À l’hôpital, les femmes médecins se heurtent encore au « plafond de verre »

Publié le 25 novembre 2022 à 9h00 - par

Dans le système hospitalier, où sont les femmes ? Ultra-majoritaires chez les paramédicaux, désormais plus nombreuses que les hommes sur les bancs de la fac de médecine, elles peinent cependant à atteindre les hautes responsabilités, en raison d’obstacles persistants.

À l'hôpital, les femmes médecins se heurtent encore au "plafond de verre"

« La santé de demain ne pourra se faire qu’avec davantage de femmes aux postes de décisions au sein de l’hôpital », prévient l’association Donner des ELLES à la santé, qui organisait cette semaine son premier colloque national, à l’hôpital Necker à Paris.

Or le compte n’y est pas, selon des chiffres communiqués par ce collectif lancé en 2019 pour lutter contre les inégalités femmes-hommes dans le système de soins. Si les étudiants en médecine sont désormais à 60 % des étudiantes, les femmes ne représentent que 20 % des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) et 13 % des doyennes de faculté. Le réseau des 18 centres régionaux de lutte contre le cancer compte une seule femme médecin directrice générale, à Clermont-Ferrand.

À l’hôpital, 85 % des femmes médecins déclarent s’être senties discriminées dans leur parcours professionnel, et 80 % disent avoir déjà été victimes de comportements sexistes, selon un baromètre Ipsos publié en avril 2022.

« Toutes les discriminations sont imbriquées », estime Myriam Dergham, étudiante en médecine et en sciences politiques. Et le sexisme durant les études nourrit les perturbations de carrière futures, estime cette jeune femme qui a enquêté dans 13 facultés. « On est sans cesse disqualifiées », accuse-t-elle, dénonçant un « esprit carabin » qui conduit à « mettre les femmes à une place d’objet ».

Plus tard, près de six femmes sur dix considèrent que la maternité et la vie de famille sont des freins pour prétendre à des postes à responsabilité. Déjà, dans le cadre du mentorat, l’accompagnement des jeunes médecins par des plus expérimentés, « un homme se verra proposer beaucoup plus de projets qu’une femme, car cela intervient souvent au moment de la carrière où l’on tombe enceinte », déplore le Dr Elsa Mhanna.

Tout ce que l’hôpital n’a pas

« Les hommes préfèrent « mentorer » des hommes, il ne faut pas forcément y voir malice, mais c’est un biais de départ », reconnaît le Pr Didier Samuel, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine.

Neurologue, le Dr Mhanna témoigne aussi de la faible place des femmes dans les prises de parole aux congrès des sociétés savantes, mais aussi d’une plus grande difficulté, pour elles, à faire paraître des travaux scientifiques. « Il m’est arrivé qu’on me demande d’ajouter le nom d’un coauteur avec l’argument : « t’auras plus de chance de publier » », raconte-t-elle.

Autre frein, certes pas spécifique au monde de la santé : le « syndrome de l’imposteur » dont souffrent nombre de femmes, qui se demandent si elles sont bien légitimes pour postuler. Que faire pour lever ces obstacles ? Déjà « travailler sur la bienveillance » dans le management et bâtir « un environnement de travail favorable » – « c’est-à-dire tout ce que l’hôpital n’a pas aujourd’hui », grince le Dr Géraldine Pignot, chirurgienne-urologue et présidente de l’association Donner des ELLES à la santé.

« Je ne parlerais pas de discrimination positive, mais on a besoin d’un certain volontarisme », souligne au nom des doyens le Pr Samuel, pour qui les progrès constatés sont « clairement insuffisants ». Aides conditionnées au respect de l’égalité femmes-hommes, campagnes de sensibilisation, actions de formation… Le panel de mesures possibles est large.

Le volontarisme peut aussi passer par des textes contraignants. La loi Sauvadet a permis d’imposer un taux de 40 % de femmes, depuis 2017, parmi les personnes nommées pour la première fois à des postes d’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique… mais elle ne s’applique pas aux médecins chefs de service ou de pôle.

« Il y a des angles morts, que nous souhaitons traiter », indique Charlotte Cardin-Taillia, conseillère du ministre de la Fonction publique. Par-delà les lois, il faudra un changement profond des mentalités pour faire voler en éclats le « plafond de verre », estime Stanislas Guerini : « C’est une bataille culturelle que l’on doit mener ».

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