandes agglomérations (et les cadres) – ne semble pas faire beaucoup bouger les lignes.
Le budget des AOM locales
Au 1er janvier 2024, la France métropolitaine comptait 689 AOM locales, dont 460 communautés de communes ayant récemment pris la compétence, comme les y autorise la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019. Cependant, la Direction des études de La Banque Poste n’a pas été en mesure d’isoler les comptes transport de toutes ces AOM, certaines collectivités locales n’ayant pas de budgets annexes dédiés aux transports. Les auteurs de l’étude ont néanmoins réussi à identifier sur la période 2017-2024 entre 247 (en 2017) et 262 (en 2024) budgets par an (soit des budgets annexes, soit des budgets principaux de syndicats uniquement centrés sur les transports de personnes). Leur travail porte donc sur un échantillon et non l’intégralité des comptes des AOM.
Le budget (hors dette) des AOM de cet échantillon s’élevait à 9,5 milliards d’euros en 2024 et a connu une progression de 49 % entre 2017 et 2024 (soit + 5,9 % par an en moyenne). L’analyse des comptes des AOM sur cette période permet de dresser un état des lieux du financement actuel du service des transports publics par les collectivités locales, ainsi que d’éclairer les débats actuels sur son évolution. « Comprendre comment ce service se traduit aujourd’hui dans les budgets locaux permet d’anticiper leur évolution pour faire face aux défis de la transition écologique et d’une offre nécessairement augmentée », insiste la Direction des études de La Banque Postale.
L’étude constate que les budgets des AOM locales sont surtout composés, en fonctionnement, de dépenses de prestations vers les exploitants, la collectivité portant rarement directement les charges courantes (achats, personnel), « ce qui ne les empêche pas d’absorber les hausses de prix via leurs contrats de prestations de services » ; et, en investissement, de dépenses d’achat de matériel et de construction d’infrastructure, « tout aussi sensibles à la conjoncture économique, mais également au cycle électoral. » En recettes, le modèle de financement repose, pour moitié, sur les entreprises et les administrations, via le versement mobilité, et à 13 % sur les usagers, via les recettes tarifaires. « Un développement de l’offre devra donc tenir compte de ces spécificités qui posent la question, dans un premier temps, de la dépendance des collectivités aux contrats les liant à leurs exploitants (qu’ils soient privés ou publics) et, dans un deuxième temps, celle du financement par les entreprises ou par les usagers, l’un et l’autre rencontrant des limites, économiques, écologiques et sociales, ce qui amène à s’interroger sur le rôle de l’État et de l’emprunt », soutient l’établissement bancaire.
Et demain ?
L’étude dessine des perspectives à l’horizon 2030. Ses auteurs estiment que le budget des AOM locales nécessitera « une hausse de plusieurs milliards d’euros pour respecter les objectifs de la stratégie nationale bas carbone. » De fait, le développement des transports urbains constitue un des moyens pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (en substitution de la voiture) et permettre ainsi à la France d’atteindre ses objectifs de décarbonation.
Plusieurs études viennent chiffrer les dépenses attendues en la matière à l’horizon 2030. Le panorama des financements climat des collectivités locales de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), paru en septembre 2024, chiffre à 4 milliards d’euros supplémentaires par an les besoins en investissements locaux dans le secteur des transports, dont 1,3 milliard d’euros pour les seuls transports en commun urbains. Un rapport du Sénat évoque, pour sa part, une progression de l’offre de transport en commun de 20 à 25 % d’ici 2030, qui engendrerait une hausse du même ordre des dépenses d’exploitation. Selon ce même rapport, les investissements en matière de transports collectifs urbains pourraient atteindre 30 milliards d’euros entre 2023 et 2030.
Ces perspectives budgétaires exigent de s’interroger sur leur financement et la capacité à faire des AOM. « À structure de recettes inchangée, le défi semble difficile à relever tant le modèle repose aujourd’hui sur la contribution des entreprises », préviennent les auteurs de l’étude. Même si les comptes des AOM relèvent d’une grande diversité et que les réalités territoriales peuvent être très différentes, certaines tendances communes se dessinent en observant leur évolution depuis 2017, expliquent-ils. Le schéma de financement demeure centré sur le versement mobilité et donc la participation des entreprises. Néanmoins, la part des financements complémentaires est en augmentation, tels les tarifs, les aides étatiques et l’endettement. La forte perméabilité de ces budgets aux crises est également visible avec l’impact en 2020 de la crise sanitaire liée au Covid-19, puis du choc inflationniste, avec notamment la hausse importante des prix de l’énergie, qui se retrouve dans les contrats de prestations de service signés par les AOM avec les exploitants des services de transport. Aussi, « le développement des transports publics attendu dans les années à venir va nécessiter de poursuivre l’observation de ces comptes afin de trouver les clés d’un financement soutenable pour les entreprises, les usagers et l’État », conclut la Direction des études de La Banque Postale.