Premier « cimetière naturel » en France pour un repos éternel « écolo et pas cher »

Publié le 29 octobre 2015 à 21h14 - par

Ni marbre, ni fleur artificielle : le « cimetière naturel » de Souché, conçu par la ville de Niort (Deux-Sèvres), est un modèle original de repos éternel écologique et peu coûteux.

Premier « cimetière naturel » en France pour un repos éternel « écolo et pas cher »
Copyright © Bruno Derbord Ville de Niort

À l’entrée de cette nécropole inhabituelle, sanctuaire de biodiversité, une citation du botaniste Gilles Clément : « Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l’éternité ».

« Il s’agissait de créer un environnement différent, où les défunts seraient rendus à la terre, naturellement », résume pour l’AFP Dominique Bodin, conservateur des douze cimetières de Niort.

C’est lui qui a inauguré, en 2014, le premier « cimetière naturel » de la ville et de France ; un espace qu’il a conçu pour tous : athées, croyants de toutes confessions, adeptes de l’inhumation ou de la crémation.

Un mur de pierre sèche et une haie vive marquent la frontière entre ce lieu semi-sauvage et le cimetière voisin où sont alignées des centaines de stèles uniformes dans un espace bétonné. »Certains visiteurs d’à côté franchissent parfois la frontière », se félicite Dominique Bodin en déambulant dans la paisible parcelle boisée de 4 000 m2 où reposent déjà une douzaine de défunts. Il évoque cette dame venue fleurir la tombe de son mari, à côté, puis se recueillir, ici, à l’ombre des tilleuls.

Cimetière végétal

Le lieu a été pensé « pour minimiser l’empreinte écologique et faire le lien entre défunts, visiteurs et la nature, » souligne Ève-Marie Ferrer, paysagiste à la direction des espaces publics de la mairie de Niort.

En 30 ans, enchaîne Dominique Bodin, les usages du cimetière ont changé. Avec une cellule familiale éclatée, « les proches ne sont plus nécessairement implantés sur le territoire communal et le besoin de perpétuer l’espace de repos et de recueillement s’est amenuisé ». Les communes l’ont bien compris en supprimant pour la plupart les concessions perpétuelles pour en faire des concessions à durée déterminée : de 50, voire 30 ans.

« Il faut donc s’interroger sur ce que deviendront ces stèles ou caveaux de granit importé de Chine à grands frais et difficilement recyclables, si les concessions ne sont pas renouvelées », souligne le conservateur.

Et « l’utilisation déraisonnée d’herbicides dans les cimetières traditionnels, observe-t-il, a rendu le sol tellement stérile qu’il ne peut plus absorber la matière organique des corps ».

L’échéance proche de 2020, quand seront interdits les pesticides dans les lieux publics, doit, selon lui, inciter à « faire la transition dès aujourd’hui du cimetière minéral au cimetière végétal ».

Instruit par les exemples du Nord de l’Europe (Royaume-Uni, Allemagne,Autriche, Pays-Bas, Scandinavie), le conservateur mesure « le retard de la France », où le nombre de défunts faisant l’objet d’une crémation a décuplé en 30 ans (35 % aujourd’hui), avec une demande croissante d’espaces cinéraires de proximité adaptés. « Et on s’est contenté de multiplier les colombariums (niches pour urnes funéraires), à l’esthétique très douteuse », déplore-t-il.

Forts de ces constats et d’un budget de 50 000 euros, alloué par la ville, le conservateur et la paysagiste ont imaginé ensemble cette « nécropole plus verte et moins chère en s’appuyant sur le recyclage », raconte Ève-Marie Ferrer.

Les arbustes sont issus des friches communales et une meule de récupération fait office de banc au centre du paisible « Jardin de dispersion des cendres », où l’on a planté l’« Arbre des printemps », une sculpture en métal, également récyclé.

Ici les obsèques et la concession (de 15 à 30 ans) coûtent « entre 1 500 et 2 500 euros », précise Dominique Bodin, pour des devis « dans le privé pouvant atteindre jusqu’à 5 000 euros, ou même plus ».

Mais il faut adhérer à la « Charte », prévient-il, et à l’idée qu’il n’y a ni caveau, ni pierre tombale, mais un pupitre de 30 centimètres en calcaire local. Pas de cuve bétonnée, mais une inhumation en pleine terre.

Linceuls et habits des défunts sont en fibres naturelles et les soins chimiques de thanatopraxie (conservation du corps) strictement interdits. Le cercueil est en bois non-traité ou en matériaux recyclés et les vernis certifiés sans solvants. Et ici, les fleurs sont naturelles.

Les Fradon, un couple d’enseignants retraités sont venus visiter l’endroit : « Les marchands de la mort facturent tout : poignets, capitons et même le coussin sous la tête ! Mais en a-t-on besoin ? », s’agace monsieur. Il trouve donc « géniale » cette idée « de cimetière écolo et pas cher ».

Madame, elle, « envisage déjà  cette option » pour elle-même.

 

par Régine LAMOTHE

 

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