Les ambiguïtés d’une condamnation au paiement d’intérêts moratoires sont surmontables

Publié le 27 février 2014 à 0h00 - par

Certaines décisions des juridictions peuvent prêter à interprétation.

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Intérêts moratoires, intérêts contractuels, intérêts au taux légal

On le sait, les juridictions, notamment administratives, refusent de statuer au-delà des conclusions dont elles sont saisies : l’ultra petita est prohibée. Ce principe s’applique y compris lorsque les conclusions ne sont pas entièrement satisfaisantes, et que le bon sens pourrait conduire à interpréter raisonnablement la requête dans le sens le plus favorable au demandeur.

Ces considérations peuvent aisément être illustrées en matière de responsabilité contractuelle. Parfois, les requérants, qui demandent la condamnation d’une personne publique à leur payer une somme supplémentaire à celle qui résulterait de la simple application du contrat, se contentent de demander la condamnation de la personne publique au paiement des « intérêts moratoires ». Or, pris littéralement, un intérêt moratoire est une somme destinée à réparer le préjudice causé par le retard dans l’exécution d’une obligation. Une demande de condamnation aux « intérêts moratoires » ne renseigne donc pas le juge sur la nature exacte de la demande.

Les intérêts peuvent être soit des intérêts au taux légal soit des intérêts contractuels. Ces derniers ont cette nature lorsque le contrat prévoit le paiement de tels intérêts, mais en fait il s’agit d’intérêts à caractère réglementaire. Une demande aux intérêts moratoires a de fortes probabilités d’être interprétée comme une demande d’octroi d’intérêts au taux légal.

Un enjeu financier non négligeable

Or le mode de calcul des deux catégories d’intérêts donne des résultats fortement différents :

  • Une condamnation au taux légal implique que le taux appliqué change chaque année. Par exemple, une condamnation en 2013 pour une somme due depuis 2008 donnera lieu à une application des taux de 3,99 % en 2008, 3,79 % en 2009, 0,65 % en 2010, 0,38 % en 2011 et 0,71 % en 2012.
  • Le calcul des intérêts dit « contractuels » sont calculés de manière différente. C’est l’arrêté du 17 décembre 1993 qui a fixé ce taux au taux d’intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts commencent à courir, majoré de deux points. Si l’on reprend l’exemple précédent, le taux applicable sur l’intégralité de la période, soit sur chacune des années, est de 3,99 + 2 %, soit 5,99 %.

D’autres conséquences existent. Ainsi, en cas de demandes d’intérêts au taux légal, le point de départ sera la date de première demande ou, à défaut, la date d’introduction de la requête. En revanche, la date de départ en cas d’intérêt contractuel sera la date à laquelle les sommes auraient dues être mandatées (CE, 11 mars 2009, n° 296067, 299132, Société Dominique Housieaux). Notons qu’une erreur dans les conclusions de première instance est rattrapable en appel, une demande d’intérêt contractuel étant recevable si elle est formulée pour la première fois en appel (CE, 9 mars 1990, n° 74296, Centre hospitalier général « A. Gayraud »).

Laurent Marcovici


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