Les maires, cibles privilégiées des jeunes émeutiers

Publié le 3 juillet 2023 à 8h40 - par

L’attaque à la voiture-bélier du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses dimanche 2 juillet 2023 a ravivé les inquiétudes des élus locaux, cibles privilégiées des émeutiers après la mort de Nahel, tué mardi 27 juin 2023 à 17 ans par un policier.

Les maires, cibles privilégiées des jeunes émeutiers
© Par Franz Massard - stock.adobe.com

À L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), au sud de Paris, un véhicule enflammé a délibérément visé le pavillon du maire Vincent Jeanbrun (LR) dans la nuit de samedi à dimanche 2 juillet, détruisant le portail et un véhicule de la famille.

Son épouse, également élue municipale, s’est cassé le tibia en tentant de fuir avec ses deux enfants de 5 et 7 ans.

« Un cap a été franchi dans l’horreur et l’ignominie », a estimé l’élu. Deux jours auparavant, il tentait de protéger l’Hôtel de ville « dévasté » par les émeutiers, en le protégeant de barricades et de barbelés.

Une enquête pour tentative d’assassinat a été ouverte.

« Nous ne laisserons rien passer. Nous serons aux côtés des maires », a réagi la cheffe du Gouvernement Élisabeth Borne, qui s’est rendue sur place.

Le président de l’Association des Maires des France David Lisnard (LR) a égrené pour l’AFP la longue liste des agressions d’élus commises depuis le début des violences.

« Tuez le maire », s’est entendu dire Bernard Jamet, premier magistrat de Sannois, une commune de 26 000 habitants du Val-d’Oise, pris à partie jeudi soir en tentant d’empêcher un groupe de s’attaquer à la mairie.

À Pontoise, la maire Stéphanie Von Euw (Libres !) a vu une fusée d’artifice s’écraser devant sa voiture. « J’ai entendu c’est la maire, on va se la faire », a témoigné sur Europe 1 l’élue, brûlée à la cheville.

Maison « saccagée »

À Maromme (Seine-Maritime), le maire David Lamiray (DVG) a été « agressé et a dû se réfugier dans sa mairie », tandis qu’à Charleville-Mézières (Ardennes) son homologue Boris Ravignon (LR) a été visé par des bouteilles alors qu’il éteignait un feu de poubelles.

Le maire de Cholet Gilles Bourdouleix (DVD) a vu son ancienne maison « saccagée » et à Saint-Pierre des Corps, en banlieue de Tours, le véhicule d’Emmanuel François (DVD) est parti en fumée sous ses yeux.

Selon David Lisnard, « 150 mairies ou bâtiments municipaux ont été attaqués depuis mardi 27 juin, une première dans l’histoire du pays ». Ce fut le cas à Garges-lès-Gonesse et Persan (Val-d’Oise), L’Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) ou Coulaines (Sarthe).

À Mons-en-Baroeul (Nord), des agents présents à l’intérieur du bâtiment ont échappé aux flammes.

Interrogé par l’AFP, le cabinet de la ministre des Collectivités Dominique Faure a annoncé que le renforcement des sanctions pénales en cas d’attaques contre les élus, qui seront considérées comme aussi graves que celles visant des personnes en uniforme, « sera examiné au Parlement dans les plus brefs délais ».

D’autres mesures pour protéger les élus seront aussi présentées « dans les prochains jours ».

L’AMF a appelé de son côté à une « mobilisation civique » et un « sursaut citoyen » en invitant lundi 3 juillet à 12h00 élus et citoyens à se rassembler sur le parvis de toutes les mairies de France.

« Politisation »

« Nous voulons créer un électrochoc », a déclaré David Lisnard.

Depuis la démission début mai du maire de Saint-Brévin Yannick Morez (DVD), dont le domicile a visé par un incendie, le sentiment qu’un cap a été franchi prédomine dans la classe politique.

« Les élus sont en première ligne dans cette affaire, comme toujours, mais pas au prix de leur vie », a déclaré dimanche le sénateur centriste Hervé Marseille sur Radio J.

« Un peu comme les gilets jaunes , à un moment donné ce qui a motivé la crise semble déborder vers quelque chose de plus vaste et de plus inquiétant qui concerne le fonctionnement de la démocratie, le rapport aux institutions, à la citoyenneté et à l’ordre public », analyse le politologue Bruno Cautrès.

« Les cibles des émeutes ne sont pas choisies au hasard, on a une surreprésentation des cibles institutionnelles qui témoignent de la dimension politique de cette révolte », estime Julien Talpin, chercheur au CNRS.

Selon ce spécialiste des quartiers populaires, ces actes peuvent s’expliquer pour des « raisons interpersonnelles », mais il y surtout « une politisation du sentiment d’injustice car les habitants des quartiers populaires renvoient aux élus les difficultés de leur quotidien, leurs expériences de discrimination et de marginalisation sociale ».

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