L’État en réseau, un avenir pour le service public

Publié le 23 décembre 2020 à 9h00 - par

État tayloriste, État-stratège, voire État-providence… Les anciens modèles sont inadaptés à la société actuelle qui ne s’y reconnaît pas et se défie des institutions. Il conviendrait désormais de tendre vers un État en réseau, dont les administrations elles-mêmes seraient le moteur.

L'État en réseau, un avenir pour le service public

Dans un contexte de défiance généralisée vis-à-vis de l’administration et des institutions au sein de la population, l’État serait-il définitivement hors jeu pour répondre aux grands défis d’aujourd’hui, tels que l’environnement, l’accélération technologique ou encore les nouvelles inégalités ? Non, à condition de se muer en État-réseau, estime Sébastien Soriano, haut fonctionnaire (actuel président de l’Arcep), dans Un avenir pour le service public – Un nouvel État face à la vague écologique, numérique, démocratique (Éditions Odile Jacob). Car, selon lui, si le service public n’est pas au rendez-vous des attentes des Français, c’est parce qu’on a laissé s’instaurer un double décalage.

D’une part, l’État continue d’actionner les leviers du passé, alors que la réalité économique et sociale change. D’autre part, de nouveaux défis et de nouvelles opportunités se présentent, sans que l’administration ne sache porter de visions publiques à même de les accompagner. Quant aux réformes des vingt dernières années (Lolf, RGPP, Réat…), en reproduisant des techniques du privé (indicateurs de performance, logique comptable, tableaux de bord…), elles ont eu un effet contre-productif sur le fonctionnement des entités publiques, l’État n’étant pas une entreprise soumise aux règles de la concurrence.

« Les grandes transformations qui traversent notre époque constituent une fantastique occasion de repenser l’État comme instrument de notre destin commun », constate Sébastien Soriano. La gouvernance traditionnelle, qui met en opposition et en recherche de compromis les corps intermédiaires (devenus moins représentatifs des groupes qu’ils sont censés incarner), produit un résultat décalé par rapport aux aspirations et aux  besoins réels de la société. En outre, des écosystèmes se créent dans de nombreux domaines : tissu local d’entreprises, réseaux de solidarité associative, circuits courts… Ce sont ces communautés qui porteront in fine les futures grandes transformations. En s’adressant à l’individu, l’État-providence atteint ses limites. Sans compter que les infrastructures et les réseaux, indispensables à la capacité d’action de la société sont, sauf exception, déployés ou opérés par le secteur privé. Il conviendrait désormais de réinventer un modèle d’État, en partant des nouvelles dynamiques sociales (« tribus » et « communs ») qui favorisent l’apparition de groupes informels comme force motrice. Des groupes qui fonctionnent à partir de trois enjeux dont l’ingénierie publique pourrait s’inspirer : action individuelle à la portée de chacun, reconnaissance comme levier de motivation, émergence d’une démocratie profonde dépassant l’idéologie des groupes de pression traditionnels.

Pour répondre aux mutations de la société, il conviendrait d’évoluer vers un État en réseau. Étant donné la grande diversité des administrations, il ne peut pas y avoir de méthode de changement unique et c’est à chacune de dessiner son avenir avec ses agents. Dans ce nouveau modèle, partage du savoir et représentation graphique, contrôle a posteriori, gouvernance, données ouvertes, ergonomie adaptée aux usages des Français, évaluation partagée remplaceront tableaux de bord, autorisation préalable, normes, transparence, dématérialisation, indicateurs de performance…

Développer une nouvelle ingénierie publique nécessitera une coordination : les administrations ne pourront pas être réorientées indépendamment les unes des autres. « Un travail de consultation, de concertation et de rédaction d’un rapport à la demande du politique nous semble un élément important d’alignement et d’ambition {…}. Cela peut paraître un exercice formel, mais c’est ainsi que l’État fonctionne », précise ainsi Sébastien Soriano. L’auteur illustre abondamment son propos par des exemples concrets et émet des recommandations pratiques pour réinventer le service public.

Martine Courgnaud – Del Ry


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