À Rennes, le démarrage poussif du covoiturage courte distance

Publié le 20 décembre 2021 à 8h17 - par

Comme beaucoup de métropoles françaises, Rennes mise sur le covoiturage pour réduire les embouteillages aux heures de pointe. Mais la nouvelle ligne régulière de la capitale bretonne connaît un démarrage poussif, n’attirant qu’une dizaine de passagers par jour en moyenne depuis son lancement.

À Rennes, le démarrage poussif du covoiturage courte distance

« Une voiture de moins, c’est toujours ça de pris ! » En cette soirée de décembre, David Hervé, ingénieur de 46 ans, accueille chaleureusement un passager à bord de sa voiture hybride. Comme 2 000 autres automobilistes, il s’est porté volontaire pour participer à la nouvelle ligne de covoiturage de l’agglomération rennaise, baptisée « Star’t » et inaugurée en février 2021. « J’ai de la place, je fais le trajet tous les jours, ça ne me change pas grand chose de prendre quelqu’un », observe-t-il. « Et si je peux rendre service… » Mais malgré 294 trajets et 2 249 km parcourus sur la ligne, David n’a transporté que… trois passagers depuis début juin 2021. « Je fais quatre trajets quotidiens, mais y’a jamais personne », regrette le conducteur.

Sur cet axe reliant plusieurs communes de la périphérie rennaise, 18 000 voitures circulent chaque jour. Les « covoitureurs citoyens » sont rémunérés un euro pour chaque trajet réalisé, même à vide. Les passagers, eux, n’ont rien à débourser et la mise en relation se fait via une application sur smartphone, une signalisation par panneaux lumineux et des arrêts identifiés. Si aucun conducteur ne passe au bout de 20 minutes, les passagers sont acheminés par une voiture électrique du réseau STAR.

En novembre 2021, la ligne, qui fonctionne de 7h à 20h du lundi au vendredi, a transporté en moyenne 10,5 passagers par jour avec un temps d’attente de 13 mn, selon la société Keolis, qui exploite le réseau STAR. « Au regard du contexte sanitaire, c’est plutôt encourageant », juge Matthieu Theurier, vice-président (EELV) de la métropole aux Mobilités. La métropole, qui enregistre 1,5 million de trajets quotidiens, vise une fréquentation de 50 passagers par jour sur cette ligne à l’issue de l’expérimentation, prévue en mars 2022. Présidée par Nathalie Appéré (PS), la collectivité s’est fixé un objectif global de 20 % de covoiturage dans son plan de déplacement urbain (PDU) 2019-2030. Outre les lignes régulières de covoiturage, elle prévoit plus de 50 millions d’euros d’investissements, pour réaliser des voies dédiées « bus et covoiturage » sur les grandes artères pénétrantes ou des places réservées dans les parkings relais.

Pas d’outil magique

« Quand il y a 100 voitures qui circulent dans la métropole, elles transportent 102 passagers, c’est une aberration », relève M. Theurier. Dans un rapport de novembre 2020, la Chambre régionale des comptes a critiqué l’objectif « assez peu réaliste » de Rennes métropole en matière de covoiturage, en estimant d’ailleurs qu’il ne réduirait « le trafic aux heures de pointe que de 7 %, toujours au-dessus du seuil de saturation ». « On a des objectifs ambitieux, mais pas inatteignables », rétorque M. Theurier, selon lequel « il suffirait que le nombre de passagers passe à 108 ou 109 pour 100 véhicules » pour que les bouchons disparaissent.

Comme la capitale bretonne, beaucoup de grandes métropoles tentent de développer le covoiturage pour résorber les embouteillages. Depuis 2018, la métropole de Lyon a ainsi ouvert des lignes de covoiturage vers le Nord Isère, qui transportent environ 45 passagers par jour. Si le covoiturage est souvent présenté comme une solution d’avenir, « sur la tendance longue, on constate qu’il y en a de moins en moins », remarque Yoann Demoli, maître de conférence à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Des « facteurs structurels lourds » jouent en effet en défaveur de cette option pour les trajets domicile-travail : désynchronisation des emplois du temps au sein des couples, éclatement des lieux de travail et de vie, étalement urbain, etc. « Il y a peu de gens qui ont la même origine et la même destination aux mêmes heures », résume M. Demoli, auteur de « Sociologie de l’automobile » (La Découverte, 2019). Le covoiturage de courte distance représente ainsi seulement 3 % des déplacements domicile-travail, selon le sociologue. « Aucun territoire n’a trouvé l’outil magique sur le covoiturage. Ça fait des décennies qu’on en parle et personne n’a trouvé la solution », admet-il.

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