Deux ans de remous sur les recours par l’État aux cabinets de conseil privés

Publié le 31 janvier 2024 à 8h40 - par

Une semaine après son adoption en commission des lois, les députés s’empareront ce mercredi soir en séance publique de la proposition de loi visant à encadrer davantage le recours par l’État aux cabinets de conseil. Le texte, adopté en première lecture par le Sénat en octobre 2022, reprend de nombreuses propositions d’un rapport explosif de l’ex-sénatrice communiste Éliane Assassi. Rappel des faits.

Deux ans de remous sur les recours par l'État aux cabinets de conseil privés
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Du rapport sénatorial au vitriol publié en mars 2022 à la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques débattue à l’Assemblée nationale mercredi 31 janvier 2024 : deux ans de remous sur les recours par l’État aux cabinets de conseil privés, comme McKinsey.

Rapport au vitriol

Le 17 mars 2022, les sénateurs Éliane Assassi (communiste) et Arnaud Bazin (Les Républicains) présentent un rapport au vitriol contre le recours par l’État aux cabinets de conseil privés. Un phénomène « tentaculaire » dont le coût pour les finances publiques a grimpé en 2021 à près de 900 millions d’euros, tous opérateurs publics confondus. Les cabinets sont « intervenus sur la plupart des grandes réformes » du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, mais aussi dans la gestion de la crise sanitaire ou l’organisation de colloques, souligne le rapport.

McKinsey dans le viseur

Publié en pleine course à la présidentielle, le rapport empoisonne la campagne d’Emmanuel Macron, accusé par les oppositions de favoritisme en faveur de McKinsey. « S’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal », rétorque-t-il le 27 mars.

Les deux rapporteurs épinglent en particulier le cabinet américain, accusé d’optimisation fiscale : il n’aurait versé aucun impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020. McKinsey assure respecter les règles fiscales françaises.

Enquêtes du PNF

Le parquet national financier (PNF) ouvre le 31 mars 2022 une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée à l’encontre de McKinsey. Le 19 octobre, le Canard enchaîné révèle que le cabinet a décidé de cesser ses activités de conseil au secteur public en France.

Les 20 et 21 octobre, le PNF ouvre deux informations judiciaires, l’une « sur les conditions d’intervention de cabinets de conseil dans les campagnes électorales de 2017 et 2022 » d’Emmanuel Macron, l’autre sur des soupçons de « favoritisme ». « Je ne crains rien », rétorque le président.

Proposition du Sénat

Trois mois après la remise de son rapport, le Sénat met sur la table une proposition de loi transpartisane.

Objectifs : mettre un terme à l’opacité, mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil, renforcer les obligations déontologiques des consultants et mieux protéger les données de l’administration.
Le 19 octobre, le Sénat l’adopte à l’unanimité. Les députés de la commission des lois en font de même le 24 janvier 2024, ouvrant la voie à son examen en séance publique mercredi 31 janvier 2024.

Riposte du gouvernement

Entre temps, le gouvernement riposte en publiant le 29 juillet 2022 des règles qui renforcent dès 2023 les prestations de conseil en stratégie et en organisation confiées au secteur privé par les ministères. Les missions seront pour la plupart plafonnées à 2 millions d’euros et le nombre de prestations réalisées consécutivement par un même prestataire sera limité à deux, en plus d’obligations déontologiques et de transparence renforcées pour les consultants.

Depuis l’automne 2022, le gouvernement publie par ailleurs en annexe du budget un document qui répertorie certaines dépenses de conseil des ministères.

La Cour des comptes enfonce le clou

La Cour des comptes pointe le 10 juillet 2023 des recours « inappropriés » du gouvernement aux cabinets de conseil privés, demandant à l’État de clarifier les règles encadrant leur intervention qui a entraîné des dérapages financiers.

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