Chaque année, près de 10 000 personnes quittent la sphère publique pour rejoindre le secteur privé ou inversement. Cette estimation de 2019 n’a pas pu être actualisée, faute d’outils statistiques fiables, précise la Cour des comptes dans un rapport sur les mobilités entre les secteurs public et privé, publié le 14 mai 2025. Les mobilités public-privé concernent davantage les agents contractuels, pour lesquels les risques de conflits d’intérêt sont les plus importants. Or, l’emploi contractuel se développe rapidement, y compris dans les champs de responsabilité les plus exposés à ce type de risques. Ainsi, entre 2015 et 2023, le nombre de contractuels dans la fonction publique a augmenté d’un peu plus de 300 000 personnes. Des agents qui ne cherchent pas forcément à être titularisés ou à bénéficier d’un emploi administratif à vie et qui sont, de fait, plus mobiles que les fonctionnaires.
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a confié à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), une autorité administrative indépendante, le contrôle des mobilités vers le secteur privé des 14 000 agents aux responsabilités les plus importantes. Les autorités hiérarchiques sont chargées d’effectuer un contrôle déontologique des mobilités de leurs autres agents. En outre, la loi a créé un contrôle spécifique des agents qui, ayant exercé une activité dans le secteur privé, souhaitent accéder à la fonction publique ou y revenir.
Le contrôle préalable administratif de la HATVP ou des employeurs vise à prévenir le risque pénal et le risque déontologique associés à la prise illégale d’intérêts. Sous réserve de l’appréciation souveraine du juge pénal, les autorités administratives examinent si l’activité envisagée risque de placer l’agent public dans la situation de commettre une telle infraction. Elles vérifient ensuite si l’activité comporte des risques de nature déontologique. À savoir : susceptibles de compromettre le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service public ou de méconnaître les principes de dignité, d’impartialité, de neutralité, d’intégrité et de probité des agents publics. La Cour des comptes rappelle que dans la mesure où la liberté d’entreprendre est garantie par la Constitution, ce contrôle doit être équilibré pour ne pas restreindre « gravement » les mobilités. Un point d’équilibre difficile à trouver, et qui se traduit souvent par un avis favorable de la HATVP ou de l’employeur.
Les centres de gestion désignent des référents déontologues
Dans les collectivités territoriales, l’amélioration des contrôles est « en cours de déploiement », selon la Cour qui observe des lacunes, notamment pour les postes à responsabilité. Les chambres régionales des comptes (CRC) doivent donc opérer des rappels à la loi et parfois des signalements au juge pénal. Certaines collectivités ont développé des dispositifs de prévention en matière de déontologie, mais elles ne se sont pas emparées du sujet spécifique de la mobilité de leurs agents. Et parfois, l’absence de contrôle à l’entrée a pu conduire à des situations de conflit d’intérêt. Y compris sur des postes de direction, pour lesquels la prévention de ce type de situations doit faire l’objet d’une vigilance particulière. En outre, de nombreux contrôles de CRC montrent qu’il y a souvent des prises de fonctions au sein d’un établissement public local (EPL) sans tenir compte des risques qui peuvent y être associés, et que l’attention portée à la prévention des conflits d’intérêt est insuffisante.
Dans la fonction publique territoriale, les centres de gestion désignent des référents déontologues qui interviennent obligatoirement auprès des petites collectivités, et pour les plus grandes si elles le souhaitent – comme le département de la Drôme, la Métropole de Lyon ou encore la ville de Grenoble. De plus en plus d’établissements ont mutualisé les référents à l’échelon interdépartemental ou régional, ce qui renforce leur professionnalisation. « Ils rendent davantage d’avis et intègrent plus facilement la doctrine de la HATVP », précise le rapport. Quant au CNFPT, il propose depuis 2018 un espace d’échange thématique « Déontologie et transparence » ouvert à tous les agents, impulsant ainsi la création d’un réseau professionnel qui leur permet de mieux comprendre leurs responsabilités, de se former entre pairs et de partager de bonnes pratiques. Des grandes collectivités se sont également organisées en interne, comme la ville et la métropole de Bordeaux.
L’agent public qui rejoint le secteur privé et celui qui a précédemment exercé des fonctions dans le secteur privé sont responsables du respect des réserves ou des règles de déport qui leur ont été imparties.
Marie Gasnier
La Cour des comptes recommande notamment de recenser chaque année, le nombre de mobilités professionnelles entre les secteurs public et privé, créer des registres des déports et des réserves pour chaque versant de la fonction publique, formaliser une procédure commune aux fonctions publiques, prévoyant un engagement des agents respecter les réserves et les communiquer à leur employeur privé, systématiser les contrôles des réserves des agents relevant du contrôle de la HATVP… |