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Le repositionnement du maire dans le transfert de ses pouvoirs de police spéciale aux présidents d’EPCI

Publié le 24 juillet 2020 à 7h37 - par

L’article 11 de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 s’inscrit dans la continuité de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 dite « engagement et proximité ». Cette dernière a pour objectif de retisser le lien entre l’État et les élus locaux, particulièrement les maires qui se sont estimés malmenés depuis l’adoption de la loi NOTRe. L’article 11 précité contribue à repositionner les maires dans l’intercommunalité en supprimant l’automaticité des transferts des pouvoirs de police spéciale aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au moment de leur élection.

Le repositionnement du maire dans le transfert de ses pouvoirs de police spéciale aux présidents d’EPCI

L’article 11 de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 a modifié les dispositions de l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Cet article prévoyait initialement que dès lors qu’un EPCI possédait la compétence en matière d’assainissement, de collecte des déchets ménagers, d’aires d’accueils des gens du voyage, de voirie ou encore d’habitat, les pouvoirs de police spéciale des maires dans ces domaines, étaient automatiquement transférés au président d’EPCI lors de son élection. Néanmoins les maires pouvaient s’opposer à ce transfert dans les six mois qui suivaient l’élection du président de l’EPCI. La notification de ce refus supprimait, automatiquement, le transfert des pouvoirs de police spéciale. Dans cette situation le président de l’EPCI pouvait aussi lui-même renoncer au transfert des pouvoirs de police spéciale pour l’ensemble des communes membres de l’intercommunalité, même dans celles où les maires ne s’étaient pas opposés au transfert. Les nouvelles dispositions mettent fin au transfert automatique des pouvoirs de police spéciale aux présidents des EPCI au jour de leur élection (1). De plus, elles créent un nouveau droit d’opposition des maires aux transferts des pouvoirs de police spéciale (2). Le texte précise la date du transfert effectif des pouvoirs de police au président de l’EPCI (3).

1. La suppression de l’automaticité du transfert de pouvoir de police spéciale au jour de l’élection du président de l’EPCI

Le transfert des pouvoirs de police spéciale du maire dans les domaines de l’assainissement, de la réglementation de la gestion des déchets ménagers, du stationnement des résidences mobiles des gens du voyage, de la circulation et du stationnement, de l’autorisation de stationnement des taxis et de l’habitat insalubre n’est plus automatique au jour de l’élection du président de l’EPCI, lorsque celui-ci possède la compétence correspondante.

2. Un nouveau droit d’opposition pour les maires

L’article 11 de la loi du 22 juin 2020 prévoit deux hypothèses dans lesquelles le maire peut s’opposer au transfert des pouvoirs de police spéciale aux présidents d’EPCI.

Première hypothèse, si le prédécesseur du  président de l’EPCI nouvellement élu exerçait l’un des pouvoirs de police dans les domaines de l’assainissement, de la réglementation de la gestion des déchets ménagers, du  stationnement des résidences mobiles des gens du voyage, de la circulation et du stationnement, de l’autorisation de stationnement des taxis et de l’habitat insalubre, le maire dispose désormais d’un délai de six mois suivant l’élection de ce président d’EPCI pour s’opposer à la reconduction de ce transfert. La notification de l’opposition du maire au président de l’EPCI met alors fin au transfert sur le seul territoire de la commune concernée.

Deuxième hypothèse, si le prédécesseur du président de l’EPCI nouvellement élu n’exerçait pas l’un des pouvoirs de police dans les domaines précités ci-dessus, le maire dispose d’un délai de six mois suivant l’élection de ce président d’EPCI pour s’opposer au transfert de ses pouvoirs de police. Dans ce cas, le transfert n’aura pas lieu.

3. La date du transfert effectif des pouvoirs de police au président de l’EPCI

Le texte prévoit également plusieurs hypothèses.

Premièrement, s’il y a un consensus et qu’aucun maire des communes membres ne s’est opposé au transfert, celui-ci intervient six mois après l’élection du président de l’EPCI.

Deuxièmement, si au moins un maire s’est opposé au transfert, celui-ci ne sera effectif que sept mois après l’élection du président de l’EPCI, sur le territoire des communes ne s’y étant pas opposé.

Troisièmement, le président de l’EPCI peut lui aussi renoncer, dans un délai de sept mois à compter de son élection, à l’exercice des pouvoirs de police transférés.

Enfin, le texte prévoit que l’ensemble des dispositions précitées sont applicables, de manière rétroactive, à tous les présidents d’EPCI élus depuis le 25 mai 2020.

Le repositionnement des maires dans l’intercommunalité pose la question de l’intérêt communautaire. Si les décisions relatives aux transferts de pouvoirs de police spéciale prises par les maires ne font pas l’objet de mesure de publicité, le danger sera grand de créer des risques de contentieux et une dilution des responsabilités des différents acteurs locaux. Les préfets auront à contrôler les décisions prises par les maires. Or, l’intérêt communautaire ne se définit pas uniquement par la question des transferts de compétence. La reconnaissance d’un intérêt communautaire nécessite qu’il existe un intérêt général propre à chaque territoire constitué. Pour cela, il semble présupposé que les élus définissent d’abord ensemble des valeurs communes de manière consensuelle dans une charte éthique. Celle-ci ne serait ensuite appliquée qu’une fois les élus formés à ces valeurs. Enfin, l’application de celle-ci ne peut pas échapper à un contrôle pour vérifier que l’intérêt communautaire demeure dans les décisions prises par chacun.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public

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