À Marseille, les écoles délabrées, « passoires thermiques » en surchauffe

Publié le 17 juin 2022 à 10h16 - par

Plus de trente degrés au thermomètre dans les salles de classe, pas un mètre d’ombre sur le bitume des cours de récréation : la vague de chaleur précoce est particulièrement difficile à supporter dans ces nombreuses écoles marseillaises vétustes.

À Marseille, les écoles délabrées, "passoires thermiques" en surchauffe

Dès lundi 13 juin 2022, une institutrice de maternelle du 4e arrondissement a relevé 30°C en classe. Jeudi 16 juin, le thermomètre était monté à 34°C. Dans sa classe comme dans le dortoir des tout-petits, exposés plein sud, seuls des rideaux protègent du soleil.

La classe, dans une école à la structure métallique, connaît des « problèmes d’isolation autour des fenêtres et sur les murs », selon le rapport du dernier conseil d’école. « En hiver, il y fait tellement froid qu’on a apporté nous-même un chauffage d’appoint », rappelle l’enseignante.

Un tiers des écoles marseillaises, selon le site internet de la mairie, sont de « véritables passoires thermiques ». La municipalité de gauche, élue en juillet 2020, a hérité de plus de vingt ans d’incurie de la majorité précédente de droite, qui avait délaissé les écoles publiques.

Dans cette école du quartier populaire des Chutes-Lavie, on garde un souvenir amère de l’ancienne municipalité, qui avait « par erreur » fait scier le seul arbre de la cour. Résultat : « On n’a plus du tout d’ombre. À part asperger les enfants d’eau quand il fait très chaud, on n’a pas de solution », témoigne la directrice, qui a préféré rester anonyme, étant soumise au devoir de réserve.

En attendant, elle souhaiterait au moins l’installation de toiles d’ombrage, une demande restée sans réponse depuis des mois.

Dans une autre école, celle des enfants de Cécile Baron, membre du collectif des écoles marseillaises, ce sont les parents d’élèves qui « ont fini par les acheter eux-mêmes, les toiles », explique-t-elle : « Les enfants se sentaient tellement mal dans la cour qu’il y avait des vomissements ».

« Impossible de continuer à apprendre »

Une autre représentante de parents d’élèves, Séverine Gil, décrit « des gamins qui en tombant sur le goudron très chaud se sont gravement brûlés ». Elle s’inquiète surtout pour les plus petits, « qui ne savent pas gérer la chaleur, boire régulièrement par exemple ».

Il devient « impossible de continuer à apprendre dans certaines classes », dénonce-t-elle, constatant une déscolarisation « de plus en plus tôt dans l’année ».

« Le plan de rénovation des écoles est très bien, avec des projets de désimperméabilisation des sols par exemple, mais ça concerne trop peu d’établissements et dans trop longtemps », regrette Mme Gil, demandant « des solutions d’urgence ».

Le maire de Marseille Benoît Payan (gauche) a initié un projet d’ampleur de rénovation des écoles, « historique » selon ses termes, auquel l’État a abondé à hauteur de 400 millions d’euros.

Selon la chercheuse en urbanisme durable Marie-Laure Lambert, ce plan « a un objectif très vertueux, puisqu’il intègre la question de la végétalisation des écoles » : « Quand on y pense, c’est n’importe quoi de mettre des enfants sur du bitume, il faut remettre les enfants en contact avec la nature ».

Cette réintroduction de la verdure en ville pourrait aussi bénéficier aux quartiers, remarque-t-elle, puisque dans son plan de rénovation la mairie prévoit d’ouvrir l’école aux associations, en-dehors des heures de cours, « afin de mutualiser le bâti et d’éviter de construire encore ».

Problème, selon les syndicats et les parents d’élèves : en marge de ces travaux d’ampleur, il faudrait aujourd’hui « agir en urgence » dans les écoles non concernées par le plan, ou pas à court terme.

Joint par l’AFP jeudi 16 juin, l’adjoint au maire en charge des écoles, Pierre-Marie Ganozzi, lui-même enseignant, a assuré « équiper en ventilateurs et en tuyaux d’arrosage » les crèches et écoles les plus en difficulté : « Notre priorité des priorités, ce sont les classes en algecos non climatisées, dans lesquelles la température est démente ».

À la rentrée, a-t-il annoncé, « nous ferons voter en conseil municipal l’installation de préaux, pas contre la pluie mais contre le soleil, avec des systèmes de bâches rétractables, pour les écoles qui n’ont pas d’arbres ».

Ces vagues de chaleur de plus en plus fréquentes devraient aussi pousser « à réfléchir au calendrier scolaire », selon la directrice de l’école des Chutes-Lavie.

Jeudi soir, devant l’école HLM Perrin du nord de la ville, des mères d’élèves avaient organisé une manifestation. Et vendredi leurs enfants n’iront pas en classe. « On doit leur donner un doliprane le soir tellement ils ont mal à la tête », dénonçait Anissa Yettou, en récupérant ses enfants qui se ruent sur la bouteille d’eau qu’elle leur tend.

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