Que disent les études scientifiques ?
Les études sur le sujet sont nombreuses, mais leurs conclusions varient et leur qualité est inégale.
Chez les enfants de moins de douze ans, il existe bien un lien entre le temps passé devant les écrans et d’éventuels problèmes comportementaux, mais celui-ci est « faible », selon une étude publiée en mars 2022 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) Psychiatry, l’une des principales revues de recherche psychiatrique.
Cette étude est importante, car ce n’est pas un travail isolé. Il s’agit d’une « méta-analyse », qui reprend un grand nombre d’études préexistantes et évalue notamment leur niveau de sérieux. Ses conclusions sont donc, a priori, plus solides que ces travaux pris séparément. Or, ce sont justement les études les moins sérieuses qui tendent à être les plus alarmistes. Selon les auteurs, ces travaux ont tendance à « exagérer les effets des écrans à cause d’un manque de rigueur méthodologique ». Les auteurs constatent aussi que les études les plus récentes font de moins en moins état d’un lien marqué entre exposition aux écrans et troubles du comportement.
Certes, cette étude admet qu’il existe un rapport entre les deux phénomènes, mais « les liens trouvés sont vraiment légers, ce qui est rassurant », a commenté le psychiatre britannique Russell Viner, qui n’a pas participé à ce travail.
Une autre étude aux méthodes similaires de « méta-analyse », parue en novembre 2023 dans la revue Nature Human Behaviour, apporte également des conclusions mesurées. Elle pointe, par exemple, des résultats « mitigés » en matière d’éducation : l’utilisation d’écrans est généralement associée à des capacités de lecture plus faibles, mais ces capacités sont au contraire plus élevées que la moyenne lorsque les écrans sont utilisés avec les parents. Dans le domaine de la santé, l’étude relève « plusieurs faibles impacts négatifs ».
Quelles mesures à venir ?
Le précédent gouvernement a déjà mis en œuvre des mesures destinées à encadrer l’impact des écrans sur les enfants, dont l’obligation d’installer un dispositif de contrôle parental sur les terminaux mis sur le marché, qui sera activé par défaut à partir de juillet 2024. Et, lors de sa conférence de presse mardi 16 janvier 2024, Emmanuel Macron n’a pas exclu qu’il y ait « des interdictions » et des « restrictions », après avoir réuni la semaine dernière des experts dont les travaux doivent être rendus « fin mars ».
Le Président français s’est dit désireux que « les meilleurs scientifiques, (…) à la fois des épidémiologistes, des cliniciens, des sociologues, toutes les disciplines, puissent nous dire : avant tel âge, ça n’est pas raisonnable de mettre un écran devant un enfant ».
Ce groupe d’experts, composé de dix membres, est co-présidé par Amine Benyamina, chef du département de psychiatrie et d’addictologie de l’hôpital universitaire Paul-Brousse, et Servane Mouton, neurologue et neurophysiologiste, a précisé l’Élysée mercredi 17 janvier 2024.
Si le pédopsychiatre Serge Tisseron, membre du Conseil national du numérique et créateur des repères « 3-6-9-12 » pour apprivoiser les écrans, salue le fait que M. Macron s’empare du sujet, le gouvernement peut davantage donner des conseils que fixer des règles en la matière. Car la régulation des écrans est « très compliquée dans la sphère privée », renchérit auprès de l’AFP Justine Atlan, directrice générale de l’association e-Enfance.
Il y a surtout un « besoin d’informations, de prévention et de sensibilisation des parents et des professionnels de l’enfance », car « les parents font face à une absence de doctrine arrêtée sur la question du numérique dans l’Éducation nationale » et donc des « injonctions contradictoires », comme l’interdiction des smartphones dans les établissements scolaires et la création de groupes WhatsApp de classe, ajoute-t-elle.
Serge Tisseron plaide pour une « politique de la ville » qui proposerait des activités alternatives aux écrans pour les jeunes issus de milieux modestes. « Les classes favorisées gèrent mieux les écrans, car elles peuvent proposer des alternatives », ajoute-t-il.
Si « une éducation aux écrans » dans le cadre scolaire serait une mesure « importante » à prendre, elle pose toutefois deux problèmes, selon le pédopsychiatre : la formation des enseignants, qui doit être continue, car les technologies et les usages évoluent, et l’hétérogénéité des compétences des élèves sur le sujet.
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