Le comportement des habitants est inadapté aux écoquartiers

Publié le 8 juin 2015 à 21h48 - par

Dans la fabrication des écoquartiers, les usages sociaux posent des problèmes. Efficacité et culture écologique s’opposent, alors que les concepteurs ont une vision fantasmée des usagers.

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Il y a une marge entre le monde idyllique vanté par les prescripteurs des écoquartiers, qui tablent sur des pratiques environnementales très spécifiques des habitants, et l’usage réel qu’en font ces derniers. « Ce problème s’explique par le décalage entre innovations techniques et usages sociaux », analyse Vincent Renauld dans un essai critique sur la généralisation de l’aménagement durable en France : « Fabrication et usage des écoquartiers ».

À l’examen de trois écoquartiers réalisés à Grenoble, Nantes et Bordeaux, l’auteur constate en effet que certaines innovations peuvent se révéler inadaptées à l’usage quotidien. Les locataires mettent en œuvre des stratégies pour contourner ou détourner les dispositifs techniques écologiques. Malgré les efforts des bailleurs sociaux, ils ne respectent pas les « injonctions comportementales » qui leur sont faites.

Ainsi, les locataires du quartier de Bonne à Grenoble n’utilisent pas les coupeurs de veille de la télévision et du lecteur de DVD, de crainte d’éteindre involontairement leur ordinateur ou internet. Ou bien ils les transforment en interrupteurs : pour une lampe d’appoint, afin de ne pas devoir se baisser pour l’éclairer, ou pour allumer la guirlande de Noël.

Le revêtement de sol écologique en marmoleum des appartements s’entretient avec très peu d’eau et sans détergent. Pourtant, la majorité des foyers le lessivent avec des produits ménagers, ce qui dégrade les sols. Les produits de nettoyage provoquent une réaction chimique qui émet une odeur spécifique, perçue négativement. Pour l’éviter, ils utilisent encore davantage de produit ménager (jusqu’à cinq fois plus), ou placent des diffuseurs électriques de parfum dans leur salon. L’innovation technique devient alors donc contre-productive, à la fois sur les plans économique et écologique.

Quant aux façades végétalisées semblables aux treilles, qui empiètent sur les balcons, elles paraissent trop envahissantes. Abritant insectes et araignées, elles renvoient une image inquiétante aux habitants, qui les taillent, les bombardent d’insecticide et en détournent le système d’arrosage automatique…

Vincent Renauld recevra le Grand prix de l’AARHSE (Association académique pour la recherche historique et sociologique dans le domaine de l’énergie) début juillet à Tours.
 

Martine Courgnaud – Del Ry


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