Loi Asap : le droit ne peut pas être une réponse unique aux enjeux de politique publique !

Publié le 12 janvier 2021 à 11h50 - par

TRIBUNE. Promouvant la simplification administrative, la loi n° 2020-1525 d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap) a été promulguée le 7 décembre 2020 et publiée au Journal officiel le 8 décembre 2020.

Loi Asap : le droit ne peut pas être une réponse unique aux enjeux de politique publique !

Ce texte vise à simplifier les démarches des Français au quotidien, contribuer et accélérer le rebond de l’économie notamment en favorisant les implantations et extensions industrielles en France et enfin simplifier la commande publique !

C’est assez logiquement que nous nous arrêterons sur ce dernier point tant nous pensions que les récentes réformes du Code de la commande publique avaient justement répondu à cette attente.

Mais les conséquences de la crise de la Covid-19 ont conduit le gouvernement à engager une réforme concernant les marchés publics et les concessions. Parmi les dispositions relatives au droit de la commande publique de la loi Asap, certaines retiennent l’attention et sont développées ci-après :

Motif d’intérêt général justifiant le recours au marché sans publicité ni mise en concurrence

L’article 131 (Asap) vient modifier l’article L. 2122-1 du Code de la commande publique relatif aux marchés passés sans publicité ni mise en concurrence préalables en ajoutant la possibilité de conclure de tels marchés pour un « motif d’intérêt général ». Un décret en Conseil d’État viendra déterminer les « motifs d’intérêt général » justifiant le recours à un tel marché, recours qui devra s’inscrire dans l’une des 3 hypothèses déjà prévues par l’article L. 2122-1 (infructuosité, urgence particulière en raison de son objet ou de sa valeur).

Accès aux marchés publics des entreprises en redressement judiciaire

Ce même article 131 vient modifier l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique relatif aux exclusions de plein droit au stade de la candidature en précisant que les entreprises en situation de redressement judiciaire et bénéficiant d’un plan de redressement (mentionné au Registre du Commerce et des Sociétés) peuvent candidater à un marché public. Les entreprises en période d’observation (dont la durée est inférieure à la durée du marché) sont toutefois toujours exclues de plein droit.

Résiliation du marché pour cause de redressement judiciaire

L’article 131 vient également modifier l’article L. 2195-4 du Code de la commande publique portant sur les résiliations du marché. L’acheteur ne pourra plus prononcer de résiliation du seul fait que l’entreprise n’ait pas « informé sans délai de son changement de situation ». Il pourra désormais prononcer la résiliation d’un marché public lorsque l’entreprise se retrouve en redressement judiciaire dans la mesure où l’un des deux motifs prévus à l’article L. 622-13.3 du Code du commerce est rempli (absence de réponse de l’administrateur sur la possibilité de poursuivre le contrat ou absence d’accord de l’acheteur pour poursuivre les relations contractuelles).

Accès des PME à tous les marchés globaux

L’article 131 permet, désormais, que la part du marché confié à des PME par le candidat puisse être un critère de sélection des offres pour tous les marchés globaux (conception-réalisation, de performance ou sectoriels). La part de PME dans le contrat global peut également être une condition d’exécution (avec un minimum qui sera fixé par un décret).

Intégration de dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles

L’article 132 introduit un nouveau livre VII relatif aux circonstances exceptionnelles. Il vise probablement la guerre, les pandémies, les catastrophes naturelles reconnues par la loi (ex : état d’urgence ou état d’urgence sanitaire). Un décret pourra ainsi prévoir l’application de tout ou partie des dispositions du livre VII pour adapter les modalités de passation et/ou les conditions d’exécution des marchés publics « pour tout ou partie du territoire » et « pour une période ne pouvant pas excéder 24 mois ».

Modification des marchés dont la publication a été réalisée avant le 1er avril 2016

L’article 133 vient clarifier les conditions de modification des marchés publiés sous le régime du Code des marchés publics en précisant que les modifications de ces marchés se feront dans les conditions prévues par le Code de la commande publique.

Exclusion du champ d’application du Code de la commande publique des marchés de prestations juridiques

L’article 140 vient compléter l’article L. 2512-5 du Code de la commande publique qui exclut du champ d’application du Code de la commande publique certains marchés. Cet article met ainsi fin à une « surtransposition » de la directive 2014/24 par le Code de la commande publique.

Régime juridique unique pour les marchés réservés

L’article 141 vient mettre fin à l’interdiction de réserver un même marché, d’une part, aux entreprises adaptées (EA) et aux établissements et services d’aide par le travail (ESAT) et, d’autre part, aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE).

Relèvement des seuils des marchés de travaux à 100 000 € sans publicité ou mise en concurrence jusqu’au 31 décembre 2022

L’article 142 vient modifier le seuil (interne) de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés publics de travaux. « Jusqu’au 31 décembre 2022 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes ». Cet article vient modifier le seuil fixé par l’article 1er du décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020 qui avait fixé le seuil à 70 000 euros HT jusqu’au 10 juillet 2021.

En conclusion, la recherche permanente de solutions, même en période de crise, par une instabilité juridique et réglementaire, interpelle une nouvelle fois. Elle nous rappelle que le droit n’est qu’un outil au service des professionnels de l’achat. Ces derniers doivent avant tout faire évoluer leurs pratiques, leurs organisations, leurs contrats, mais aussi leurs modèles économiques (passage de l’investissement au financement, voire au paiement à l’usage).

Assurer la sécurité d’approvisionnement et la disponibilité des services publics passent probablement par une évolution vers l’usage et la valeur d’usage permettant ainsi d’externaliser plus encore vers un tiers fournisseur, ou intégrateur, le déploiement de moyens adaptés et ce en permanence et quelle que soit la situation. Une approche « assurantielle » de l’achat public en quelque sorte.

 

Sébastien TAUPIAC, Directeur du développement / Verso Healthcare


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