L’analyse financière des communes et des intercommunalités d’Outre-mer en 2023

Publié le 24 décembre 2024 à 10h00 - par

Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion : l’Association des Maires de France a publié fin novembre 2024 l’analyse financière des communes et intercos d’Outre-mer. L’octroi de mer représente près d’un quart de leurs recettes réelles de fonctionnement.

L'analyse financière des communes et des intercommunalités d'Outre-mer en 2023
© Par caldeclara - Pixabay.com

L’Association des Maires de France a présenté le 18 novembre 2024 une analyse financière des communes et des intercos d’Outre-mer ; le document passe au crible les comptes de gestion des collectivités de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion. L’octroi de mer représente environ un quart des recettes réelles de fonctionnement des communes. Il leur procure des ressources financières indispensables à leur fonctionnement et encourage la compétitivité des entreprises locales de production, par la compensation des surcoûts qu’elles subissent et par des exonérations sur les importations de biens destinés à leurs activités. L’octroi de mer apporte 38 % des recettes fiscales des communes de La Réunion, plus de 72 % à Mayotte, 54 % en Guyane, 50 % en Martinique et plus de 45 % en Guadeloupe.

La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) au 1er janvier 2021 a bouleversé les ressources fiscales des communes d’Outre-mer. En contrepartie, elles reçoivent la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) perçue sur leur territoire. Un coefficient correcteur de compensation de la THRP, évoluant comme les bases de fiscalité, permet d’adapter chaque année le montant du prélèvement ou du reversement à la variation des bases de TFPB de la commune. Dans leur ensemble, les communes ultramarines sont contributrices nettes au titre de la compensation de la taxe d’habitation. Une part des produits générés par les bases locales échappe ainsi à leur territoire pour un montant de plus de 100 millions d’euros ; plus de 54 millions d’euros de produit de TFPB sont prélevés sur les communes de Guadeloupe, et plus de 24 millions d’euros sur celles de Guyane. Seules les communes de La Réunion et de Mayotte, prises dans leur ensemble, sont bénéficiaires nettes.

En Guadeloupe, la dynamique de reprise engagée en 2022 s’essouffle en 2023. Hausse de l’inflation (3,9 %), de l’énergie (7,8 % en moyenne) et de l’alimentation (5,2 %) ont freiné la consommation des ménages. Le taux de chômage élevé (19 % contre 7,1 % au niveau national) touche un tiers des moins de 30 ans et trois foyers sur quatre ne sont pas imposables. L’investissement des communes est reparti à la hausse en 2022 et atteint en 2023 son niveau d’avant la crise sanitaire. L’amélioration des soldes budgétaires des communes permet d’augmenter l’investissement (+ 37 % en 2023, dont 34 % pour les dépenses d’équipement) et de poursuivre la réduction de la dette. Dans les EPCI de Guadeloupe, on constate par rapport à 2022 une forte augmentation de l’épargne (brute + 74 %, nette + 77,9 %). L’endettement y est en forte diminution ; les emprunts souscrits en 2023 ont diminué de 94 % par rapport à 2022 et sont très inférieurs au montant des remboursements. Étant donné le faible transfert de compétences des communes, les dépenses réelles de fonctionnement des intercos sont inférieures à la moyenne métropolitaine. À l’inverse, celles des communes sont supérieures à la moyenne constatée en métropole.

La situation financière des collectivités de Guyane résulte d’un afflux migratoire extrêmement important. «  Chaque jour, entre 300 et 400 demandes d’asile sont déposées. Pour les communes, cette situation a des conséquences financières majeures compte tenu de la scolarisation des enfants, de l’aide alimentaire ou de l’hébergement », explique Michel-Ange Jérémie, président de l’Association des maires de Guyane. D’où un préjudice financier de l’ordre de 500 000 à 1 million d’euros par commune. En août 2024, l’association des maires de Guyane a donc décidé de déposer un recours contre l’État devant le tribunal administratif, pour inaction sur la question migratoire. Le taux de croissance de la population (1,2 %) est supérieur à la moyenne nationale de 0,3 %. Inflation (3 %), prix de l’énergie et de l’alimentation freinent la consommation des ménages et le marché de l’emploi connaît d’importantes difficultés. Pour les communes, 2023 se distingue par une augmentation des recettes réelles de fonctionnement (6,3 %) deux fois plus importante que celle des dépenses réelles de fonctionnement (3 %). De ce fait, l’épargne brute des communes augmente de plus de 69 % par rapport à 2022 et l’investissement est dynamique, supérieur à la moyenne nationale. Les communes guyanaises poursuivent le désendettement initié depuis 2016 et portent l’essentiel du développement local tandis que l’investissement des intercos reste faible et très inférieur à la moyenne métropolitaine.

En Martinique, même s’il a diminué à 10,8 %, le taux de chômage reste supérieur à la moyenne nationale, et l’inflation s’élève à 3,3 %. En 2023, grâce à une augmentation des dépenses réelles de fonctionnement inférieure à celle des recettes réelles de fonctionnement depuis plusieurs années, la capacité d’autofinancement brute des communes de Martinique enregistre une forte progression. Alors que 2022 a signé le retour à l’équilibre budgétaire, après plusieurs années où le montant de l’épargne brute ne couvrait pas le remboursement du capital de la dette, la situation des communes reste équilibrée en 2023. Avec une légère diminution de l’épargne brute (- 4 %) et un montant de remboursement d’emprunt ou de dette qui augmente de 9,9 %, leur épargne nette diminue légèrement, mais elle couvre largement les remboursements d’emprunts et de dettes. Dans les intercos, même si l’épargne brute diminue de 7,9 % en 2023, elle reste très supérieure à celle de 2019 et couvre le remboursement du capital de la dette. La dynamique d’investissement des EPCI est repartie à la hausse : + 58 % des dépenses réelles d’investissement hors remboursement d’emprunt ou de dettes. Les recettes réelles d’investissement ont diminué de 19,5 % et le recours à l’emprunt qui avait beaucoup diminué en 2022 est à nouveau en hausse, avec un niveau proche de 2021.

Mayotte : la sous-estimation de l’immigration pèse sur la DGF

Mayotte connaît des problèmes d’immigration clandestine, d’insécurité et de violences que les communes doivent gérer en urgence. Officiellement, la population compte 310 000 habitants, mais la réalité tourne autour de 400 000 à 450 000 habitants, selon le président de l’Association des maires de Mayotte. Il déplore les conséquences de cette sous-estimation sur le taux d’attribution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), alors que les communes ont les mêmes obligations qu’en métropole. Le taux de chômage a baissé de 34 % en 2022 à 27 % en 2023 et l’inflation s’établit à 3,6 %. Pour autant, la situation financière d’ensemble des communes de Mayotte est équilibrée, avec un endettement modéré, et permet une hausse des investissements. La DGF est en hausse de 36 millions d’euros entre 2013 et 2023. Le PIB de Mayotte provient principalement de la commande publique. L’année 2023 est marquée par une explosion des dépenses d’équipement qui ont presque doublé par rapport à 2019. Après un rebond en 2021, puis une dégradation de 54 % en 2022, l’épargne brute progresse de 18 % en 2023 et retrouve presque le niveau de 2019. Les dépenses réelles d’investissement (constituées à 97 % de dépenses d’équipement) restent supérieures aux recettes réelles d’investissement. D’où un besoin de financement d’environ 65 millions d’euros. Les intercos sont récentes et les transferts de compétences très limités. En 2023, leur situation financière en cours de déploiement reste très fragile, mais est néanmoins en équilibre annuel budgétaire.

À La Réunion, les dépenses d’équipement sont supérieures à la moyenne nationale

L’inflation et les coûts de l’énergie impactent les finances des communes de La Réunion où le taux de chômage s’élève à 19 %. En 2023, hors emprunt, les dépenses réelles d’investissement restent supérieures aux recettes réelles d’investissement et l’on constate un besoin de financement de 247 millions d’euros. Les investissements des communes de l’île restent dynamiques et les dépenses d’équipement sont supérieures à la moyenne nationale. Dans les EPCI, la hausse de l’épargne brute et l’augmentation des recettes réelles d’investissement hors emprunt permettent de financer la hausse des dépenses d’équipement, malgré un moindre recours à l’emprunt. Quant aux intercos, leur investissement reste dynamique et supérieur à la moyenne nationale.

Marie Gasnier

Cet article a été rédigé avant l’épisode de cyclone tropical intense qui a violemment frappé Mayotte le samedi 14 décembre 2024. L’état de calamité naturelle exceptionnelle a été activé pour la 1re fois pour permettre une gestion plus rapide et efficace de la crise et faciliter la mise en place de mesures d’urgence. Le président de la République, Emmanuel Macron, s’est rendu sur l’île jeudi 19 et vendredi 20 décembre. Une journée de deuil national a été déclarée le lundi 23 décembre.


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