“Cet été, comme chaque été, les professionnels ont répondu présents. Les hôpitaux ont assuré la continuité des soins et la permanence des soins aux urgences malgré les difficultés”, a d’emblée souligné Arnaud Robinet, président de la FHF, le 3 septembre 2024 lors de la conférence de presse de rentrée de la Fédération. Ainsi, selon une enquête flash menée cet été par la FHF, 46 % des 260 établissements répondants ont constaté une stabilité de la situation aux urgences par rapport à la période estivale de 2023 et 15 % une amélioration. Et ce malgré une augmentation de l’activité pour 48 % des hôpitaux (45 % ont constaté une stabilité). Néanmoins, les problèmes rencontrés par les établissements perdurent : difficultés d’accès aux lits de médecine en aval des urgences pour 66 % d’entre eux et manque de personnels médicaux pour 62 %. Les répondants mettent également en avant la fermeture d’autres services d’urgences qui contribuent à augmenter les flux de patients (42 %). Ils pointent également le manque d’implication des autres acteurs du système de santé : 54 % des cliniques privées et 35 % des médecins libéraux et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ne contribuent pas à réguler la situation en cas de tensions estivales dans un établissement. Ces chiffres masquent néanmoins des différences territoriales. Par exemple, Martin Trelcat, directeur général du groupe hospitalier du Havre (Seine-Maritime), a relevé que les médecins généralistes de la CPTS avaient mis en place 250 créneaux de consultations de soins non programmés par jour afin de soulager le service des urgences. En revanche, le Pr Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (Bouches-du-Rhône), a relevé que des cliniques privées du centre de Marseille avaient fermé cet été, conduisant les patients à se rendre aux urgences de la Timone.
Des difficultés de recrutement persistantes
Quelles sont alors les solutions pour faire face à ces difficultés récurrentes ? 64 % des hôpitaux ayant répondu à l’enquête ont eu recours aux heures supplémentaires et 48 % à l’intérim. 34 % ont aussi mis en œuvre une régulation préalable par le 15 et 31 % une réorientation des patients à leur admission. “Nous estimons que 20 à 20 % des personnes qui se rendent aux urgences, relèvent de la ville”, a d’ailleurs remarqué Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF. Or, chaque année, les urgences enregistrent 21,6 millions de passages dont 80 % sont assurés par l’hôpital public. “En 20 ans, cela représente un doublement alors que la population n’a augmenté que de 10 %. Et 37 % des ces passages font l’objet d’une hospitalisation”, a ajouté Zaynab Riet.
Si le bilan de cet été est donc en demi-teinte, la FHF entrevoit quelques signaux positifs sur l’attractivité du secteur hospitalier public. Une deuxième enquête de la fédération porte sur le recrutement du personnel hospitalier hors médecins. 311 établissements ont répondu et les deux tiers ont des difficultés de recrutement concentrées sur certains métiers, tandis qu’un quart déclarent que ces difficultés restent généralisées. Mais cela varie grandement selon les métiers : plus de la moitié des établissement n’a aucune difficulté à embaucher des gestionnaires de paie ou des achats et des techniciens de laboratoire médical (respectivement 55 % et 57 %), mais 44 % ont des difficultés conséquentes pour recruter des infirmières qui conduisent à des évolutions organisationnelles structurelles au sein de l’équipe. Pour autant, le taux de postes vacants poursuit sa diminution, en particulier du côté des infirmiers avec seulement 3 % de vacance en 2023 (contre 5,7 % en avril 2022). L’absentéisme est aussi en baisse et atteint (tous établissements confondus) 9,5 % (contre 11,1 % en 2022), soit le niveau le plus bas observé depuis le Covid. Enfin, la moitié des Centres hospitaliers universitaires (CHU) notent une progression des recrutements de soignants en sortie d’école entre l’été 2022 et l’été 2023.
Malheureusement, il n’y a guère d’embellies en ce qui concerne le recrutement des médecins. Les résultats d’une troisième enquête portant uniquement sur le personnel médical montrent que 98 % des 258 établissements répondant témoignent de difficultés de recrutement dans au moins une spécialité. Parmi celles qui sont les plus citées (plusieurs choix étaient possibles), la gériatrie arrive en tête, suivie des urgences, de la psychiatrie, radiologie, anesthésie, pédiatrie et médecine générale.
Des finances toujours dans le rouge
À ce contexte s’ajoute une situation financière en forte dégradation. Selon la FHF, les ressources allouées à l’hôpital public ne sont pas à la hauteur des coûts qu’il supporte au titre de ses missions. Pire encore, le déficit des établissements devrait atteindre entre 1,7 milliard d’euros et 1,9 Md € en 2023 et, si rien n’est fait, plus de 2 Mds € en 2024. “Cette crise budgétaire constitue une urgence de santé publique”, n’a pas hésité à lancer Arnaud Robinet. La Fédération réclame donc une hausse de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2025 de l’ordre de 6,3 Mds € pour les établissements de santé, soit + 6 % par rapport à l’Ondam initial 2024, dans le cas où il ne serait pas rectifié en 2024 (la FHF demande 2,4 Mds € de plus pour cette année). Pour Arnaud Robinet, l’urgence est que la France “se dote d’une stratégie claire, assumée et pluriannuelle pour améliorer l’accès aux soins et la prévention”.
Magali Clausener