Loi immigration : les mesures les plus épineuses à l’épreuve du Conseil constitutionnel

Publié le 20 décembre 2023 à 18h30 - par

Quotas d’immigration, conditionnement des prestations sociales, durcissement du regroupement familial : le projet de loi controversé sur l’immigration doit passer au filtre du Conseil constitutionnel, avec l’espoir non dissimulé dans la majorité présidentielle de voir retoquer les mesures les plus corrosives.

Loi immigration : les mesures les plus épineuses à l'épreuve du Conseil constitutionnel
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Des dispositions risquent-elles d’être contraires à la Constitution ? « Oui, je vous le confirme », s’est avancée la Première ministre Élisabeth Borne, expliquant avoir alerté la droite sur ses « doutes » concernant certaines mesures.

Quand le Conseil va-t-il se prononcer ?

Saisi séparément par Emmanuel Macron et la gauche, le Conseil dispose d’un maximum d’un mois pour statuer. La date, sûrement en janvier, n’est pas encore précisée. Les neuf Sages pourront trancher entre une très improbable censure « totale » de l’ensemble du projet de loi, une plus classique censure « partielle » de certains articles, ou valider l’ensemble des dispositions.

Parmi les membres du Conseil, un ou des rapporteurs seront choisis pour examiner les recours. Le jour J, un rapport est présenté avec une proposition de décisions. Un vote a lieu, avec en cas d’égalité une voix prépondérante pour le président de l’institution, Laurent Fabius. Expurgée des éventuelles mesures jugées anticonstitutionnelles, la loi peut ensuite être promulguée par le président de la République.

Quelles sont les mesures les plus sensibles ?

Au premier rang des mesures menacées de censure, la droite a obtenu dans le texte l’instauration de « quotas » fixés par le Parlement pour plafonner « pour les trois années à venir » le nombre d’étrangers admis sur le territoire. « Inconstitutionnel », aux yeux du camp présidentiel, car cela constituerait une « injonction » du Parlement à l’exécutif et une « discrimination » entre deux étrangers dans des situations similaires, mais séparés par le « seuil » du quota.

Autre disposition hautement sensible : la conditionnalité pour que des étrangers en situation régulière accèdent aux allocations familiales – 5 ans de résidence en France pour ceux qui ne travaillent pas, trente mois pour les autres – ou à l’aide personnalisée au logement (APL), 5 ans pour ceux qui ne travaillent pas et 3 mois pour les autres. Les détracteurs de la mesure y voient une rupture d’égalité devant la loi. Ses défenseurs arguent qu’une condition de résidence de 5 ans existe déjà pour les étrangers qui veulent obtenir le RSA.

Même débat sur une éventuelle « rupture d’égalité » de la « caution étudiant », une somme à déposer par les étrangers demandant un titre de séjour « étudiant », poussée par la droite là encore.

La réponse du Conseil sera également scrutée sur le durcissement du regroupement familial, dont la nécessité pour le demandeur de disposer d’une assurance maladie, ou que son conjoint à l’étranger ait 21 ans au minimum plutôt que 18.

Élisabeth Borne a semblé critiquer l’ajout d’une condition de niveau de français élémentaire pour le conjoint : « si vous épousez demain matin un Canadien ou un Japonais, il ne peut pas rejoindre la France s’il ne parle pas bien français, on va interroger le Conseil constitutionnel ».

« Pour les couples mixtes, les conjoints de Français, il y a des restrictions sans précédent, totalement disproportionnées que le Conseil constitutionnel pourrait censurer », estime Serge Slama, professeur de droit public et spécialiste du droit des étrangers. Il relève par ailleurs que des dispositions comme « la restriction du droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France » pourraient être considérées comme des « cavaliers législatifs », sans lien avec le projet de loi.

Que veut vraiment le camp présidentiel ?

Le camp présidentiel ne s’en cache pas : il a concédé un certain nombre de mesures à la droite en ayant la conviction – et l’espoir pour certains – qu’elles seront déclarées inconstitutionnelles.

« Les mesures qui tachent le plus, comme les quotas, sont inconstitutionnelles, et seront recalées », assure un député Renaissance. « C’est un argument pas satisfaisant intellectuellement », admet-il, « mais ça aide à se rassurer pour aller dormir » après l’adoption du texte.

Les macronistes veulent faire du Conseil « la voiture-balai de leur conscience », tacle le patron du parti socialiste Olivier Faure. La gauche rêve d’une censure totale, ou que le président Emmanuel Macron renonce de lui-même à promulguer la loi.

La droite et l’extrême droite plaident pour une validation de l’ensemble du texte et préviennent déjà qu’elles souhaitent aller au-delà en modifiant la Constitution.

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