Restaurer le patrimoine local, c’est aussi un enjeu économique

Publié le 2 juillet 2020 à 5h46 - par

Cinq cent mille emplois, pérennes, non délocalisables, permettant de réanimer économiquement des « territoires » après la pandémie de coronavirus : tel est l’enjeu social lié à la sauvegarde des églises, châteaux, monuments, estiment lesdéfenseurs du patrimoine, au moment où débute l’An trois de la mission Bern.

Restaurer le patrimoine local, c'est aussi un enjeu économique

Le patrimoine, « c’est le pétrole de la France », assure l’animateur missionné par Emmanuel Macron sur les sujets de préservation et de restauration. Stéphane Bern plaide pour un « new deal » afin de faire du patrimoine local « une grande cause nationale ».

Basé sur « un réseau de petites entreprises », le patrimoine est « un puissant outil de relance de notre économie », a estimé aussi mardi 30 juin 2020 Franck Riester, en relevant la phase « très difficile » pour ceux qui le gèrent, entre surcoûts dus à l’arrêt des chantiers et rentrées touristiques en berne pour cause de crise sanitaire.

« Avec le président et le Premier ministre, nous travaillons à des propositions ambitieuses pour le patrimoine. L’État sera au rendez-vous », a promis le ministre de la Culture aux acteurs du secteur, à l’occasion de l’annonce des 18 nouveaux sites sélectionnés pour bénéficier d’aides. Tout en soulignant que « l’État ne pourra rien seul », sans partenariats avec les collectivités locales et les entreprises.

Cette attention pour le patrimoine local résonne avec certaines doléances apparues lors du mouvement des « gilets jaunes », sur l’abandon de certains territoires, et avec des aspirations post-Covid, comme l’attirance de certains citadins pour de plus petites villes.

Si 35 000 emplois directs sont liés à la préservation et la mise en valeur du patrimoine – savoir-faire très divers qui vont du guide-conférencier au tailleur de pierre -, ces activités boostent aussi l’économie locale, le tourisme, autant d’emplois indirects… Soit une évaluation totale à 500 000 emplois, représentant 7 % du produit intérieur brut, selon Stéphane Bern.

Que faire des sites restaurés ?

« Le patrimoine, ce sont des emplois durables, non délocalisables », plaide Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du patrimoine (FdP). « Quand la FdP mobilise un euro pour un chantier, ce sont près de 3,50 euros qui sont réinjectés dans l’économie », calcule-t-il.

Un exemple ? Le château royal très dégradé de Villers-Cotterêts dans l’Aisne, dont Emmanuel Macron veut faire un centre de la francophonie. Derrière le coûteux chantier pourvoyeur d’emplois, il y a l’espoir d’un puissant retour sur investissement : faire d’un territoire excentré et délaissé un lieu attractif pour les touristes et les entreprises.

De nombreuses églises et chapelles sont en péril, car elles dépendent de communes qui n’ont pas les moyens de les préserver. D’où la nécessité d’une aide des pouvoirs publics.

En plus des aides publiques, du mécénat et des investissements privés, une hausse de la taxe de nuitée pour les touristes pourrait apporter un surplus de financement, estiment les acteurs du secteur.

Un rapport sénatorial avait tiré au printemps la sonnette l’alarme sur le sort désastreux de « milliers de propriétaires » qui entretiennent le patrimoine rural, à la peine pour payer les travaux. Or, « nos artisans, autoentrepreneurs, entreprises de taille intermédiaire, ont besoin de remplir le carnet de commandes », avait souligné le sénateur Jean-Marie Bockel (Union Centriste).

Le très actif Stéphane Bern a suggéré récemment que le ministère de la Culture organise un service d’« assistance à la maîtrise d’ouvrage », les petits porteurs de projet faisant face à des « cahiers des charges impossibles » et à des complexités administratives.

Au-delà de leur remise en état, la question de nouveaux usages ou des usages mixtes des monuments restaurés se pose de façon criante, afin qu’ils ne restent pas des coquilles vides risquant de se dégrader à nouveau : cela vaut pour d’anciennes cathédrales, temples et églises comme pour l’ancien tribunal désaffecté de Baugé-en-Anjou, sélectionné parmi les sites emblématiques qui bénéficieront des fonds du Loto du patrimoine 2020.

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