Même protégés des coupures d’eau, les ménages précaires toujours en difficulté

Publié le 4 juillet 2018 à 9h08 - par

Désormais intégrée par les acteurs du service public de l’eau après des années de batailles juridiques, l’interdiction des coupures a mis en évidence un défi : aider les ménages précaires pour leur permettre d’accéder à cette ressource indispensable à la vie quotidienne.

Même protégés des coupures d'eau, les ménages précaires toujours en difficulté

Depuis une loi de 2013, entrée en vigueur en 2014 mais qui a mis plusieurs années à être respectée par l’ensemble des fournisseurs, ces derniers n’ont plus le droit de couper l’approvisionnement d’un foyer dans une résidence principale pour récupérer des factures impayées.

Cette mesure constitue une bouée de sauvetage pour les ménages les plus modestes, qui en cas d’impayés, finissaient souvent par subir une double peine : des coupures d’eau ou des réductions de débit, et des frais supplémentaires pour rétablir le service.

Mais la disparition de cette menace n’a pas réglé tous les problèmes, bien au contraire. La bataille judiciaire menée par des associations pour défendre certaines victimes de coupures a révélé « un vrai déficit de prise en charge des ménages en difficulté », selon Marie Tsanga Tabi, chercheuse qui a analysé plus de 1 000 témoignages de foyers victimes de coupures compilés par la fondation France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France.

Écoute pas toujours bienveillante, refus d’échéanciers : son étude montre aussi que seuls 39 % des ménages qui ont dû subir des coupures avaient contacté les services sociaux pour se faire aider.

Contrairement à ce qui existe pour l’énergie ou le logement, il n’y a pas de dispositif national pour aider un foyer à payer ses factures d’eau. En cas de difficulté, un ménage doit s’adresser à sa mairie ou à son département pour éventuellement bénéficier d’un soutien du Fonds solidarité logement (FSL), abondé notamment par les fournisseurs d’eau, ou d’initiatives locales spécifiques.

Au final, « très peu bénéficient du dispositif FSL, et pour ceux qui ont reçu une aide, celle-ci ne leur permet pas de régler leur situation d’impayé », note Mme Tsanga. Selon la Fédération des entreprises de l’eau (FP2E), environ 60 000 de leurs clients (sur plusieurs millions) ont recours à des aides, quand le chèque énergie concerne lui 4 millions de ménages.

« Ce n’est pas forcément quelque chose qui est bien fléché », juge Armelle Bernard, directrice des relations extérieures de la régie publique Eau de Paris.

Tarification sociale

À la FP2E, on constate même « une baisse assez forte du recours au FSL alors que la précarité ne baisse pas », avec un recul de 4 points du taux de sollicitation entre 2016 et 2017, selon son délégué général Tristan Mathieu.

« Les ménages en difficulté sont déjà très occupés à trouver des aides pour leur logement, l’électricité. L’eau passe après », note Emmanuel Poilane, de la fondation France Libertés.

Pour tenter d’améliorer l’effort de solidarité, une trentaine de collectivités expérimentent depuis 2015 de nouveaux systèmes de tarification de l’eau. C’est le choix fait par Vendée Eau, qui gère l’approvisionnement en eau potable de plus de 260 communes.

Ce territoire abrite beaucoup de résidences secondaires, occupées seulement quelques semaines par an, mais cela oblige la collectivité à disposer de capacités importantes, renchérissant d’autant la part fixe des factures, explique à l’AFP son directeur général, Jérôme Bortoli.

« Les petits consommateurs résidents sont pénalisés et pour corriger cet aspect-là, nous avons décidé de diviser par deux le prix de l’abonnement pour les ménages allocataires de la CMU-C », détaille-t-il. Près de 5 000 abonnés en bénéficient.

D’autres collectivités ont choisi de distribuer des chèques eau, jugés plus efficaces dans les villes avec beaucoup de logements collectifs et où l’eau est payée dans les charges, ou encore d’accorder une première tranche de consommation gratuite.

Dans un premier bilan, le Conseil national de l’Eau a évalué que les aides variaient entre 20 et 357 euros par an, pour une moyenne autour de 50 euros, et des factures comprises en moyenne entre 300 et 400 euros.

Mais il a pointé des problèmes d’identification des bénéficiaires potentiels du fait des difficultés d’accès aux données sur la situation des ménages, même si ces expérimentations ont permis d’améliorer la connaissance des services sociaux et acteurs de l’eau.

Autorisées pour trois ans, ces expérimentations devraient être prolongées jusqu’en 2021, avant une réflexion sur une possible généralisation.

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