À Noirmoutier, la prévention des risques de submersion fait fi du réchauffement climatique

Publié le 13 novembre 2015 à 7h55 - par

Les deux tiers de son territoire sont sous le niveau des plus hautes eaux, mais l’île de Noirmoutier est dispensée de tenir compte du réchauffement climatique dans son plan de prévention des risques, une « exception » qui, malgré Xynthia, pourrait devenir « la règle », craignent des associations environnementales.

À Noirmoutier, la prévention des risques de submersion fait fi du réchauffement climatique

Dans cette île à forte vocation touristique, qui compte près de 70 % de résidences secondaires, les tempêtes sont légion : quelque 120 y ont été recensées en trois siècles, dont la rupture de la digue du Gois le 31 décembre 1978 et l’inondation de 500 hectares.

Particulièrement exposée à la submersion marine, Noirmoutier est sommée, après le drame de la tempête Xynthia qui a fait 47 morts en Vendée et en Charente-Maritime, de se doter rapidement d’un plan de prévention des risques littoraux (PPRL), au même titre que quelque 300 communes.

Afin de régir l’urbanisation des zones à risques, toutes devaient réaliser des projections des niveaux d’eaux maximaux pouvant être atteints à l’avenir, en ajoutant au niveau marin de référence les effets attendus du réchauffement climatique, soit 60 cm supplémentaires.

Toutes sauf Noirmoutier, le PPRL de l’île ayant fait l’objet, en juillet 2013, d’une décision du ministère de l’Écologie dispensant ce plan de prendre en compte la notion de changement climatique, indique la préfecture de la Vendée.

Cette situation « unique » pourrait « faire jurisprudence », redoute Yves Le Quellec, président de Vendée Nature Environnement. Si à Noirmoutier le plan de prévention a été approuvé, le 30 octobre, par arrêté préfectoral, les trois quarts des communes prioritaires n’en ont toujours pas, en raison d’une « levée de boucliers généralisée » des élus, de la baie du Mont-Saint-Michel à l’île de Ré, relève-t-il.

On vit avec

« La singularité de Noirmoutier a été prise en considération », explique Noël Faucher, président (Les Républicains) de l’intercommunalité. « Avec 26 km de digues (sur un linéaire côtier de 62 km), propriétés de la communauté de communes, qui investit chaque année depuis 1978 entre deux et trois millions d’euros dans la défense contre la mer, on a un niveau de protection aujourd’hui qui nous permet d’anticiper le réchauffement climatique », argumente-t-il.

« Cela ne veut pas dire qu’on est protégé ad vitam aeternam. On sait que le risque existe, mais on vit avec, en étant les plus responsables possible », poursuit le maire de Noirmoutier-en-l’Île, précisant que ni Xynthia, ni d’autres tempêtes n’y ont fait « d’énormes dégâts » ou de victimes.

« À chaque grande marée, la côte est agressée, et on essaye de juguler les phénomènes d’érosion avec des techniques d’enrochements ou des digues qui ne sont pas infaillibles », rétorque Marie-Thérèse Beauchêne, vice-présidente de l’association Vivre l’île 12 sur 12.

Déni complet

Au pied du pont reliant l’île au continent, à la Pointe de la Fosse, la plage « a perdu 80 mètres en trois marées », note-t-elle. Avec le réchauffement climatique, « la mer monte, sauf à Noirmoutier visiblement, ça se négocie », lance Mme Beauchêne, accusant l’État d’avoir « cédé à la pression » d’élus « dans le déni complet » pour préserver « une construction à tout crin ».

Cartes à l’appui, Anne-Marie Grimaud, secrétaire de la coordination des associations environnementales du littoral vendéen (Coorlit 85), montre comment de 2012, lors d’un premier projet, à 2015, « on est passé du rouge (inconstructible) au bleu foncé (constructible sous conditions) et du  bleu foncé au bleu clair, voire au blanc ».

La préfecture de Vendée explique que le PPRL approuvé en octobre présente « un scénario de submersion marine différent » de celui de 2012. « De nouveaux éléments de connaissance du risque ont été pris en compte, comme les études de solidité des digues livrées par la communauté de communes, ou encore les travaux de consolidation réalisés sur ces digues entre 2013 et 2015 », détaille-t-elle.

Malgré ces « quelques avancées », Noël Faucher déplore des projections « hyper approximatives » et une « vision extrêmement réductrice et jusqu’au-boutiste de l’État par rapport à la gestion du risque, après des années de laxisme ». La communauté de communes, qui a rendu un avis défavorable à ce PPRL, va examiner la possibilité d’un recours.

La Coorlit 85, qui a donné un avis favorable au dernier plan de prévention estimant qu’il valait mieux « un PPRL mal fait que pas de PPRL du tout », réclame cependant sa révision dès le premier semestre 2016 pour y intégrer la notion de réchauffement climatique.

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