IVG dans la Constitution : le Parlement à Versailles pour un vote historique

Publié le 4 mars 2024 à 10h10 - par

Le Parlement se réunit lundi 4 mars 2024 en Congrès au Château de Versailles pour faire de la France le premier pays au monde à inscrire explicitement dans sa Constitution l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et protéger le droit à l’avortement, en recul dans nombre de pays.

IVG dans la Constitution : le Parlement à Versailles pour un vote historique
© Par Jérémie Lorand - stock.adobe.com

Logée dans l’aile du Midi de la résidence des rois de France, la prestigieuse salle du Congrès s’apprête à accueillir un moment d’histoire : les 925 parlementaires du pays, sénateurs et députés, sont appelés à graver l’avortement dans le marbre du texte fondamental.

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Introduite à l’article 34, la phrase fera de la France une pionnière, à rebours de plusieurs pays où le droit à l’avortement recule, aux États-Unis ou en Europe de l’Est.

« Quand les droits des femmes sont attaqués dans le monde, la France se lève et se place à l’avant-garde du progrès », a lancé sur X le Premier ministre Gabriel Attal, qui prendra la parole après l’ouverture du Congrès à 15h30, pour concrétiser cette promesse d’Emmanuel Macron.

À quatre jours du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, et au cinquantième anniversaire du vote de la loi Veil ayant légalisé l’avortement en France en 1974, la réunion du Congrès viendra parachever une longue bataille politique initiée par la gauche, portée par les associations féministes et finalement embrassée par le gouvernement après plusieurs initiatives parlementaires.

Confortable majorité

Une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés est requise pour approuver cette révision constitutionnelle, la première depuis 2008. Elle devrait être atteinte sans difficulté, après les votes massifs de l’Assemblée (493 députés contre 30) et du Sénat (267 voix contre 50) en faveur de cette inscription.

Soutenue par plus de 80 % de la population française selon divers sondages, la constitutionnalisation de l’IVG s’est progressivement imposée dans le paysage politique. Même la droite et l’extrême droite, historiquement opposées ou politiquement sceptiques, ont fini par voter majoritairement pour la réforme, malgré certaines réticences.

Le vote du Sénat, longtemps considéré comme le principal verrou à ce projet, a notamment été frappant, avec un écart de voix inattendu dans un hémicycle encore très circonspect il y a un an.

Opposés à la réforme, les trois hommes forts de la Haute assemblée – le président Gérard Larcher (Les Républicains) et les chefs de file LR et centriste Bruno Retailleau et Hervé Marseille – ont ainsi été désavoués dans leurs rangs.

« Nous avons montré que nous étions plus forts qu’eux », a savouré l’écologiste Mélanie Vogel, en première ligne sur cette réforme au Sénat. « On arrive à avoir ce moment historique et moi, je suis très honorée d’être la première à l’avoir fait voter à l’Assemblée », s’est félicitée la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot.

« Une inspiration »

Le texte de cette dernière, adopté au Palais Bourbon en 2022, évoquait le « droit » à l’avortement.

Après de longs débats juridiques, la rédaction a finalement évolué vers une version de compromis au profit d’une « liberté garantie », défendue corps et âme par le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti auprès des parlementaires les moins convaincus. « Il faut graver les choses dans notre Constitution pour mieux protéger les femmes, pour s’assurer que personne ne touchera à l’avortement », a martelé dimanche 3 mars 2024 le garde des Sceaux sur Radio J.

Les voix dissonantes se sont faites discrètes ces derniers jours : la Conférence des évêques de France a fait part de sa « tristesse », tandis que la tête de liste du parti Reconquête ! aux élections européennes, Marion Maréchal, a raillé un « gadget juridique ».

Jusqu’au résultat du vote, attendu autour de 18h30, les associations de défense des droits des femmes auront les yeux rivés sur Versailles, où les orateurs des différents groupes politiques rappelleront successivement leur position.

Alors que les opposants à l’IVG ont annoncé une mobilisation à Versailles dans l’après-midi, les partisans de la réforme se sont donné rendez-vous au Trocadéro à Paris où une retransmission du vote sur écran géant est organisée à l’initiative de la mairie et de la Fondation des femmes.

« C’est un événement mondial, une inspiration pour les femmes du monde entier. Cela a dépassé nos rêves ! » a réagi à l’AFP Claudine Monteil, pionnière féministe qui fut la plus jeune signataire en 1971 du « Manifeste des 343 », un appel historique à la légalisation de l’avortement en France.

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