Le Gouvernement présentera prochainement au Parlement un projet de loi sur la décentralisation, qui sera examiné au Sénat avant les élections municipales des 15 et 22 mars 2026. Objectif : « rendre plus visible pour les citoyens et plus responsabilisante pour les élus la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales ». Soit, « un acte fondateur d’une relation nouvelle entre l’État et les élus locaux, au service de nos concitoyens et pour améliorer leur vie quotidienne« , selon les termes employés par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, dans une circulaire adressée aux préfets le 28 octobre 2025.
Sur le fond, le Premier ministre précise que chaque service public doit être incarné par une « autorité identifiée » (ministre, préfet ou élu local), disposant des moyens pour mener son action, et qu’elle doit être responsable des résultats obtenus. La loi devra également renforcer la déconcentration et le rôle du préfet en tant que représentant de l’État sur le territoire. Des mesures « fortes et claires » devront être adoptées pour simplifier le droit applicable aux collectivités territoriales.
La circulaire invite les préfets à soumettre leurs propositions sur la clarification des compétences et le renforcement de la déconcentration avant le 15 novembre. En proposant, notamment, des dispositions législatives et réglementaires pour clarifier la répartition des compétences entre l’État et les collectivités, et entre les collectivités territoriales elles-mêmes, pour rendre plus lisibles les politiques publiques sur le territoire (santé, urbanisme, logement, transports, culture, tourisme, sport) et des mesures aptes à renforcer la déconcentration, l’administration territoriale de l’État et le rôle du préfet dans la coordination des services de l’État dans le département.
Dès son arrivée, Sébastien Lecornu avait annoncé son intention de faire adopter un « grand acte de décentralisation » et d’y associer les maires, qu’il avait prévenus par courrier ainsi que les présidents de départements et de régions et auxquels il a demandé des contributions. Dans un courrier en date du 2 octobre 2025, le président de l’Association des Maires de France (AMF), David Lisnard et son premier vice-président délégué, André Laignel, tout en se déclarant à la disposition du Gouvernement pour travailler sur le sujet, avaient mis de sérieuses conditions préalables, liées à la liberté d’agir des collectivités. Liberté qui est du reste le thème du congrès de l’AMF qui se tiendra du 17 au 20 novembre prochain.
Cesser toute ponction financière
Leur courrier réaffirme les principes structurants de la décentralisation, à commencer par la subsidiarité : la décentralisation suppose d’inverser la logique du transfert de compétences. Toutes les politiques publiques devraient relever des collectivités, hormis les domaines réservés à l’État, limitativement définis. « La collectivité la plus proche des citoyens devrait toujours être la première compétente à agir, et lorsqu’elle ne peut exercer la compétence, celle-ci est exercée à l’échelon supérieur », rappellent les élus. En corollaire, la clause de compétence générale des communes qui doit être garantie dans la durée et donc consacrée par la Constitution.
Citons également le principe de libre administration et l’autonomie financière et fiscale des collectivités, sans laquelle il ne peut pas y avoir de décentralisation. Ainsi que le rappelait l’AMF dans son courrier, « c’était la volonté du législateur en 2003, que l’État a étouffée volontairement dans un long processus de recentralisation financière qui atteint aujourd’hui des sommets inégalés ».
Indépendamment d’un nouvel acte de décentralisation, l’AMF réclamait un moratoire immédiat sur toutes les nouvelles contraintes non financées s’appliquant aux collectivités, et adoptées ou programmées malgré l’objectif de réduction de dépenses fixé par le Gouvernement, ainsi que la suppression des normes les plus pénalisantes et coûteuses. L’association d’élus demandait également que le Gouvernement cesse toute ponction sur les budgets locaux, dès la prochaine loi de finances. Ce qui n’est évidemment pas le cas. Ainsi, lors de la présentation du projet de loi de finances, le 14 octobre 2025, André Laignel, président du Comité des finances locales, avait calculé qu’il amputait les budgets locaux de 8 milliards d’euros.
Marie Gasnier
