Oui, les acheteurs publics ont le droit de rencontrer des fournisseurs !

Publié le 10 mai 2016 à 14h02, mis à jour le 10 mai 2016 à 14h02 - par

La consécration du « sourçage » dans la récente réforme de la commande publique constitue une des mesures phares de ce nouveau cadre, devant permettre de mieux mettre en relation les besoins des acheteurs en matière d’innovation et les solutions proposées par les « start-up » et les entreprises innovantes.

analyse des offres

D’autres mesures témoignent de cette volonté de l’État : définition des besoins en termes de performance attendue, conditions élargies du recours au dialogue compétitif, élargissement du recours à la négociation, recours aux variantes, l’innovation en tant que critère d’attribution et dispositif du partenariat d’innovation. Une boîte à outils complète qui va nécessiter un mécanicien hors pair de la commande publique !

Toutes ces mesures ont un prérequis, celui d’une parfaite connaissance de l’amont fournisseur, de leur organisation, des offres du marché et des évolutions à venir ! En résumé, le sourçage !

Une démarche admise dans la pratique, désormais consacrée

Une étape-clé d’un processus achat

Cette « reconnaissance » juridique, obtenue sur l’autel de l’innovation et de l’achat innovant, vise bien plus largement à rappeler aux acheteurs publics que la performance économique de l’achat public est issue d’une parfaite maîtrise de l’amont fournisseur mais également de la recherche permanente d’une relation gagnant-gagnant. Cet équilibre, notamment lors de l’exécution du contrat, garantit alors la pertinence et la performance de la procédure de renouvellement.

Une démarche admise dans la pratique… mais peu pratiquée !

Toutefois, comme l’indique la dernière enquête réalisée en 2015 chez les acheteurs publics par l’UGAP et la revue Décision Achat : « Si 64 % d’entre eux déclarent réaliser une veille économique et technologique, ils ne sont plus que 25 % à effectuer ce travail de manière systématique sur tous leurs marchés. En cause : le manque de temps et des procédures achats qui ne sont pas encore bien installées.

Cette consécration devrait probablement faire évoluer cette situation sous réserve d’une parfaite maîtrise de cette phase-clé. Comme évoqué dans la même enquête, 55 % des acheteurs publics reconnaissent ne pas avoir une bonne connaissance du tissu économique et industriel, quand 67 % estiment que le processus de recensement préalable des besoins est difficile à réaliser !

En résumé, une situation préoccupante mêlant parfois mauvaise définition du besoin et imparfaite connaissance de l’environnement.

Comment « sourcer » sans « favoriser »

Le sourçage n’est donc pas encore entré dans la culture des acheteurs publics tant règne encore trop  la crainte du délit de favoritisme renforcée par l’absence de cadre juridique entourant celui-ci.

Au-delà de ces considérations, se posent d’autres freins tels que l’absence d’expertise, les coûts financiers associés (internes et externes avec, par exemple, l’achat d’études de marché) et la mise en place de processus et d’outils, garants du respect des grands principes de la commande publique. Il est également important de « doser » cette phase de sourçage en fonction du niveau de criticité de la procédure à venir.

Les processus et outils à mettre en œuvre

De nombreux acteurs publiques ont d’ores et déjà mis en œuvre des processus et outils afin d’accompagner au mieux leurs acheteurs. Citons par exemple à l’UGAP, l’existence d’une note de déontologie, d’un annuaire dédié aux rencontres fournisseurs (pôle innovation), d’un document qualité interne appelé schéma général d’offre validé par la Direction avant toute publication et enfin d’un médiateur interne. Certains acteurs publics comme le ministère de la Défense ou encore l’UGAP disposent du Label Relations Fournisseur Responsables.

Paradoxalement, l’intégration « juridique » du sourçage doit plus que jamais conduire les décideurs achats à la considérer comme une phase à part entière de la procédure et donc à l’intégrer dans les développements en matière de mutualisation et de dématérialisation. Deux tendances susceptibles de garantir l’efficience de cette phase et de la sécuriser.

Les bénéfices de la mutualisation des achats en matière de sourçage

Un sourçage nécessite expertise achat, processus et outils associés. Le retour sur investissement est étroitement lié aux volumes d’achat et aux enjeux stratégiques associés. En résumé, plus l’achat est important et stratégique et plus les acheteurs et les fournisseurs auront intérêt à parfaitement se « comprendre ». Qui plus est, comme a pu le constater l’UGAP, plus l’achat est important, plus il est exposé, plus il est piloté et moins grand est le risque de favoritisme ! En résumé, la question véritablement posée est celle du sourçage sous les seuils formalisés ! Ceci d’autant plus que le décret n’a pas repris l’obligation de publication d’avis d’attribution sous le seuil des 25 000 € HT, tel que proposé dans le projet dans de novembre 2015.

Les bénéfices de la dématérialisation

La dématérialisation des procédures d’achat est au cœur des priorités de l’État et des travaux des acheteurs publics avançant à grands pas vers l’échéance du 1er octobre 2018. La dématérialisation doit aussi être considérée dans cette phase de sourçage, notamment par un recours des plus indiqués :

  • aux plates-formes d’e-sourcing telles que Solainn, la place du pôle Systematic pour identifier des PME innovantes ;
  • à des outils d’identification et surveillance des entreprises, l’UGAP ayant par exemple développé avec e-Attestations un outil de recensement d’entreprises innovantes intégrant des données fournisseurs (CA, effectif, statut, localisation siège et établissement, situation financière, risques, alertes…) ;
  • à l’organisation et à l’information adaptée (publicité et intégration de compte-rendu au dossier de consultation) lors de la mise en œuvre de réunions fournisseurs préalables à des procédures particulières eu égard à leur caractère novateur ou complexe.

Une traçabilité numérique adaptée est donc à privilégier.

Une reconnaissance dans les textes qui pourrait avoir des effets inattendus !

Cette « légalisation » du sourçage va conduire à une mobilisation des fournisseurs au travers de leurs fédérations professionnelles, pôles de compétitivité, associations. Les entreprises les plus performantes et les plus innovantes ont en effet intérêt à être identifiées le plus largement possible et à ne pas dépendre de telle ou telle démarche d’acheteurs publics. Les acheteurs risquent donc d’être de plus en plus sollicités !

Comme le mentionne l’article 4 du décret 2016-360 du 25 mars 2016, « afin de préparer la passation d’un marché public, l’acheteur peut effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences. Les résultats de ces études et échanges préalables peuvent être utilisés par l’acheteur, à condition qu’ils n’aient pas pour effet de fausser la concurrence et n’entraînent pas une violation des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence ces procédures ». Mais, un fournisseur pourrait-il mettre en cause un jour un acheteur pour absence de sourçage ? La question est posée.

Sébastien Taupiac,
Directeur délégué à l’innovation à l’UGAP


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