Fonction RH : le ministère de l’Éducation nationale peut mieux faire

Publié le 25 novembre 2024 à 11h55 - par

Dans un récent rapport, la Cour des comptes suggère notamment de renforcer le rôle des chefs d’établissement dans la fonction ressources humaines.

Fonction RH : le ministère de l'Éducation nationale peut mieux faire
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Premier employeur de l’État, l’Éducation nationale connaît, depuis plusieurs années, une sévère crise des vocations enseignantes, à l’origine de difficultés de recrutement, de remplacement et de fidélisation. L’éducation représente aussi le premier budget de l’État, composé à 93 % de rémunérations. Dans ce contexte, la fonction ressources humaines (RH) du ministère de l’Éducation nationale s’avère « cruciale » aux yeux de la Cour des comptes. « Si la fonction RH joue un rôle de premier plan dans l’atteinte des objectifs du système éducatif, ses résultats apparaissent toutefois mitigés », estime la Cour dans un rapport rendu public le 25 octobre 2024.

Une approche de masse jugée relativement performante

Les impératifs de la fonction RH sont de garantir le versement mensuel des payes de près de 1,2 million d’agents et d’honorer les grands rendez-vous annuels, en particulier l’organisation des nombreux concours de l’enseignement et de la rentrée scolaire, avec la présence d’un enseignant devant chaque classe. Pour cela, « plus que d’autres ministères », le ministère de l’Éducation nationale peut s’appuyer sur une gestion des ressources humaines (GRH) déconcentrée et sur l’automatisation d’une partie de ses processus, « grâce à des systèmes d’information robustes, quoique vieillissants et pas encore adaptés à la prise en charge de catégories de personnel dont la part est croissante », comme les contractuels et les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Cependant, d’importantes disparités territoriales pèsent sur la gestion, touchant aussi bien la population d’âge scolaire que la gestion des enseignants, notamment à Paris, ajoute la Cour des comptes.

Des objectifs qualitatifs à mieux prendre en compte

Essentiellement quantitatifs, les objectifs du ministère « ne répondent pas entièrement à la demande exprimée par les agents d’une gestion RH plus qualitative, d’une plus grande reconnaissance professionnelle et d’une meilleure prise en compte des situations individuelles », peut-on lire dans le rapport. En outre, la fonction RH n’intègre pas suffisamment dans ses objectifs la prévention et le traitement des risques psychosociaux, en augmentation au sein du ministère, soumis à un train de réformes rapide, poursuit la Cour des comptes. Enfin, la rigidité des procédures d’affectation et de mutation des enseignants titulaires de l’enseignement public, à partir d’un barème de points, « cristallise les craintes de potentiels candidats aux concours et les frustrations d’enseignants titulaires désireux d’effectuer une mobilité géographique. » En France métropolitaine, les régions de l’Ouest et du Sud sont les plus demandées par les enseignants, alors que c’est la région Île-de-France qui accueille le plus d’élèves, rappelle la Cour. Selon elle, « l’ensemble de ces éléments contribue à un recul de l’attractivité du métier d’enseignant, variable cependant selon les territoires et les disciplines, et observable dans d’autres pays d’Europe. » Aussi, face au manque de personnel titulaire, enseignant comme non-enseignant, le recours aux contractuels progresse. Le rôle des services RH académiques, initialement tournés vers l’organisation de concours et la gestion de carrière des titulaires, doit donc évoluer pour assurer également une fonction de recrutement et d’accompagnement des contractuels, préconisent les auteurs du rapport.

Réussir la transition vers une fonction RH plus qualitative

Le « Grenelle de l’éducation » organisé en 2020-2021 a apporté un début de réponse aux attentes des agents. La Cour des comptes retient notamment la mesure de revalorisation des salaires des enseignants en début de carrière et le lancement de deux initiatives, « dont le portage apparaît cependant faible. » À savoir : la GRH de proximité, dans le but de proposer aux enseignants une écoute de premier niveau et d’aborder leurs questionnements sur leur situation ou leur avenir professionnel, et l’observatoire des rémunérations et du bien-être (ORBE) du personnel.

Depuis, le ministère de l’Éducation nationale s’est doté, en 2024, d’une stratégie « RH 2026 ». Avec trois objectifs : renforcer l’attractivité des métiers, fidéliser les agents et améliorer la qualité du service rendu aux personnels. Pour les atteindre et donner un socle solide à cette stratégie, « le ministère devra développer une gestion prévisionnelle RH à même de préparer l’évolution des métiers, la transition vers une GRH de flux tenant compte de la progression, faible mais continue, des départs mais aussi des arrivées d’enseignants en cours de carrière et anticiper les implications de la baisse de la démographie des élèves (- 346 000 élèves entre 2023 et 2028) », estiment les auteurs du rapport. Le projet « RH 2026 » devra pouvoir s’appuyer sur une gouvernance et un pilotage de la fonction RH renouvelés, « car ils apparaissent aujourd’hui éclatés, avec un manque d’instances de coordination. » Enfin, la tension entre un système d’affectation et de mobilité rigide, mais égalitaire, et l’aspiration des agents à choisir leur lieu de vie n’est pas traitée. « Des mesures correctrices devront être envisagées pour renforcer l’attractivité de certaines zones géographiques à forts besoins », préconise la Cour.

Les recommandations de la Cour des comptes

En conclusion, la Cour des comptes formule sept recommandations. Au programme :

  • actualiser et étoffer le cadre de gestion des enseignants contractuels dans la perspective des nouvelles lignes directrices de gestion stratégiques ;
  • pour les enseignants affectés à d’autres missions que l’enseignement et les enseignants remplaçants, intégrer sans délai dans le suivi statistique leur taux effectif d’activité comme la nature exacte des fonctions qui leur sont dévolues ;
  • pour améliorer la connaissance et le suivi des personnels administratifs, étendre aux académies l’enquête actuellement menée au niveau central et transmettre ses résultats pour analyse à l’Observatoire des rémunérations et du bien-être des personnels ;
  • recentrer les missions des conseillers RH de proximité sur le conseil en évolution professionnelle ;
  • renforcer la place et le rôle des chefs d’établissement dans la fonction RH ;
  • pour l’amélioration du dialogue social et l’appropriation des réformes RH, définir et déployer une stratégie de communication adaptée ;
  • instaurer un comité de pilotage de la gestion des ressources humaines sous l’égide du secrétaire général du ministère.