Reconnaissance des maladies professionnelles dans la FPT : un dispositif en quête d’efficacité

Publié le 27 octobre 2025 à 8h30 - par

Depuis l’extension, en 2017, des tableaux du régime général de la sécurité sociale à la fonction publique, les agents territoriaux bénéficient du même cadre de reconnaissance des maladies professionnelles que les salariés du privé. Mais la Cour des comptes, dans son rapport public d’octobre 2025, souligne un système à la fois complexe, inégal et lent, dont les agents publics peinent à se saisir. Dans la fonction publique territoriale, où les métiers exposés (entretien, voirie, restauration, petite enfance, etc.) sont nombreux, la reconnaissance d’une maladie professionnelle demeure un parcours d’obstacles.

Reconnaissance des maladies professionnelles dans la FPT : un dispositif en quête d'efficacité
© Par Léna Constantin - stock.adobe.com

Un cadre juridique désormais commun mais peu adapté à la réalité des métiers territoriaux

L’ordonnance du 19 janvier 2017 a aligné la fonction publique sur le régime général : toute maladie figurant dans un tableau du Code de la sécurité sociale est présumée d’origine professionnelle. Cette évolution, censée simplifier les démarches, a surtout rendu plus lisible le droit applicable. En pratique, les agents territoriaux relèvent toujours d’une procédure spécifique : la collectivité instruit la demande, le comité médical départemental émet un avis, mais l’administration reste libre de reconnaître ou non l’imputabilité au service. Ce décalage entre logique assurantielle (privé) et logique administrative (public) entretient une forme d’inégalité de traitement.
Les agents territoriaux sont particulièrement touchés par les troubles musculo-squelettiques (TMS), qui représentent près de 9 maladies professionnelles sur 10 dans le secteur public local. Les métiers de manutention, de propreté urbaine, d’entretien des locaux, de restauration collective ou d’aide à domicile sont les plus exposés. Or, le tableau n° 57, principal fondement de ces reconnaissances, est jugé obsolète par la Cour des comptes. Ses critères trop restrictifs (durée d’exposition, délais de prise en charge, nature des gestes) conduisent à rejeter de nombreux dossiers qui devraient logiquement être reconnus, notamment chez les agents exerçant à temps partiel ou sur des postes polyvalents.
Les troubles psychosociaux (TPS) – épuisement professionnel, harcèlement, stress chronique – progressent dans les collectivités. Pourtant, leur reconnaissance comme maladies professionnelles reste exceptionnelle. Faute de tableau spécifique, la procédure passe par la voie complémentaire (alinéa 7 de l’article L. 461-1 du CSS) exigeant un taux d’incapacité d’au moins 25 %. Dans la FPT, les conseils médicaux, chargés d’instruire ces demandes, manquent de référentiels homogènes et leur avis n’est pas contraignant. Résultat : la reconnaissance du « burn-out territorial » demeure marginale, alors même que les études locales témoignent d’une augmentation des arrêts maladie liés au stress professionnel.

Une gestion administrative et financière défaillante qui fragilise les employeurs publics

La Cour des comptes relève une grande disparité dans la gestion des dossiers. Certaines collectivités disposent d’un service de prévention structuré et d’une collaboration étroite avec les médecins de prévention ; d’autres s’en remettent entièrement aux centres de gestion, voire à la seule appréciation du supérieur hiérarchique. L’absence de base de données nationale dédiée à la FPT empêche toute analyse consolidée des taux de reconnaissance, des pathologies dominantes ou des durées d’instruction. Ce déficit de pilotage fragilise les politiques locales de santé au travail et limite la capacité des employeurs publics à agir sur la prévention.
Contrairement au régime général, les dépenses liées aux maladies professionnelles dans la fonction publique ne sont pas mutualisées : chaque collectivité en assume directement la charge (maintien du traitement, remboursement des soins, prise en charge des frais médicaux). Or, la hausse des arrêts longs, combinée à la multiplication des dossiers de TMS, pèse de plus en plus sur les budgets RH. Le rapport de la Cour des comptes estime à 3 milliards d’euros le coût global annuel pour l’ensemble des régimes, dont 15 % concernent les agents publics.
Cette charge, souvent sous-évaluée, n’est que partiellement compensée par la sous-déclaration massive des pathologies : beaucoup d’agents préfèrent renoncer à la reconnaissance pour éviter une procédure lourde et incertaine. Entre formulaires multiples, justificatifs médicaux complexes et délais de traitement dépassant souvent quatre mois, la reconnaissance d’une maladie professionnelle est vécue comme un parcours administratif décourageant. Les collectivités doivent en outre gérer seules le suivi du dossier, la saisine du conseil médical et la notification à l’agent. Le manque d’accompagnement juridique et médical favorise les erreurs de procédure et les contentieux.

La Cour des comptes recommande de dématérialiser les formulaires, de simplifier le nombre de questionnaires et d’harmoniser l’appréciation des taux d’incapacité. Ces mesures, transposables à la FPT, permettraient de réduire les délais et d’améliorer la confiance entre agents et employeurs.
La reconnaissance des maladies professionnelles dans la fonction publique territoriale reste marquée par une contradiction : un cadre juridique aligné sur le privé, mais des pratiques administratives encore trop lourdes, disparates et peu lisibles. Pour les employeurs publics, il devient urgent d’adopter une approche plus proactive : renforcer la prévention primaire, systématiser la traçabilité des expositions et professionnaliser le suivi des dossiers. La modernisation de ce dispositif ne relève pas seulement d’un enjeu juridique, mais aussi d’une responsabilité sociale : garantir aux agents territoriaux la reconnaissance pleine et équitable de leurs droits à la santé au travail.

Source : La reconnaissance des maladies professionnelles – Exercices 2020 et suivants, Cour des comptes, octobre 2025


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