Élus locaux : David Lisnard (AMF) s’alarme des démissions de maires à un “niveau jamais vu”

Publié le 4 avril 2023 à 7h40 - par

Le président de l’association des Maires de France (AMF), le LR David Lisnard, s’alarme que les « démissions d’élus locaux atteignent un niveau jamais vu », sur fond de « crise civique », de « découragement » voire de « tentatives d’intimidation » des édiles.

Élus locaux : David Lisnard (AMF) s'alarme des démissions de maires à un “niveau jamais vu”
© Par PackShot - stock.adobe.com

« On peut déjà affirmer que sur 1/5e des associations départementales de l’AMF, ces démissions ont concerné 238 maires, 773 adjoints et 2 976 élus municipaux, soit près de 4 000 élus démissionnaires depuis le début du mandat en 2020 », alerte le maire de Cannes dans un entretien au Figaro lundi 3 avril 2023.

« On peut donc dire que sur l’ensemble du territoire français, le seuil des 1 000 maires démissionnaires est dépassé. Cette tendance est encore plus rapide que lors du précédent mandat, durant lequel les départs avaient déjà doublé », déplore David Lisnard.

« Ces chiffres confirment une cote d’alerte, car les démissions d’élus locaux atteignent un niveau jamais vu », met-il en garde.

Le directeur du Cevipof Martial Foucault, auteur de l’essai « Maires au bord de la crise de nerfs » paru en 2020, souligne à l’AFP qu’il est difficile d’avoir des chiffres précis sur le phénomène, alors même que chaque démission de maire doit pourtant faire l’objet d’un courrier au préfet. « Dans un pays qui peut s’enorgueillir d’avoir près d’un million de citoyens candidats à des élections municipales, un ratio unique au monde rapporté à la population, on pourrait penser que c’est le signe d’une grande vitalité démocratique, mais cela ne doit pas masquer un malaise dans le fonctionnement de cette démocratie locale », assure M. Foucault.

Avec un taux de renouvellement d’environ 50 % d’une élection à l’autre et de nouveaux maires qui étaient souvent déjà conseillers municipaux, les élus « ne découvrent pas l’environnement de travail », rappelle le chercheur, qui mène chaque année depuis 2018 une enquête auprès des maires de France. Ils découvrent en revanche la fonction, très chronophage, et pour beaucoup, les premières causes de démission sont « la grande difficulté à concilier leur fonction avec leur vie professionnelle », note-t-il, un maire sur deux étant en activité, et leur vie personnelle.

Plutôt qu’une vague nationale, ces démissions varient d’un département à l’autre et sont particulièrement fortes dans certains d’entre eux comme l’Allier, le Morbihan ou la Loire-Atlantique.

« Ce phénomène est révélateur de la crise civique qui s’exprime dans tous les domaines, dans un pays marqué par les hausses de l’abstention, des agressions, etc. Peut-être sommes-nous également face à une crise de l’engagement, que l’on perçoit déjà dans le monde associatif avec la baisse du bénévolat », estime le président de l’AMF.

Selon le maire LR de Cannes, « l’exercice municipal est un casse-tête bureaucratique », qui « lasse et empire » et « la multiplication des contraintes reste la première cause de découragement ».

« Beaucoup d’élus, notamment de communes de moins de 1 500 habitants, se retrouvent seuls face à un océan de considérations technico-juridiques. Certains baissent les bras parce qu’ils estiment qu’ils ne se sont pas engagés pour devenir des techniciens », analyse le politologue Martial Foucault.

« Les élus sont pris en tenailles entre l’État et les préfectures, qui leur imposent un chemin à suivre, et des citoyens de plus en plus exigeants, tandis que les intercommunalités, qui sont des structures très faiblement démocratiques, ont acquis de plus en plus de compétences, dépossédant les maires qui se demandent de quels pouvoirs ils disposent encore », analyse le chercheur.

Sur le plan financier, les élus locaux doivent par ailleurs désormais l’essentiel de leurs ressources aux transferts de l’État et non plus à leur capacité de lever l’impôt, ce qui génère là encore des interrogations sur leur véritable degré de liberté.

À cela s’ajoute l’augmentation des outrages et des menaces, notamment via les réseaux sociaux, mais aussi des violences physiques envers les élus, en hausse de 15 % en 2022 selon l’AMF.

« C’est une remise en cause de l’autorité municipale même si on est plus dans le registre des agressions symboliques », souligne M. Foucault. « Il y a une pression des citoyens mais elle ne suffit pas à expliquer les démissions ».

Enfin, les divergences de vue au sein des conseils municipaux génèrent des crispations qui peuvent pousser à la démission des élus qui autrefois auraient passé l’éponge.

« On peut craindre un découragement des vocations, comme cela est de plus en plus le cas. (…). La passion est encore très présente dans de nombreuses mairies, mais attention ! », insiste le président de l’AMF.


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Services à la population »

Voir toutes les ressources numériques Services à la population