Le sentiment d’insécurité de l’emploi progresse chez les agents de la fonction publique

Publié le 18 février 2016 à 10h28 - par

Une étude de Dares Analyses démontre que pour les agents de la fonction publique, le sentiment d’insécurité de l’emploi a fortement augmenté entre 2005 et 2013.

Le sentiment d'insécurité de l'emploi progresse chez les agents de la fonction publique

Les salariés, qui craignent pour leur emploi dans la fonction publique, tendent à faire valoir moins pleinement leurs droits. Ils sont plus nombreux que les autres à venir travailler même quand ils sont malades, à dépasser les horaires normaux sans compensation ou à ne pas prendre tous leurs congés. Ils disposent moins souvent de consignes de sécurité, les respectent moins systématiquement quand ils en ont, et sont plus touchés par les accidents du travail. Ils peuvent moins facilement s’exprimer en cas de désaccord avec leur supérieur. Or, cette insécurité a un effet néfaste sur la santé et peut entraîner une dégradation de l’état de santé mentale du fait de l’anxiété associée.

Une forte hausse de l’insécurité de l’emploi

La crise économique et la hausse du chômage expliquent, parmi les personnes qui ont un emploi, la hausse de la proportion de celles qui craignent de le perdre durant l’année à venir. Cette hausse est passée de 17 à 25 % entre 2005 et 2013. Elle concerne plus particulièrement les salariés qui occupent un emploi temporaire (salariés en CDD, intérimaires, contrats aidés, apprentis, stagiaires). La crainte de perdre son emploi est directement liée à la nature de leur contrat. L’insécurité s’est aussi fortement répandue parmi les non-salariés. Ils étaient 16 % en 2005 à craindre de perdre leur emploi et sont 30 % en 2013.

Les salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) dans le secteur privé, mais aussi les fonctionnaires ou agents en CDI dans la fonction publique, notamment hospitalière, sont nettement plus nombreux en 2013 qu’en 2005 à craindre de perdre leur emploi. La notion d’« emploi insécurisé » regroupe les actifs en emploi temporaire mais aussi ceux qui travaillent à temps partiel mais souhaiteraient travailler davantage (situation dite de « sous-emploi »). Le sentiment d’insécurité est étroitement lié à l’état de santé. 46 % des actifs occupés qui disent que leur état de santé est « mauvais » ou « très mauvais » craignent de perdre leur emploi dans l’année à venir, contre seulement 20 % de ceux qui jugent leur état de santé très bon.

Une personne en mauvaise santé peut précisément pour cette raison craindre d’être discriminée et licenciée ou de ne pas pouvoir tenir dans son emploi. De façon moins directe, la fatigue associée à la dégradation de sa santé peut aussi rendre la personne plus pessimiste ou craintive vis-à-vis de l’avenir. Travailler avec la peur de perdre son emploi peut aussi dégrader la santé. De plus, l’insécurité ressentie peut aussi affecter les comportements des personnes dans un sens défavorable à la préservation de leur santé.

Une insécurité qui modifie les comportements professionnels

Un « surprésentéisme » plus élevé est constaté pour les personnes en emploi « stable insécurisé ». Dans la fonction publique, les salariés en emploi stable qui craignent de perdre leur emploi dépassent souvent le temps de présence normal dans l’établissement, y compris s’ils sont malades, s’ils ne sont pas payés pour les heures effectuées ou s’ils perdent des jours de congé (secteur privé). Les salariés en emploi « stable insécurisé » sont plus nombreux à dépasser les heures prévues sans compensation en salaire ou en repos. Ce comportement est encore plus fréquent (47 %) parmi les cadres de la fonction publique qui déclarent craindre de perdre leur emploi.

Les salariés en emploi temporaire n’ont en général pas les mêmes droits que les autres salariés en matière de congés, et leur situation varie selon la nature de leur contrat de travail. Mais, au contraire des salariés « stables insécurisés », ils hésitent moins que les autres salariés à s’absenter lorsqu’ils sont malades et n’effectuent pas plus d’heures supplémentaires sans compensation que les salariés en emploi « sécurisé ». Ils signalent plus souvent des lacunes dans leur protection contre les risques professionnels. Ils manquent également plus souvent de consignes de sécurité. Ce déficit dans l’application des règles de prévention contribue sans doute à augmenter le risque d’accident.

Les salariés « stables insécurisés » vivent plus fréquemment des situations de conflits latents avec leurs supérieurs concernant la conception de la qualité du travail, sans pouvoir exprimer leurs désaccords. En revanche, ils abordent collectivement les questions d’organisation du travail tout aussi fréquemment que les salariés en emploi sécurisé. C’est moins le cas pour les salariés en sous-emploi et surtout ceux en emploi temporaire, qui sont moins présents et/ou depuis moins longtemps dans leur établissement.

L’ensemble de ces constats mettent en exergue l’importance des enquêtes sur les conditions de travail, organisées et exploitées par la Dares depuis 1978. Leurs contenus reflètent bien les changements de la réalité du travail. Elles démontrent que les questions de l’impact du travail sur la charge mentale des salariés devront être mieux prise en compte par les employeurs publics, dans un souci constant d’amélioration de la qualité de service rendu.

 

Source : Insécurité de l’emploi et exercice des droits dans le travail, Dares Analyses, n° 092, décembre 2015