“Donner envie aux agents, cela passe d’abord par un projet basé sur l’intérêt général”

Publiée le 15 novembre 2022 à 9h00 - par

Entretien avec Aude Fournier, Directrice générale adjointe Transformation à la Ville de Marseille. « Parlons Territoires », les acteurs de l’action publique locale ont la parole : 3 temps forts pour décrypter l’action de la Ville de Marseille.

Pourquoi Marseille ?

Je suis venue à Marseille pour la première fois à l’occasion d’un congrès professionnel et j’ai eu un véritable coup de cœur auquel je ne m’attendais pas pour cette ville, je lui ai trouvé une âme et une beauté particulière. J’ai senti intuitivement qu’un jour j’y vivrai et qu’on ferait un bout de chemin ensemble. Quand j’ai observé le changement politique lors des élections de 2020, cette page qui se tournait, la société civile qui d’une certaine manière reprenait ses droits, cela m’a vraiment touchée. Peut-être le fait d’avoir débuté ma carrière dans un conseil économique et social où l’on crée des liens entre la société civile organisée et le monde politique, où l’on évalue les politiques publiques par le prisme de leur impact sur les forces vives d’un territoire afin de les améliorer, a influé sur ma manière de voir et de participer à l’action publique… Et certainement sur mon attrait pour ce challenge marseillais. Ajoutez à cela l’ambition du Printemps Marseillais de remettre le citoyen au cœur de l’action municipale, la création d’une délégation « transformer les pratiques » regroupant les RH, le numérique, la communication et l’innovation dans le cadre d’un projet inédit où presque tout est à construire, vous comprendrez aisément pourquoi j’ai senti que ce poste était fait pour moi !

L’intitulé de votre poste de DGA est un verbe d’action : « transformer les pratiques ». Qu’y a-t-il derrière ces mots ?

Cette DGA est conçue comme un écosystème avec des fonctions que l’on pourrait qualifier de régaliennes qu’il est nécessaire de sécuriser comme les RH et les systèmes d’information, auxquels s’associent des fonctions créatrices de liens et d’amélioration des conditions de travail. À titre d’exemple, nous ne nous sommes pas bornés à reprendre les deux postes de la direction de la Com’ interne mais avons « augmenté » cette fonction en créant une Direction des relations internes, tant il était nécessaire de l’avis général de recréer du lien entre les agents et la cohésion interne tout en redonnant une fierté d’appartenance aux 12 000 agents de la Ville de Marseille. Cette direction se compose bien entendu d’une cellule com’ interne, mais aussi d’un indispensable volet « animation managériale » totalement absente à notre arrivée et d’une mission « marque employeur » qui a en charge de mettre en lumière les éléments d’attractivité de la Ville de Marseille, par ses projets, ses emplois et ses possibilités d’évolutions, en déconstruisant au passage certains stéréotypes qui pourraient freiner certains collaborateurs de nous rejoindre !

Cette DGA est aussi je crois le parfait écrin pour accueillir un « laboratoire d’innovation et de transformation », car nous avons besoin de ce type de « tiers lieu » interne pour tester de nouvelles façons de faire, pour libérer la parole des agents, les faire se rencontrer plus largement quels que soient leur métier, leur grade… C’est à la fois un espace d’expression des besoins et d’accueil des idées et des projets qui crée lui aussi des liens au service de l’intérêt général et de la qualité du service public. Ce laboratoire nous permet aussi de tester de nouvelles méthodes pour lancer ou repositionner des projets qui nourrissent nos politiques publiques, en associant plus les agents. L’objectif est de simplifier les process, voire d’en supprimer certains, pour privilégier les parcours, que ce soient ceux des citoyens-usagers ou ceux des usagers internes, les agents, qui sont remis au centre des évolutions dont ils sont les bénéficiaires.

Je ne reviens pas sur l’ambition RH de cette DGA, Olivia Fortin en parle largement dans son interview. C’est un champ d’amélioration quasi-infinie où il nous faut remettre de l’équité et de la transparence, sortir de la gestion individuelle pour proposer des politiques collectives porteuses d’avancées sociales, de créer des politiques RH qui n’existaient presque pas comme la mobilité ou le développement des compétences. Un des premiers chantiers que nous adressons est la refonte complète des processus de recrutement, sur emploi permanent comme non permanent. Avec des postes vacants à tous les étages et la nécessité de faire entrer de nouvelles compétences pour mener le projet du mandat, c’est clairement notre priorité.

Une autre priorité c’est de retravailler la grille de rémunérations pour justement fidéliser et attirer, réparer des injustices anciennes et reconnaître l’engagement des agents de la Ville qui ont enchaîné de nombreuses crises depuis 2018.

Dans tous ces chantiers, la DGATRANSFO a besoin des managers dont un certain nombre viennent d’arriver et arriveront encore, c’est pourquoi nous travaillons sur un socle commun de formation, un référentiel managérial et des dispositifs d’accompagnement. Ils sont les 1 600 artisans du changement et doivent partager les mêmes valeurs managériales.

Concernant enfin le numérique, nous devons comme beaucoup de collectivités sécuriser le système d’information et résorber la dette technique. Nous devons lancer des projets d’envergure autour de la gestion de la relation citoyenne pour améliorer le bouquet de services multi-canal offert aux Marseillaises et Marseillais. Le numérique est là pour augmenter l’offre en terme de qualité, de disponibilité, de sécurité… C’est la même chose vis-à-vis de nos agents dont une grande partie est exclue de l’accès aux outils numériques s’ils ne sont pas proprement professionnels, c’est-à-dire que leur fiche de poste n’inclût pas (encore !) l’utilisation de logiciels métiers. Il apparaît que de nombreux outils de communication interne et de politique RH passent par le numérique : gestion du temps de travail, des congés, consultation des fiches de paye, entretien professionnel… C’est donc là aussi une question d’équité que d’offrir un accès à une boîte mail et à un intranet ergonomique à tous les agents indifféremment de leurs fonctions. C’est aussi je crois notre rôle d’employeur que de permettre à chacun de développer ses compétences numériques tout au long de sa vie car c’est une compétence de base après lire, écrire, compter. Pour autant, créer simplement une boîte mail est facile et cela ne gage en rien de l’utilisation qui en sera effectivement faite et des nouveaux usages. Fluidifier, donner de l’envie, générer de l’appétence… font partie intégrante d’un projet numérique bien mené où les usages sont plus importants que les outils et où les utilisateurs se sentent membres d’une communauté !

Comment donner envie, comment faire adhérer les agents ?

Cela passe d’abord par un projet politique au sens premier du terme qui est basé sur le seul intérêt général. Là où précédemment les réseaux et les intérêts particuliers avaient façonné l’organisation de la Ville. Or, c’est par une politique qui vise à répondre à l’intérêt de tous que nous pourrons répondre ensuite aux intérêts individuels et non le contraire.

Cela passe également par l’affirmation d’une vision en termes de politiques publiques et de résultats à atteindre. Pour y arriver, nous avons créé un vecteur indispensable : le projet d’administration. Découlant des politiques publiques, il est coconstruit avec les managers et les équipes, pour se décliner opérationnellement en projets de directions et de services. Il inclut aussi des espaces nécessaires de transversalité qui créent autant de liens entre les agents et entre les compétences de la Ville pour en faire un tout désirable et surtout… concret !

En terme de méthode, ce projet d’administration a donc été conduit par chacune des 57 directions de la Ville mais aussi par une assemblée des agents inédite qui est parfaitement représentative des 12 000 agents municipaux. Véritables ambassadeurs, qui mieux que les agents pour savoir quelles actions mettre en place pour mener à bien les projets et offrir des services aux publics ?

Je crois profondément que les meilleurs ambassadeurs d’une Ville sont ses agents

« Marseille est devenue plus attractive même si elle a du mal à recruter sur certains métiers ». Ce sont vos propos. Quelles sont vos actions pour la rendre attractive ?

Marseille attire et fait peur à la fois… Autour de stéréotypes positifs comme négatifs. Le projet que j’évoquais intéresse et c’est une chance, il faut en profiter !

Je fais partie de celles et ceux qui communiquent sur ses attraits et de façon très décomplexée, assumée et parfois décalée. Je remarque d’ailleurs que plusieurs agents voyant par exemple mes posts sur LinkedIn, sur un ton différent de la communication habituellement feutrée de nos collectivités, s’autorisent à faire de même et expriment ainsi leur fierté de travailler à la Ville.

Encore faut-il, et nous nous y employons au quotidien, avoir des sujets intéressants et différenciants en terme de politiques RH, de méthodes, d’innovations, de projets sur lesquels communiquer. Encore faut-il partager le plus largement possible ces objectifs de communication positive en donnant la possibilité aux agents et aux services de valoriser ce qu’ils font.

Enfin, ne nous leurrons pas, si nous voulons attirer d’urgence les jeunes générations (l’âge moyen des agents est de 47 ans et les départs à la retraite vont se multiplier), il faut leur parler avec les codes d’aujourd’hui, notamment via les réseaux sociaux. On investit Linkedin et Facebook mais TikTok et Snapchat en font partie. Je crois profondément que les meilleurs ambassadeurs d’une Ville sont ses agents.

Pour autant, tout cela n’est pas simple et prend du temps. Quand on décide de libérer la parole et l’information, de briser une forme d’omerta, on n’est jamais à l’abri de mauvaises découvertes, mais je suis intimement convaincue que de cette catharsis naîtra une fierté retrouvée.

Nous utilisons aussi bien entendu les modes plus classiques, comme par exemple systématiser notre présence sur de grosses manifestations économie emploi telles que le « Summer job talent » à côté des grosses entreprises du territoire ou la Foire de Marseille où des agents sont venus présenter leurs métiers. Nous réfléchissons sans cesse à comment mieux nous connecter avec notre écosystème territorial, c’est très nouveau et il y a beaucoup d’attentes de la part des partenaires socio-économiques qui attendent à nouveau la Ville sur des projets d’attractivité du territoire.

L’ensemble de ces démarches doit être porté à tous les niveaux, agents, managers, élus… Et nous avons la chance d’avoir une jeune génération d’élus et des managers engagés qui le font assez naturellement, en particulier sur les réseaux sociaux.

Dans ce projet d’envergure, qu’est-ce qui vous anime ?

Le fait d’être utile avant tout, avoir cette impression en me levant chaque matin que je suis à la bonne place au bon moment. Et mettre mes compétences au service d’un projet presque pharaonique est galvanisant !

J’aime tout particulièrement simplifier tout ce qui peut l’être mais aussi créer des liens voire des ponts entre des univers qui souvent s’ignorent. C’est d’ailleurs une des techniques pour innover… Un bien grand mot pour dire finalement qu’on crée les conditions pour faire naître quelque chose de nouveau ou de différent qui répond à un besoin !

À la DGATRANSFO, nous innovons au service d’une cause : l’amélioration du quotidien des agents y compris en allant chercher des solutions qui n’existent pas aujourd’hui. Pour améliorer la qualité du travail et de la vie au travail, il ne faut rien s’interdire !

Propos recueillis par Hugues Perinel

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