Un temps supplémentaire doit être laissé aux candidats en cas de modifications d’ordre technique
Un acheteur public avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert ayant pour objet la fourniture d’effets d’accessoires d’habillement, d’articles de passementerie, de décorations et de drapeau. Un candidat éliminé au motif que son offre était irrégulière demandait, en référé précontractuel, l’annulation de la procédure de passation du marché. La juge des référés de premier ressort avait ordonné au pouvoir adjudicateur, s’il entendait poursuivre la passation du marché, de reprendre la procédure au stade de la remise des offres en laissant aux candidats un délai suffisant pour présenter des échantillons conformes au cahier des clauses techniques particulières modifié. La juge avait estimé que cette modification, qui portait sur une des caractéristiques des échantillons de pantalons à remettre par les candidats, devait « être regardée comme une modification substantielle des conditions de la consultation ». En cassation, le Conseil d’État rappelle qu’aux termes de l’article R. 2151-4 du Code de la commande publique : « Le délai de réception des offres est prolongé dans les cas suivants : / (…) / 2° Lorsque des modifications importantes sont apportées aux documents de la consultation. / La durée de la prolongation est proportionnée à l’importance (…) des modifications apportées ». En application de cet article, le Conseil d’État confirme qu’en ne reportant pas une nouvelle fois le délai de remise des offres pour tenir compte de la modification apportée au cahier des clauses techniques particulières, l’acheteur n’avait pas laissé aux soumissionnaires un délai suffisant pour leur permettre d’adapter ou de reprendre leurs échantillons de pantalons, alors même que le pouvoir adjudicateur avait offert aux candidats la faculté de remettre des échantillons conformes aux prescriptions modifiées du cahier des clauses techniques particulières.
Une sanction de la procédure qui s’applique uniquement au lot concerné par la modification d’ordre technique
Il appartient au juge du référé précontractuel de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Cependant, il ne lui appartient pas de rechercher à ce titre si le manquement invoqué a été susceptible de léser davantage le requérant que les autres candidats. En estimant que le manquement avait directement lésé les intérêts de la requérante au motif qu’elle avait été contrainte de reprendre et de contrôler ses échantillons dans des délais trop courts, la juge des référés n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Cependant, en annulant, au stade de la remise des offres, toute la procédure de passation du marché public, alors qu’il ne lui était demandé d’annuler que la procédure de passation du seul lot n° 15, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit. Le pouvoir adjudicateur était donc fondé à demander l’annulation de l’ordonnance qu’il attaque en tant que celle-ci a prononcé l’annulation, au stade de la remise des offres, du marché public de fournitures, sans limiter cette annulation, au stade de la remise des offres, au seul lot n° 15 de ce marché.
Dominique Niay
Texte de référence : Conseil d’État, 7e chambre, 24 mars 2025, n° 499221, Inédit au recueil Lebon