Décentralisation : le rapport Woerth prône une réforme d’ampleur

Publié le 3 juin 2024 à 9h10 - par

Clarification des compétences et de leur répartition, intercommunalité, État local, pouvoir réglementaire, FPT, retour du cumul des mandats et du conseiller territorial, réduction du nombre d’élus locaux, finances locales… Les 51 propositions du rapport d’Éric Woerth, remis au chef de l’État le 30 mai, balayent très larges. Souvent décapantes, elles suscitent déjà nombre de critiques de la part des élus locaux. En tout cas, elles doivent contribuer à un projet de loi, voire plusieurs, présenté avant la fin de l’année, après une concertation menée avec les associations d’élus locaux.

Décentralisation : le rapport Woerth prône une réforme d'ampleur

Prévue début mai, la remise du rapport d’Éric Woerth, intitulé « Décentralisation : le temps de la confiance », au président de la République, a finalement en lieu le 30 mai. Emmanuel Macron l’avait commandé, en novembre dernier, au député (Renaissance) de l’Oise, pour simplifier l’organisation territoriale et obtenir une décentralisation plus aboutie et efficace. Objectif affiché des 51 propositions présentées : « restaurer une confiance largement rompue » entre l’État et les collectivités et, au-delà, donner « un nouveau souffle » à la décentralisation.

« Un « puzzle à la française »

Le rapport Woerth refait le constat d’un partage du pouvoir qui s’est peu à peu transformé en « dilution du pouvoir ». Explication ? Des compétences « qui se superposent », des financements croisés « incessants » ou encore « une volonté d’exister dans tous les domaines de la part des collectivités territoriales comme de l’État ». Et de dénoncer un « puzzle à la française, qui induit de la lenteur, des loupés et une dispersion d’argent public ». Dans son rapport sur « le coût du millefeuille administratif », remis la veille, le 29 mai, au gouvernement, Boris Ravignon, maire (LR) de Charleville-Mézières ne dit pas autre chose et l’estime à pas moins de 7,5 milliards d’euros par an (6 milliards pour les collectivités et 1,5 milliard pour l’État).
Dans les remèdes préconisés, le rapport ne souhaite pas supprimer une strate de collectivité comme le suggérait le chef de l’État dans sa lettre de mission. Le rapport Ravignon est sur la même position. Dès le départ, Éric Woerth a déminé le sujet en évacuant cette hypothèse qui avait immédiatement suscité une levée de boucliers des élus locaux. Si l’ancien ministre du Budget et des Comptes publics de Nicolas Sarkozy ne propose pas de big-bang territorial, c’est bien d’une révision d’ampleur de la décentralisation et de notre organisation territoriale qu’il s’agit. Sous la houlette du Premier ministre, une concertation doit démarrer rapidement, qui promet de vif débats avec les associations d’élus, dans la perspective du dépôt d’ici la fin de l’année d’un projet de loi, voire de plusieurs, vu la quantité, la diversité et la nature des sujets abordés.

Suppression de 20 % des élus municipaux

Le rapport Woerth contient de nombreuses propositions chocs parmi lesquels la réduction d’environ 20 % du nombre d’élus municipaux pour permettre de « mieux les identifier, mieux les rémunérer et mieux les protéger ». Pour cela, un véritable statut de l’élu serait créé, en s’appuyant sur les propositions de loi en cours de discussion au Parlement, notamment pour relever les indemnités des élus des communes de moins 20 000 habitants. De plus, sur le sujet sensible du risque pénal, souvent évoqué par les maires démissionnaires, il plaide pour engager une réflexion sur la dépénalisation des délits les moins graves, au profit d’autres formes de sanctions (sanctions administratives ou juridictions financières par exemple) ». But recherché : « ne pas figer l’action publique locale ». Par ailleurs, le député de l’Oise propose le retour du cumul des mandats parlementaire-maire (aussi pour les adjoints et les présidents d’EPCI). En revanche, il serait interdit de cumuler la fonction de président d’EPCI avec un département ou une région.
Toujours dans un souci de « vivifier la démocratie locale », le député de l’Oise préconise de généraliser l’élection au suffrage universel direct par scrutin de liste paritaire, pour toutes les communes de moins de 1 000 habitants. Idem pour les communes de Paris, Lyon et Marseille qui devraient pouvoir « voter directement sur la liste portée par le candidat à la mairie de leur choix, en plus du scrutin d’arrondissement ou de secteur ».

Le retour du conseiller territorial

Comme il l’avait envisagé lors de ses auditions au Parlement, Éric Woerth propose le retour du conseiller territorial (créé en 2010 et supprimé en 2012), mais en le réinventant, « pour mieux articuler l’action du département et de la région ». Il siégerait à la fois au département et à la région, et son élection s’appuierait sur un scrutin cantonal « afin d’assurer un ancrage territorial à chaque conseiller régional ».
Les associations d’élus disent leur profonde opposition à une telle réforme. Pour Régions de France, il s’agirait d’une « régression, en cantonalisant les enjeux régionaux tout en remettant en cause la parité au sein de l’assemblée régionale ».

L’intercommunalité dans le viseur

Un chapitre consacré à l’intercommunalité vise à lui donner un sacré coup de frein. Le choix des compétences serait drastiquement simplifié, préconise l’ancien ministre, avec la suppression des quatre statuts distincts d’intercommunalité associés à des compétences obligatoires spécifiques. Un nouveau statut juridique unique commun à tous les EPCI donnerait « plus d’autonomie dans l’organisation de leurs compétences ». Il comprendrait une liste de compétences obligatoires pour lesquelles la coopération intercommunale est jugée « indispensable » : eau et assainissement, collecte et traitement des déchets, développement économique, accueil des gens du voyage, transports collectifs et habitat. En clair, il s’agit d’un alignement par le bas en correspondant aux compétences obligatoires des communautés de communes. En y ajoutant les transports collectifs et l’habitat mais qui ne seraient pas nécessairement exercées par les plus petites intercommunalités. Seule concession : la liberté des EPCI de se saisir d’autres compétences, transférées donc à la carte. Seul un vote à la majorité qualifiée du conseil communautaire permettrait de « redescendre » une compétence aux communes selon la règle de droit commun.
De plus, le rapport Woerth écarte catégoriquement toute idée d’élire l’exécutif de l’EPCI au suffrage universel car cela « conduirait à un conflit de légitimité entre les conseils municipaux et communautaires, à la création d’une quatrième strate de collectivité et à dévitalisation des communes et de la fonction de maire ». Fermez le ban. Il enfonce le clou en rappelant que l’EPCI n’est pas une collectivité mais « une structure de coopération mise au service d’un projet de territoire afin de développer l’ensemble du bassin de vie ». Pour renforcer sa légitimité, il prône une plus grande association des maires dans sa gestion en confortant les outils créés en matière de gouvernance des EPCI.

Satisfaction de l’AMF mais pas d’Intercommunalités de France

L’Association des Maires de France (AMF) a bu du petit lait en lisant ces propositions qui « redonnent à l’intercommunalité sa vocation de principe d’être au service des communes dans une organisation respectant la subsidiarité », estime-t-elle. À l’inverse, et sans surprise, Intercommunalités de France est vent debout et « s’oppose fermement à la proposition de fusion de l’ensemble des statuts d’intercommunalités ». L’association la juge « en total décalage » avec la réalité des politiques publiques menées et les différences entre les différentes catégories d’EPCI. Et de dénoncer la « préparation du détricotage des compétences des intercommunalités les plus intégrées » et le projet de « compétences à la carte » généralisées. Plus grave encore, selon l’ancienne AdCF, le rapport Woerth « propose un retour en arrière et un affaiblissement inédits de trente ans de construction intercommunale ».
Elle concède juste un satisfecit à quelques propositions reprenant les siennes : l’achèvement du transfert des compétences eau et assainissement aux intercommunalités en 2026, la décentralisation des politiques de l’habitat en leur faveur, l’octroi du statut d’autorité organisatrice de la mobilité à tous les EPCI
À noter également la proposition du rapport Woerth de relancer le processus de création de communes nouvelles en levant les freins des effets de seuil, et par un accompagnement renforcé de l’État. Il évoque ici la nécessité d’un « portage politique fort par l’État, qui pourrait mettre en place une campagne de communication auprès des maires et un accompagnement spécifique par les préfectures ». De plus, une conférence départementale, sous l’égide du président de département, pourrait être convoquée à cet effet.

Paris, Lyon, Marseille : les métropoles sur le gril

Éric Woerth tire à boulets rouges sur les métropoles à statut particulier et plaide pour « mettre fin à certaines impasses politiques locales » en pointant « des défauts de gouvernance ». Exit tout d’abord la métropole du Grand Paris (MGP) qui « n’est pas parvenue à porter des grands projets et à organiser le territoire métropolitain ». Un échec qui s’explique, selon lui, par la coexistence de cinq strates. Ainsi, la MGP serait supprimée et ses compétences réparties entre la région, le département, et les établissements publics territoriaux transformés en EPCI de plein exercice à cette occasion.
Concernant la métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier disposant de compétences élargies, le député estime que sa gouvernance est remise en cause par la grande majorité des maires ne s’estimant pas assez associés. Sa proposition : supprimer la clause générale de compétence de la métropole et réduire ses compétences.
Enfin, la métropole d’Aix-Marseille-Provence, « dans une impasse autant politique que financière », se verrait retirer ses compétences de gestion de proximité au profit des communes (voirie, collecte et traitement des déchets). À cela s’ajouteraient « une réelle péréquation » entre les différents territoires et plus de marges de manœuvre pour la métropole en matière d’investissement. En outre, les mobilités urbaines, « qui font aujourd’hui défaut », seraient gérées et développées par un syndicat des transports. « Si des blocages persistent, prévient le député de l’Oise, une loi spécifique sur la métropole pourrait être adoptée pour rebattre les cartes ».

Une répartition plus claire des compétences

Dans son souci de clarifier le rôle de chaque échelon de collectivité « pour améliorer l’efficience de l’action publique locale », Éric Woerth défend une répartition claire : bloc communal (échelon des services publics locaux de proximité), département (strate de la solidarité, des réseaux et de la résilience des territoires) et région (développement économique et planification active). Une solution, selon lui, pour « clarifier les compétences de chacun et réduire les zones d’enchevêtrements ».
Dans ce nouveau schéma, « les collectivités doivent accepter de se retirer de certaines compétences », insiste-t-il, pour « consacrer en priorité leurs moyens à leurs prérogatives ‘cœur de métier’ et non se disperser ». Concrètement, les départements se dessaisiraient du développement économique et du tourisme au profit des régions, tandis que ces dernières n’interviendraient plus sur le social, la culture et le sport.
L’ancien ministre concède malgré tout que « cette répartition des compétences ne peut pas être un jardin à la française », reconnaissant que certaines politiques publiques nécessitent d’être partagées entre plusieurs intervenants. Mais il donne ici une méthode : le chef de filât qu’il faudrait renforcer. Le chef de file devrait disposer du pouvoir réglementaire, organiser les co-financements et déployer une vision stratégique, ce qui signifie une révision constitutionnelle. Par exemple, en matière de sport, le rapport propose de faire du bloc communal le chef de file et la seule collectivité gestionnaire d’infrastructures sportives. En outre, il préconise de « permettre des délégations de compétences plus larges » entre les  collectivités en simplifiant les dispositifs.

Le maire, « premier mètre de l’action publique »

En faveur du bloc communal, il préconise l’attribution de toutes les compétences de proximité, notamment en décentralisant une partie de la politique du logement, dont les aides à la rénovation énergétique. Il souhaite aussi « encourager et récompenser les « maires bâtisseurs », notamment à travers la fiscalité locale ».
De plus, il veut reconnaître au maire, « premier mètre de l’action publique », un statut particulier vis-à-vis des administrations et des autres collectivités. « Pour cela, il doit être soutenu dans l’exercice de ses responsabilités par les préfectures et bénéficier d’un accompagnement juridique et d’une ingénierie de proximité que nous proposons de créer », indique-t-il.

Création d’un service départemental des solidarités

Les départements déploient, aux côtés de l’État, les politiques sociales. Regrettant une mise en œuvre très hétérogène sur le territoire, en raison d’une faiblesse de moyens financiers et/ou d’un manque d’ambition politique locale, conduisant à « des inégalités peu acceptables, en particulier dans la prise en charge de l’enfance et de la perte d’autonomie », Éric Woerth défend ainsi la création d’un service départemental des solidarités. Ayant le statut d’un établissement public départemental, présidé par le président du département et avec la participation de l’État à sa gouvernance, il assurerait un co-financement État-département de l’ensemble des dépenses sociales obligatoires des départements (protection de l’enfance, autonomie des personnes âgées et handicapées, insertion).
Bénéficiant de financements sanctuarisés en échange d’objectifs à atteindre, cet établissement assurerait également un pilotage national par politique publique et une coordination des services du département et des services déconcentrés de l’État au niveau local.

Critiques des recentralisations proposées

L’aide sociale à l’enfance (ASE) ne serait pas intégrée à ce nouveau service mais recentralisé au motif que « l’État dispose de la plupart des moyens pour mener à bien cette politique (pédopsychiatrie, éducation nationale, protection judiciaire de la jeunesse) ». De même, le député de l’Oise recommande de recentraliser « la tutelle et le financement des Ehpad ».
L’association Départements de France dénonce « la face recentralisatrice » du rapport Woerth « avec l’idée d’une reprise en main de l’État sur le social par, notamment, la reconstruction des DDASS d’antan ». Pour sa part, l’Union nationale des CCAS (UNCCAS) craint que le nouveau service départemental des solidarités ne conduise « à créer une nouvelle ‘usine à gaz’, rendant plus complexe encore la lisibilité des services publics par les usagers ». Par ailleurs, elle s’insurge contre la présentation des CCAS par le rapport Woerth comme « des supplétifs des départements » alors que, selon elle, « le partenariat du département avec le bloc communal est capital pour la construction et le déploiement des politiques de solidarités ».
Par ailleurs, le rapport préconise, mais prudemment, de recentraliser le RSA car ses « conditions d’attribution sont largement fixées par l’État, mais son coût est supporté par les départements qui pilotent la politique d’insertion associée ».

De nouvelles missions pour les départements

À l’inverse, il suggère de décentraliser l’AAH (allocation aux adultes handicapés) sachant que son attribution est décidée par la MDPH, « instance départementale où siège l’État, mais dans laquelle, dans les faits, son influence est limitée ».
Enfin, dans un souci de cohérence, il recommande de transférer aux départements, déjà gestionnaires de 380 000 km de routes, « l’ensemble des routes nationales non concédées » (8 000 km). Ils interviendraient également davantage dans la gestion de l’eau et l’adaptation au changement climatique, en particulier pour l’agriculture. En outre, ils pourraient apporter un soutien financier et en ingénierie aux communes et EPCI pour faire face à leurs nouveaux besoins en investissement. Toujours sur le même sujet, Éric Woerth recommande de créer, dans chaque préfecture, en lien avec le département, une plateforme de financement et d’ingénierie territoriale. Elle serait le point de dépôt des demandes de subventions d’investissement, avec un formulaire unique.

Régions : plus de prérogatives économiques

Le député de l’Oise évacue d’emblée toute idée de revenir sur le découpage de la carte des régions. Y compris sur le Grand Est en donnant une fin de non-recevoir à l’idée du retour de la région Alsace. Il concède juste la possibilité d’une prise de la compétence des lycées pour la CEA (Collectivité européenne d’Alsace).
« Échelon d’élaboration des grandes stratégies territoriales », les régions sont responsables du développement économique et la planification active. Dressant ce constat, le rapport Woerth préconise d’accroître leurs prérogatives économiques. Il propose ainsi de les « renforcer puissamment » en faisant des régions « le premier partenaire des entreprises dans les territoires ».
Estimant qu’elles n’ont pas encore couvert tout leur champ d’action, il propose d’étendre leurs outils de planification, notamment aux zonages fiscaux. Elles participeraient aussi aux contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE) en étant cosignataires et en apportant des financements, « afin de décliner la planification écologique au niveau intrarégional ». Le rapport insiste pour faire de la région l’échelon de la transition écologique.
De plus, la gestion des infrastructures régionales structurantes leur serait transférée, notamment certains grands ports maritimes (La Rochelle et Bordeaux), l’ensemble des aéroports départementaux (comme Rouen et Beauvais) ainsi que la gestion des Intercités (Paris-Limoges, Paris-Clermont Ferrand…). Enfin, leur rôle en matière de formation et d’enseignement supérieur serait accru, grâce à un rôle de cofinanceur des contrats d’objectifs et de performance des universités.

Finances locales : recréer de la confiance

Même s’il repousse l’idée de créer un nouvel impôt local, comme le demandent à l’unisson les associations d’élus locaux, le rapport Woerth n’évacue pas le sujet des finances locales et plaide pour revoir en profondeur le financement des collectivités, sujet récurrent de tension entre l’État et les élus. Le député de l’Oise recommande d’abord « d’ancrer dans la loi organique le principe de partage de la fiscalité nationale entre l’État et les collectivités, qui a vocation à financer des politiques nationales comme locales ». Elle s’accompagnerait d’une « gouvernance rénovée » devant permettre à l’État et aux collectivités de négocier et de s’entendre chaque année sur les impôts nationaux partagés, mais aussi sur la contribution au redressement des finances publiques et sur toute autre question relative aux finances locales. Prônant « un dialogue mature », Éric Woerth propose, comme le demandent depuis longtemps les élus, une loi de simplification et d’orientation des finances locales, votée en début de mandature, en application de la loi de programmation des finances publiques, afin de « créer de la confiance et donner de la visibilité ».
Parmi les réactions, l’AMF qualifie cette idée de gouvernance partagée de « leurre qui prolonge en réalité le mouvement en cours de recentralisation des moyens et des décisions ». L’association dit « son profond désaccord sur cette vision une fois de plus recentralisatrice de l’organisation des finances locales ».

Des recettes « cohérentes » par strate

Dans le détail, pour chaque strate de collectivité, l’ancien ministre du Budget propose de « mettre en cohérence » la nature des recettes avec les politiques publiques portées mais aussi d’attribuer à chaque collectivité un pouvoir de taux effectif, « de manière à créer un lien entre le citoyen et la collectivité ».
Le bloc communal se verrait attribuer la quasi-totalité de la fiscalité foncière, y compris les DMTO. Les départements bénéficieraient quant à eux d’une importante dotation de solidarité, destinée à couvrir plus de la moitié de leurs dépenses sociales obligatoires. Ils recevraient également une fraction territorialisée de la CSG, afin de financer leurs compétences sociales. Enfin, plusieurs impôts locaux avec pouvoir de taux leur seraient attribués (CASA, CSA, Taxe Gemapi, taxe poids lourds) afin de leur permettre de moduler leurs recettes.
S’agissant de la région, elle bénéficierait d’une fiscalité économique plus marquée, en lien avec sa compétence : une fraction d’impôt sur les sociétés (IS) territorialisée lui serait affectée, ainsi que la moitié de la cotisation foncière des entreprises avec pouvoir de taux (lien avec son action en matière de développement économique).

Réformer la DGF et la péréquation

« Retirer aux départements les DMTO est un très mauvais signal pour le développement équilibré du territoire », s’insurge l’association Départements de France. Et de préciser : « Les droits de mutation sont un moyen puissant de répartition des richesses entre des centres urbains qui les concentrent et les zones peu denses ». Pour sa part, Régions de France semble plutôt satisfaite des propositions les concernant mais demande que l’évolution des recettes des différentes collectivités soit précédée d’« une étude d’impact afin de mesurer leurs effets immédiats et leur évolution dans le temps ».
Enfin, une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de la péréquation doit être menée afin de « mettre fin aux ancrages au passé pour rétablir l’équité entre les territoires », estime Éric Woerth. Le sujet n’est pas nouveau et les travaux engagés par le CFL (Comité des finances locales) ont été suspendus pour cause de désaccords avec le gouvernement. Cela n’empêche pas l’ancien ministre de formuler une série de propositions pour recentrer la DGF autour de deux objectifs : « garantir à chaque commune un montant minimum de ressources pour assurer son bon fonctionnement et exercer la solidarité nationale au profit des collectivités assumant la gestion de vastes espaces naturels ou d’un patrimoine culturel exceptionnel ».

Vers un vrai pouvoir réglementaire local

Le député de l’Oise juge le pouvoir règlementaire comme un maillon essentiel de la décentralisation en donnant aux élus locaux « la possibilité d’adapter et différencier le service public local. » Le considérant largement théorique, « dans un contexte d’inflation normative qui écrase le pouvoir règlementaire des collectivités », il préconise de mieux l’articuler avec le pouvoir règlementaire du Premier ministre. Le rapport propose ici une révision constitutionnelle (article 21 de la Constitution) mais aussi d’imposer aux lois et règlements de mieux justifier le recours à une norme nationale plutôt qu’à une liberté locale.
En complément, il défend une simplification du droit et une révision générale des normes pour « redonner des marges d’adaptation aux collectivités ».

Une gestion différenciée des fonctions publiques

« La gestion de la fonction publique territoriale doit être décidée par les employeurs territoriaux, en lien avec les partenaires sociaux, plutôt que par l’État ». Ce constat qui sonne agréablement à l’oreille des élus locaux amène la commission Woerth à proposer de leur donner plus d’autonomie dans leurs politiques de rémunération par la création d’une « branche » FPT. Les employeurs auraient ainsi la responsabilité, au niveau national, de définir les règles communes aux fonctionnaires territoriaux (carrières, indemnités, concours …), y compris en matière d’évolution différenciée du point d’indice par rapport à l’État.
Ces recommandations conduiraient à une gestion différenciée des fonctions publiques et relancent donc le débat d’une décorrélation de la valeur du point d’indice dans la FPT par rapport aux deux autres versants. De vifs débats en perspective ! Le rapport propose aussi d’« obliger » les employeurs territoriaux à plus de transparence dans leur gestion des ressources humaines. À savoir ce que cela recouvre exactement.

Le renforcement du préfet de département

Éric Woerth n’oublie pas la place de l’État local, sachant que pour fonctionner, « la décentralisation a besoin d’une déconcentration en miroir ». Constatant, depuis dix ans, « une crise de l’État territorial et une reconcentration de l’État, incarnée par la création d’agences nationales », il plaide pour donner davantage de moyens et de compétences aux échelons territoriaux de l’État. Objectif : « rapprocher l’État des territoires et permettre aux élus locaux, d’avoir un interlocuteur de proximité ». Cela passerait en particulier par le préfet de département, devant revenir au centre de la relation entre l’État et les collectivités, comme elles le réclament. Pour cela, il serait doté de prérogatives lui permettant d’assurer « la cohérence de la parole et de l’action de l’État, trop souvent démembrée en de multiples services et agences ».
Le renforcement du préfet passerait aussi par la création d’une dotation unique d’investissement, fusionnant toutes les dotations existantes et une partie des fonds des agences et des ministères. « Cette dotation aurait un usage souple, à la décision du préfet, afin de faciliter le montage de projets locaux », souligne le rapport. En parallèle d’un soutien « cousu main » au niveau territorial en faveur des collectivités, les appels à projets nationaux seraient « drastiquement encadrés et réduits », en imposant des contraintes dans leur déploiement et en renforçant, là-aussi, la place du préfet.

Philippe Pottiée-Sperry


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