La notion d’intérêt général doit faire l’objet d’un décret pour préciser l’exception aux règles normales de passation des marchés
Les parlementaires requérants reprochaient à l’article 131 de la loi de prévoir que les acheteurs publics puissent passer un marché sans publicité, ni mise en concurrence, dans des cas où un motif d’intérêt général le justifie. Plus précisément, les députés faisaient valoir que, faute de déterminer les motifs d’intérêt général permettant une telle dérogation aux règles de la commande publique, l’article 131 serait entaché d’incompétence. Telle n’est pas la position du Conseil constitutionnel. Le législateur peut renvoyer au pouvoir réglementaire la détermination des motifs d’intérêt général susceptibles de justifier, compte tenu des circonstances, de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence préalables. En outre, ces dérogations ne sauraient s’appliquer que dans le cas où, en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le recours à ces règles serait manifestement contraire à de tels motifs.
Enfin, les dispositions du texte n’exonèrent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l’article L.3 du Code de la commande publique.
En conséquence, les mots « ou à un motif d’intérêt général » figurant aux articles L. 2122-1 et L. 2322-1 du Code de la commande publique, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
Validation du relèvement du seuil travaux à 100 000 € HT
L’article 142 autorise temporairement les acheteurs à conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables, dès lors que la valeur estimée du besoin auquel répond ce marché est inférieure à un seuil de 100 000 euros hors taxes. Selon les députés requérants, le relèvement du seuil ainsi opéré créerait une rupture d’égalité devant la commande publique.
D’une part, il favoriserait excessivement les grandes entreprises au détriment des petites et moyennes entreprises puisque, en l’absence de publicité ou de mise en concurrence, seules les premières seraient en mesure de conclure directement avec les acheteurs de tels marchés.
D’autre part, faute que l’existence de difficultés d’accès à la commande publique résultant des procédures de publicité et de mise en concurrence ait été démontrée, la mesure contestée serait privée de toute justification. Enfin, cette mesure aggraverait les risques de corruption.
Selon le Conseil constitutionnel, en instaurant ce seuil de dispense, le législateur a entendu faciliter la passation des seuls marchés publics de travaux, en allégeant le formalisme des procédures applicables, afin de contribuer à la reprise de l’activité dans le secteur des chantiers publics, touché par la crise économique consécutive à la crise sanitaire causée par l’épidémie de Covid-19. En fixant au 31 décembre 2022 la fin de cette dispense, le législateur en a limité la durée à la période qu’il a estimée nécessaire à cette reprise d’activité. En conséquence, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la commande publique doit être écarté.
Texte de référence : Décision du Conseil constitutionnel, 3 décembre 2020, décision n° 2020-807