Faut-il examiner les offres HT ou TTC ?

Publié le 7 octobre 2025 à 11h30 - par

Dans une question parlementaire, le ministère de l’Économie était interrogé sur la nécessité de clarifier des consignes publiques sur les modalités d’analyse du critère prix dans l’attribution des marchés publics. Plus particulièrement la problématique se pose sur les offres des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui sont fortement impactées en raison des modalités d’analyses des offres. Ces pratiques consistent en une analyse du critère prix des offres en hors taxe, ce qui conduit à neutraliser l’exonération TVA reconnue à des structures de l’ESS, les empêchant ainsi d’accéder à la commande publique et donc à favoriser les entreprises à but lucratif.

Faut-il examiner les offres HT ou TTC ?
© Par momius - stock.adobe.com

Une méthode de notation qui doit porter sur la somme réellement à la charge de l’acheteur pour acquérir la prestation

Selon le ministre, la régularité de l’évaluation du critère du prix lors de la phase d’analyse des offres s’apprécie sans considération de la situation particulière de chacun des soumissionnaires et ne saurait donc dépendre, en principe, de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L’acheteur choisit ainsi librement la méthode de notation qui lui paraît la plus adaptée pour autant qu’elle ne présente pas un caractère discriminatoire. Il est recommandé que cette appréciation porte sur la somme réellement à la charge de l’acheteur pour acquérir la prestation, y compris en cas de coexistence d’offres qui émanent à la fois d’opérateurs économiques soumis à la TVA et d’autres qui en sont, en partie ou en totalité, exonérés. C’est pourquoi, pour apprécier le prix dans les marchés publics, les montants à prendre en considération pour l’évaluation des offres sont les montants toutes taxes comprises (TTC) (TVA et toutes autres taxes). Cette méthode, qui permet de prendre en compte la somme qui sera réellement exposée par l’acheteur, que la liquidation et la perception de la TVA incombe au prestataire ou qu’elle soit auto-liquidée par l’acheteur, se veut respectueuse des deniers publics. Les conclusions du rapporteur public sur la décision du Conseil d’État du 9 novembre 2018 Société Cerba (n° 420654) précisent que le défaut de prise en compte des taxes applicables constituerait une erreur sur le régime juridique du prix et plaident en ce sens.

Une connaissance de l’acheteur sur le régime fiscal applicable en fonction des opérateurs soumissionnaires

Un acheteur est censé connaître le régime fiscal applicable aux transactions auxquelles il est partie. En cas de doute, il lui appartient de se renseigner pour, le cas échéant, faire corriger les erreurs constatées. Le respect des différences de régimes fiscaux dont bénéficient certaines prestations et certains intervenants, et qui résultent de la volonté du législateur, n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique. Leur méconnaissance pourrait aboutir à un classement erroné des offres susceptible d’entraîner, sinon l’annulation de la décision d’attribution du marché, du moins un droit à indemnisation du soumissionnaire s’il était privé d’une chance sérieuse de remporter le contrat. Si ces régimes peuvent, a priori, être perçus comme de nature à générer des avantages concurrentiels, le principe d’indépendance des législations n’autorise pas les acheteurs à y apporter des corrections. Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle qu’il n’appartient pas à l’acheteur de corriger ou compenser les avantages concurrentiels des opérateurs économiques qui sont soumis à un coût du travail moindre que celui applicable au lieu d’exécution de la prestation (CJCE, 3 avril 2008, Aff. C-346/06 ; CJUE, 18 septembre 2014, Aff. C-549/13). Il découle de ces règles que, lorsque l’acheteur relève d’un régime fiscal qui ne lui permet pas de déduire la TVA, en présence d’offres d’assujettis et de non-assujettis à cette dernière, il doit comparer les offres TTC des assujettis à celles HT des non-assujettis. Cette règle ne connaît qu’une exception, celle de l’offre soumise par un opérateur établi hors de France. En effet, son offre de prix est alors présentée hors taxe (HT) alors même que l’opération est imposable et soumise à la TVA en France. L’acheteur doit alors agir comme l’assujetti et devient redevable de la TVA, en lieu et place du vendeur. Le prix est alors présenté et facturé HT mais la TVA, dont l’acheteur est redevable, doit, pour cette offre, être intégrée dans l’appréciation du critère prix (CE, 9 novembre 2018, Société Cerba, préc.). En revanche, lorsque l’acheteur relève d’un régime fiscal qui lui permet de déduire tout ou partie de cette taxe du montant qu’il a collecté à raison de ses propres activités, il peut comparer les offres HT puisqu’il récupèrera de la TVA payée sur ses dépenses (CAA Toulouse, 19 mars 2024, n° 22TL20276). Toutefois, il ne s’agit que d’une simple faculté. Il peut en effet décider, comme le souligne cette dernière décision, de comparer les offres TTC, ceci afin de donner son plein effet à la différence de régime fiscal applicable. La méconnaissance de ces règles est de nature à faire obstacle à l’effectivité des régimes dérogatoires prévus au bénéfice du secteur associatif non-lucratif et de l’économie sociale et solidaire.

Dominique Niay

Texte de référence : Question écrite n° 7588 de M. Boris Vallaud [Landes (3e circonscription) – Socialistes et apparentés] du 17 juin 2025, Réponse publiée au JOAN du 16 septembre 2025, p. 8 133


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Marchés publics »

Voir toutes les ressources numériques Marchés publics