Référendums, modification de la Constitution… ce que prévoient les textes

Publié le 15 avril 2022 à 14h00 - par

Emmanuel Macron a évoqué un possible recours au référendum pour sa réforme des retraites, Marine Le Pen veut une « révolution référendaire » et modifier la Constitution par référendum… Que disent les textes, qu’est-il véritablement possible de faire ? Éléments de réponses avec Philippe Blacher, professeur de droit public à l’université de Lyon 3.

Référendums, modification de la Constitution... ce que prévoient les textes

« Il faut distinguer deux catégories de référendums : ceux qui concernent les lois, et ceux qui concernent la Constitution », explique-t-il.

Le référendum « classique »

Il est à l’initiative du président de la République, qui « pose une question » aux citoyens. Défini par l’article 11 de la Constitution, il peut porter sur :

  • l’organisation des pouvoirs publics (par exemple abaisser le nombre de parlementaires) ;
  • des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale (les retraites, comme envisagé par M. Macron) ;
  • la ratification d’un traité international (le « oui » au traité de Maastricht en 1992, le « non » au traité constitutionnel européen en 2005).

Depuis 2008, l’article 11 permet aussi le « référendum d’initiative partagée » (RIP), à l’initiative de parlementaires (au moins 1/5) et qui doit être soutenu par au moins 1/10e du corps électoral (4,7 millions de personnes). La procédure a déjà été enclenchée pour s’opposer à la privatisation des aéroports de Paris, mais n’a pas abouti faute de signatures suffisantes. Si le recours au référendum est régulièrement évoqué dans le débat politique (François Hollande l’a envisagé pour la déchéance de nationalité, Emmanuel Macron pour le climat), il est en réalité très peu utilisé : 8 fois seulement depuis 1958 – principalement par le général de Gaulle – et pas depuis 2005. Parce qu’il peut faire l’objet « d’instrumentalisation politique », qu’il met de côté le débat parlementaire et peut virer au « pour ou contre » le président, le référendum est « dans les faits tombé en désuétude », note Philippe Blacher.

La modification de la Constitution

La deuxième catégorie est celle des référendums « constitutionnels », possibles dans le cadre d’une réforme de la Constitution – encadrée par son article 89.

La procédure comporte trois étapes :

  • le président dépose un projet de révision de la Constitution ;
  • celui-ci est approuvé « dans des termes identiques » par l’Assemblée nationale et le Sénat ;
  • le président convoque les parlementaires en Congrès ou décide de soumettre sa réforme à un référendum constitutionnel.

Là encore, le référendum, au résultat plus incertain, n’est quasiment jamais utilisé.

Sur les 24 réformes de la Constitution, toutes ont été faites via le Congrès, à deux exceptions. En 2000, Jacques Chirac soumet ainsi au référendum l’abaissement de la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans. Une seconde, sous de Gaulle en 1962, a suivi une autre procédure (voir paragraphe suivant).

Une procédure plus complexe

La procédure de révision de la Constitution est donc « plus complexe, plus difficile » que celle d’une simple loi, et « associe toutes les institutions politiques » pour assurer un large consensus et « protéger » le texte suprême. « Le chef de l’État ne fait pas ce qu’il veut, aucun n’a réussi à imposer sa réforme, même avec une large majorité… Il faut toujours qu’il négocie », résume Philippe Blacher. Contrairement à l’article 11, l’article 89 ne « liste » pas de domaines de réformes autorisées. « Cas extrême, on peut imaginer un président proposer la suppression de la Déclaration des droits de l’Homme ».

S’il n’est pas possible de modifier la Constitution sans passer par le Parlement, pourquoi Marine Le Pen assure qu’elle peut le faire ?

Peut-être à cause du précédent de Gaulle, avance Philippe Blacher. En 1962, le général avait « détourné » l’article 11 pour réformer la Constitution, avec son référendum sur le suffrage universel pour l’élection présidentielle.

« Le Conseil d’État avait rendu un avis négatif, le Conseil constitutionnel était bien embarrassé… mais ce n’était pas le même contexte, c’était de Gaulle ». Depuis, « les choses ont bien changé ». Le Conseil d’État a établi que l’article 11 ne pouvait plus être utilisé pour modifier la Constitution et « aucun autre président n’a essayé depuis », note Philippe Blacher. « Si le Conseil constitutionnel considérait que la règle n’est pas respectée, il pourrait, en tant que juge des opérations référendaires, déclarer illégal le décret de convocation des électeurs ». « La Constitution, c’est la règle de jeu », conclut-il, « le président, garant des institutions, se doit la respecter ».

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