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Épidémie de Covid-19 : que dit l’ordonnance visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales ?

Publié le 3 avril 2020 à 9h24 - par

Prise en application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 s’applique à l’ensemble des collectivités territoriales et à leurs groupements.

Épidémie de Covid-19 : que dit l'ordonnance visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales ?

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Élections municipales 2020
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En période de crise, cette ordonnance poursuit trois objectifs principaux : consolider les pouvoirs des exécutifs locaux pour faciliter la continuité de l’action publique sans être obligé de réunir physiquement les assemblées délibérantes ; renforcer l’information des assemblées délibérantes en contrepartie de la consolidation du pouvoir des exécutifs locaux et autoriser la tenue des assemblées délibérantes par visioconférence ou audioconférence afin d’éviter toute réunion physique.

L’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 a pour objectif d’assurer assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de Covid-191. Elle complète les mesures essentielles pour les élus locaux prévues dans la loi d’urgence, notamment sur la gouvernance des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en raison du report du second tour des élections municipales. Cette ordonnance renforce le pouvoir confié aux maires et aux présidents d’EPCI (1) tout en renforçant l’information des organes délibérants pour éviter les dérives (2). Enfin, elle autorise la tenue des conseils municipaux et communautaires par visioconférence ou audioconférence (3).

1. Les pouvoirs exceptionnellement renforcés du maire et du président d’EPCI

Premièrement, l’article 1er de l’ordonnance confie au maire et au président d’EPCI à fiscalité propre l’intégralité des pouvoirs qui, auparavant, pouvaient lui être respectivement délégués par le conseil municipal et le conseil communautaire. L’objectif est de faciliter la prise de décision pendant cette période de confinement. Le maire et le président d’EPCI pourront décider eux-mêmes de déléguer tout ou partie de leurs attributions à un autre élu de l’exécutif ou aux directeurs généraux dans les conditions de droit commun.

Deuxièmement, en complément des mesures budgétaires prévues dans l’ordonnance du 25 mars 20202, l’article 1er de l’ordonnance autorise également le maire et le président d’EPCI à souscrire les lignes de trésorerie nécessaires, dans des limites fixées soit antérieurement par l’assemblée délibérante elle-même, soit par le montant total du besoin budgétaire d’emprunt, soit par 15 % des dépenses réelles figurant au budget.

Troisièmement, dans le but d’éviter des réunions physiques entre élus, l’article 9 de l’ordonnance3 accorde un temps supplémentaire de trois mois aux EPCI à fiscalité propre afin qu’ils délibèrent sur la question d’une délégation de compétence au profit des syndicats de communes et aux syndicats mixtes compétents en matière d’eau, d’assainissement, de gestion des eaux pluviales urbaines, ainsi que sur la possibilité de transfert de la compétence d’organisation de la mobilité.

2. L’information renforcée des conseillers municipaux et communautaires

Premièrement, l’article 1er de l’ordonnance prévoit que les actuels conseillers municipaux et communautaires, dont le mandat a été prorogé, et les futurs conseillers municipaux et communautaires, non encore installés, seront obligatoirement destinataires de l’ensemble des décisions prises par le maire et le président d’EPCI. De plus, les conseils municipaux et communautaires pourront décider de mettre un terme ou de modifier l’extension de délégation au maire et au président d’EPCI. Ils devront être saisis de ce sujet lors de la première réunion des conseils municipaux et communautaires.

Deuxièmement, l’article 3 de l’ordonnance dispose qu’un cinquième des membres des conseils municipaux et communautaire aura la possibilité, sur un ordre du jour déterminé, de demander la réunion de l’assemblée dans un délai de six jours. Cette réunion pourra se tenir de manière dématérialisée.

Troisièmement, les articles 1 et 7 de l’ordonnance indiquent que les actes pris dans le cadre de cette délégation continueront d’être soumis au contrôle de légalité par transmission électronique des documents.

Enfin, pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, l’article 4 prévoit que l’obligation de consultation des différents organes consultatifs dans toutes leurs déclinaisons territoriales possibles est suspendue. Néanmoins, ils doivent être nécessairement informés.

3. La tenue des conseils municipaux et communautaires autorisée par visioconférence ou audioconférence

Premièrement, l’article 4 suspend par ailleurs l’obligation pour les organes délibérants des collectivités territoriales de se réunir au moins une fois par trimestre pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire.

Deuxièmement, conformément à l’article 10 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, l’article 4 prévoit que les conseils municipaux et communautaires ne pourront délibérer valablement que lorsque le tiers de leurs membres en exercice sera présent.

Troisièmement, l’article 6 de l’ordonnance autorise la tenue des conseils municipaux par visioconférence, audioconférence, voire par tchat. Néanmoins, il est nécessaire que tous les participants aient bien pris connaissance des modalités techniques permettant de se connecter à cette téléconférence. Ainsi, les séances des conseils municipaux et communautaires pourront être réalisées de façon dématérialisée. En fonction des possibilités, l’ensemble des votes devront avoir lieu au scrutin public, soit par appel nominal, soit par scrutin électronique.

Cette ordonnance apporte des précisions nécessaires à la vie démocratique dans les communes et les intercommunalités. Bien que les pouvoirs du maire et du président de l’EPCI soient exceptionnellement renforcés pour favoriser la continuité du fonctionnement du service public, la collégialité de la prise de décision importante est au moins, en façade, préservée.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de Covid-19, JORF n° 0080 du 2 avril 2020, Texte n° 38, NOR : COTB2008607P.

2. Ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, JORF n° 0074 du 26 mars 2020, texte n° 75, NOR : COTX2008169R.

3. Art. 9 de l’ordonnance : « I. – Aux premier et deuxième alinéas du IV de l’article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, le mot : « six » est remplacé par le mot : « neuf ». II. – Par dérogation aux treizième alinéa du I de l’article L. 5214-16 et dix-septième alinéa du I de l’article L. 5216-5 du Code général des collectivités territoriales dans leur rédaction issue du III de l’article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, lorsqu’une commune d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération a demandé avant le 31 mars 2020 à bénéficier d’une délégation en application des neuvième alinéa du I de l’article L. 5214-16 et treizième alinéa du I de l’article L. 5216-5, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre concerné dispose, dans la mesure où il ne serait pas encore prononcé à la date de la promulgation de la présente loi, d’un délai de six mois pour statuer sur cette demande. III. – Au III de l’article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, les mots : « 31 décembre 2020 » sont remplacés par les mots : “31 mars 2021” ».

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