En manque de médecins intérimaires, les hôpitaux des Vosges en tension

Publié le 14 avril 2023 à 10h15 - par

Trente lits fermés à Remiremont, des urgences de nuit non assurées à Vittel, une maternité en tension à Épinal : dans les Vosges, la nouvelle règlementation plafonnant les rémunérations des médecins intérimaires cause bien des difficultés aux hôpitaux publics.

En manque de médecins intérimaires, les hôpitaux des Vosges en tension
© Par D Lahoud/peopleimages.com - stock.adobe.com

À la direction des affaires médicales de l’hôpital d’Épinal, le personnel administratif est constamment au téléphone. « On essaie de convaincre nos anciens intérimaires de revenir, on n’arrête pas d’appeler, on ne fait que ça », confie Amandine Weber, la directrice générale adjointe, qui supervise également les hôpitaux de Remiremont, Vittel et Neufchâteau.

Depuis le 3 avril 2023, la règlementation limite à 1 390 euros brut la rémunération pour 24 heures de travail à l’hôpital. Le montant est proche de ce qui était généralement pratiqué, mais loin des extrêmes parfois constatés dans les situations de pénurie les plus fortes, à plus de 3 000 euros dans les Vosges, parfois encore plus ailleurs.

Si elle visait à empêcher les dérives, la mesure a eu pour conséquence de tarir le vivier de médecins intérimaires disponibles, a fortiori dans les spécialités qui nécessitent des gardes de nuit, comme en anesthésie, en gynécologie-obstétrique, aux urgences ou encore en pédiatrie.

Et face à cette contrainte supplémentaire pour les hôpitaux, aucune mesure parallèle n’est venue pour l’instant revaloriser l’activité des praticiens, ce qui aurait pu faciliter les embauches.

« On manque de médecins, les intérimaires ne veulent plus prendre le montant fixé par l’État », poursuit Amandine Weber. « La démographie médicale était déjà tendue, la réforme vient serrer encore un peu la vis, ça nous oblige à nous restructurer. Et se restructurer, ça veut dire perdre des activités. »

Casse-tête organisationnel

La maternité d’Épinal, la plus grosse du département avec 1 234 accouchements en 2022, emploie ainsi 3,5 gynécologues-obstétriciens à temps plein, quand il lui en faudrait huit pour fonctionner correctement. La différence était jusqu’ici comblée par les intérimaires, mais la réforme vient compliquer l’élaboration des plannings.

Pour éviter de renvoyer des patientes vers Nancy, voire de fermer, « l’équipe fait des efforts, on sacrifie nos week-ends et nos congés pour répondre à la demande, mais à long terme ça ne pourra pas tenir », explique le docteur Bassil Atallah, chef du service, pour qui les congés d’été sont déjà un casse-tête organisationnel.

La permanence des soins est jusqu’ici assurée, grâce à des médecins qui viennent effectuer des gardes en plus de leur activité à temps plein dans d’autres hôpitaux du territoire (au prix de nouvelles primes supérieures au plafond de rémunération des intérimaires), à l’arrivée d’un praticien diplômé hors de l’Union européenne, et au soutien de deux médecins de ville qui acceptent de renforcer le planning.

« C’est très fragile », concède Dominique Cheveau, le directeur du centre hospitalier. Et si la maternité reste ouverte, c’est « au prix de déprogrammations d’activités, notamment en chirurgie », par manque de médecins anesthésistes, reconnaît-il.

« Seuil de saturation »

Comme pendant l’épidémie de Covid-19, il a fallu arrêter certaines activités pour concentrer les ressources humaines disponibles sur les soins les plus urgents. Sauf que cette fois-ci, aucune pandémie mondiale n’est en cause.

La direction a ainsi fermé 30 lits de soins de suite à l’hôpital de Remiremont, 20 lits de médecine polyvalente à Neufchâteau, et les urgences de Vittel ne sont désormais plus accessibles la nuit.

« C’est énorme, bien sûr », concède Dominique Cheveau. « Mais la problématique est générale, elle concerne tous les hôpitaux des Vosges. Notre action consiste donc à organiser les soins pour que les effets sur les patients soient les plus limités possibles. »

Et ces fermetures et déprogrammations sont seulement la conséquence la plus visible de cette pénurie de personnel médical. « Il y a aussi un prix humain, psychologique, important », souligne le directeur. « Ça pèse sur l’ambiance de nos hôpitaux, ça génère de la fatigue et de la pression. À terme, ça peut faire partir des gens qui auront atteint un seuil de saturation ».

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