Haro sur les fonctionnaires et « l’emploi à vie »

Publié le 26 janvier 2011 à 0h00 - par

Ce mois de janvier 2011 est l’occasion pour les députés de la majorité de sortir « leurs plans » pour les fonctionnaires : emploi à vie non pertinent, contrat d’objectifs, et la dernière touche, la fin pure et simple du recrutement de fonctionnaires pour des fonctions autres que régaliennes pour tout nouveau embauché.

Fonction publique : des valeurs traditionnelles aux valeurs émergentes

Selon Christian Jacob, l’embauche à vie des fonctionnaires doit être réévaluée

Dans une interview accordée à la revue Acteurs publics, le 7 janvier dernier, Christian Jacob ancien ministre de la Fonction publique et actuel président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, estime qu’i « faut réfléchir sur la pertinence de l’embauche à vie des fonctionnaires ». Et d’ajouter que la création « de contrats d’objectifs sur cinq ou dix ans » ainsi que le passage à une fonction publique de métiers seraient plus pertinents.

Pour le gouvernement, cette discussion est sans objet

Cette déclaration tombe au plus mauvais moment pour le gouvernement qui vient d’entamer son cycle de négociations avec les syndicats sur la précarité dans la fonction publique. Pour rappel, la fonction publique est l’employeur utilisant le plus les contrats à durée déterminée.

Le premier ministre, François Fillon, a d’ailleurs jugé inutile le débat sur la fonction publique, tout en rappelant la qualité de la fonction publique française que « des gouvernements étrangers nous envient ». Cependant, le développement « de la souplesse pour la gestion des administrations » nécessite l’intervention de contractuels.

Le secrétaire d’État à la Fonction publique, Georges Tron, a également pris ses distances avec M. Jacob, s’affirmant « attaché au statut de la fonction publique » contrepartie de l’emploi à vie. Selon lui, il n’y a « pas matière » à le remettre en cause. L’emploi à vie est « une garantie du statut ». Le recrutement des fonctionnaires sur concours donne des droits et des « garanties » car « vous faites don de votre carrière à l’intérêt général et non pas à l’intérêt privé », et il est donc « normal que la société vous offre des garanties ».

Un appel non entendu par le député Jean-François Mancel qui souhaite réserver le statut de la fonction publique aux seuls agents exerçant une fonction régalienne

Le député UMP Jean-François Mancel, ex-président du conseil général de l’Oise, a déposé un projet de loi le 13 janvier dernier visant à réserver le statut de la fonction publique aux seuls agents exerçant une fonction régalienne. Son analyse part du constat que « la France est aujourd’hui le seul grand pays développé où il existe encore une séparation totalement étanche entre le statut des fonctionnaires et celui des salariés du secteur privé » et que cette réforme aurait un « impact non négligeable sur les dépenses publiques au sein desquelles les dépenses de personnel représentent près de la moitié du budget de l’État ».

Ces deux arguments sont plus que contestables pour les raisons suivantes :

  • l’employeur public emploie déjà une part disproportionnée de contractuels par rapport aux salariés du privé,
  • si les fonctionnaires deviennent des salariés, il faudra les rémunérer selon les mêmes critères que dans le privé. Or, aujourd’hui « le contrat » d’entrée d’un fonctionnaire suppose qu’il bénéficie d’une rémunération moindre pour se mettre au service de l’intérêt public. Cette différence de rémunération avec le privé empêche d’ailleurs le recrutement des compétences dont la fonction publique a besoin.

Cette « modification » du statut s’appliquerait aux nouveaux entrants dans la fonction publique, et, exclurait les agents titulaires de prérogatives de puissance publique (affaires étrangères, justice, défense, intérieur). Cependant, un droit d’option, à définir par décret, serait ouvert à ceux des fonctionnaires actuels qui voudraient « bénéficier du nouveau régime ».

À noter : cette proposition déposée le 13 janvier 2011 n’a toujours pas été inscrite le 20 janvier 2011 à l’ordre du jour de la commission des lois (section affaire sociale). Doit-on juste y voir une provocation de plus qui déclenche l’ire des syndicats et jette un doute sur les négociations en cours avec le gouvernement ?


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