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Gemapi et gestion des digues, les intercommunalités sont-elles prêtes ?

Publié le 29 novembre 2023 à 9h00, mis à jour le 28 novembre 2023 à 15h33 - par

Au 29 janvier 2024, les intercommunalités reprendront l’entretien et la consolidation de l’ensemble des digues de l’État. Pour autant, sont-elles prêtes à ce transfert ? Deux récents décrets apportent des précisions sur le transfert à venir.

Gemapi et gestion des digues, les intercommunalités sont-elles prêtes ?
© Par Hélène Devun - stock.adobe.com

Ce transfert est prévu par l’article 59 de la loi « MAPTAM » du 27 janvier 2014. Ladite loi a confié aux intercommunalités la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi). Une grande majorité d’élus locaux se plaignent de l’état des investissements sur les digues de l’État depuis plusieurs années, sur l’absence de réels ajustements financiers et sur le fait que l’État gérait pour leur compte en termes de responsabilité et de neutralisation financière. Deux décrets sont venus préciser les conditions de transfert. Le décret n° 2023-1074 du 21 novembre 2023 relatif au transfert de la gestion des digues domaniales aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations précise les modalités selon lesquelles la commune ou un groupement de collectivités territoriales (qui exerce la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations est substitué à l’État ou à un établissement public de l’État pour la gestion des digues domaniales. Le décret n° 2023-1075 du 21 novembre 2023 est relatif au soutien du fonds de prévention des risques naturels majeurs aux travaux de mise en conformité des digues domaniales transférées.

Premièrement, le décret n° 2023-1074 du 21 novembre 2023 dispose que les conventions V concernent la mise à disposition des digues dans le cadre de la prévention des risques naturels. Elles doivent être mises en place après une période transitoire de dix ans. En l’absence de convention, l’État prendra un arrêté pour constater la mise à disposition des digues à partir du 29 janvier 2024. Un arrêté ministériel établira également la liste des digues concernées et des communes ou groupements de collectivités territoriales associés. Une fois la convention en vigueur, la commune ou le groupement de collectivités territoriales bénéficiaire assumera les responsabilités liées à la digue. Dès que la convention entre en vigueur, ou au plus tard le 29 janvier 2024, la commune ou le groupement de collectivités territoriales bénéficiaire de la digue prendra la responsabilité des contrats et marchés publics liés à la gestion de la digue. Ces contrats seront exécutés selon les conditions initiales jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire. Il est important de noter que cette substitution n’entraînera aucun droit à résiliation ou indemnisation pour les cocontractants. L’État informera également les cocontractants de cette substitution. Si la commune ou le groupement de collectivités territoriales demande une subvention à l’État pour des travaux liés à ces contrats, le début de l’exécution sera considéré comme le premier acte juridique pris par leur autorité compétente. Si la commune ou le groupement de collectivités territoriales le demande, l’État ou l’établissement public de l’État pourra continuer à exécuter les marchés publics de travaux ou de services liés à des études ou à des travaux en cours, au-delà de la période transitoire, pour terminer les travaux et prestations en cours. Les marchés seront exécutés selon les conditions initiales et l’État ou l’établissement public de l’État s’occupera de la réception des travaux et du règlement financier. Cependant, ces dispositions ne s’appliqueront que si les travaux ont été commandés par l’État ou l’établissement public de l’État. Ces dispositions cesseront d’être applicables une fois que des actes d’engagement relatifs au marché public sont conclus après la période transitoire. Avant ces actes, un avenant devra être conclu entre l’État ou l’établissement public de l’État, le cocontractant et la commune ou le groupement de collectivités territoriales, actant la substitution. Le texte prend en compte les digues et ouvrages accessoires. Si une digue domaniale n’a pas été mise en conformité avant le 28 janvier 2024 et qu’une décision est prise avant le 1er juillet 2024 par la commune ou le groupement de collectivité territoriale pour désaffecter la digue en raison de son manque d’utilité dans la prévention des inondations, le délai de préavis ne s’applique pas. Le décret précise que les dispositions du 1° de l’article L. 2124-19 du Code général de la propriété des personnes publiques et celles du 5° de l’article 7 de la loi du 1er juin 1924 ne s’opposent pas à l’application du décret dont les digues domaniales situées dans le département de la Moselle et en Alsace.

Secondement, le décret n° 2023-1075 du 21 novembre 2023 modifie l’article D. 561-12-9 du Code de l’environnement en ce qui concerne la contribution financière du fond pour les digues. C’est-à-dire que le plafond a été ajusté en fonction de divers critères tels que la gestion des digues et les engagements pris par l’état. Si les digues ont été transférées à une collectivité territoriale après janvier 2018, le plafond de la contribution est fixé à 80 % de la dépense. Le décret fixe également les conditions liées à la compensation prévue par la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Il n’est pas certain que les deux décrets rassurent les élus locaux des collectivités en charge de la gestion des digues locales, néanmoins ces deux décrets permettent d’y voir un peu plus clair sur les transferts à venir.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public

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