Hôpital : un recours préoccupant aux emplois temporaires

Publié le 22 août 2024 à 9h20 - par

Dans son rapport “Intérim médical et permanence des soins dans les hôpitaux publics”, la Cour des comptes dénonce un recours “accru et préoccupant” aux emplois temporaires.

Hôpital : un recours préoccupant aux emplois temporaires
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Dans son rapport, mis en ligne le 23 juillet 2024, la Cour des comptes se penche sur l’intérim médical et son déploiement dans les hôpitaux, et met en exergue des dérives préoccupantes et les échecs des tentatives de réglementation.

Déjà, pour la Cour des comptes, l’intérim médical est un terme “souvent utilisé à tort” et préfère employer le terme général “d’emploi temporaire” pour “désigner de manière indifférenciée l’intérim au sens strict et les contrats, même si les emplois ainsi occupés correspondent à des postes permanents dans l’organisation hospitalière”.

Les emplois temporaires prennent ainsi en compte les médecins exerçant en tant qu’intérimaires ou contractuels. Pour autant, on ne dispose pas de données complètes sur les emplois temporaires. Cependant, selon la Cour des comptes, les dépenses d’intérim médical des hôpitaux publics s’élevaient à 147,5 M€ en 2022, en progression de + 25 % par rapport à 2017 (en euros courants), soit 2 % des dépenses totales de personnel médical.

Une augmentation préoccupante

Ce recours en hausse au fil des ans en raison de la pénurie de ressources médicales et d’une augmentation des besoins de la population, est préoccupant pour plusieurs raisons. D’abord, il accroît les dépenses des hôpitaux sachant que la permanence des soins représente 10 % du budget des établissements de santé. De plus, dans le cadre des contrats de gré à gré, les rémunérations peuvent être élevées puisque les médecins les négocient, contrairement à celles des missions d’intérim qui sont réglementées. La Cour des comptes évoque des “sur-rémunérations”. Ensuite, l’utilisation importante d’emplois temporaires nuit à l’attractivité des hôpitaux, et donc au recrutement des médecins, en “fragilisant le statut de praticien hospitalier”. La multiplication des emplois temporaires conduit également à “un affaiblissement du travail en équipe, de la qualité et de la sécurité des soins”. Enfin, elle “traduit une fragilité structurelle de l’hôpital”, puisque le recours aux emplois temporaires est nécessaire pour assurer le fonctionnement courant, et non plus répondre à des situations conjoncturelles, l’objectif initial de l’intérim médical.
La Cour des comptes fournit d’ailleurs des exemples. Ainsi, en Corse, la plupart des services de la région fonctionnent structurellement avec des contractuels temporaires et des intérimaires. En Bretagne, le taux de dépendance aux emplois temporaires des hôpitaux les plus en difficulté peut atteindre 100 % sur certaines gardes. En Bourgogne-Franche Comté, pour les spécialités en grande tension, les personnels temporaires ont couvert 97 % des besoins. Pour les 50 établissements les plus en difficulté en Aquitaine, 20 % à 100 % des gardes et astreintes sont tenues par des contractuels rémunérés au-delà des plafonds. Quant à l’Île-de-France, près de 15 % des gardes et astreintes sont assurées par du personnel temporaire. “Dans l’ensemble, cependant, cette forte dépendance aux emplois temporaires, par définition instables et non pérennes, ne fournit pas une assise solide à l’organisation de la permanence des soins”, observe la Cour des comptes.

Des mesures peu efficaces

Pourtant, les mesures visant à réglementer le recours aux emplois temporaires se sont empilées notamment depuis 2017, mais comme le souligne la Cour des comptes, cette réglementation “à visée corrective” a “manqué sa cible”. Elle pointe ainsi les échecs et reports des dispositions pour encadrer l’emploi intérimaire et les rémunérations des intérimaires. D’autres mesures ont créé des effets d’aubaine. C’est le cas de la prime de solidarité territoriale (PST) qui s’est fortement développée depuis avril 2023 dans certaines régions (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne Rhône-Alpes, Occitanie, Bourgogne-Franche-Comté et Grand-Est). Il en est de même pour la réforme des contrats de contractuels de 2022, “dévoyée par un recours massif au contrat de motif 2”, visant à assurer une activité nécessaire à l’offre de soins sur le territoire, en cas de difficultés particulières de recrutement ou d’exercice. “Depuis le 3 avril 2023, le nombre de contrats de motif 2 signés a augmenté de manière significative, en particulier en Corse, en Bretagne, en Normandie et à La Réunion”, constate l’institution d’après un bilan de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Mais si la rémunération “très attractive”, attire les nouvelles candidatures, le rapport de force est désavantageux pour les hôpitaux.

Six recommandations

Pour améliorer la situation, la Cour des comptes émet six recommandations. La première concerne la définition d’une méthodologie visant à étudier l’effet sur la sécurité des soins du recours aux emplois temporaires. La deuxième porte sur une  définition plus restrictive des règles de recours à certains contrats temporaires (contrat de motif 2). La Cour propose également de faire dépendre la revalorisation des indemnités de sujétion des gardes et astreintes de la mutualisation des ressources médicales au sein du territoire. Autre préconisation : l’établissement par l’Agence régionale de santé (ARS), pour chaque groupement hospitalier de territoire (GHT), d’un contingent des contrats de recrutement temporaire de médecins passés sur le fondement de difficultés particulières de recrutement non liées à la conjoncture (motif 2) et leur gestion par les GHT ainsi que celle de la prime de solidarité territoriale. La Cour des comptes conseille aussi de suivre pour chaque établissement le recours aux emplois temporaires en organisant un double recueil obligatoire – extra-comptable et comptable – du taux de recours aux emplois temporaires. Enfin, elle souhaite compléter les éléments d’évaluation du référentiel de certification par une analyse approfondie du fonctionnement des services présentant les taux de recours aux emplois temporaires les plus élevés. Reste à savoir si de telles mesures pourront résoudre les problèmes de recrutement et d’attractivité des hôpitaux publics.

Magali Clausener


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