Mécanismes financiers entre communes et EPCI : au point mort ?

Publié le 20 février 2024 à 9h15 - par

Attributions de compensation, FPIC, dotation de solidarité communautaire, fonds de concours : les mécanismes financiers entre communes et EPCI sont complexes. Une réforme serait risquée…

Mécanismes financiers entre communes et EPCI : au point mort ?
© Par Natee Meepian - stock.adobe.com

Les mécanismes financiers entre communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) se sont multipliés. « Ici, c’est un sujet politique auquel on n’ose plus toucher ; ailleurs, on veut revoir les fonds de concours et dotation de solidarité communautaire (DSC), l’interco ne pouvant plus être aussi généreuse », assure Claire Delpech, chargée de mission finances et fiscalité à Intercommunalités de France (IdF).

Attributions de compensation (AC) : personne ne veut y perdre !

Pour les EPCI à fiscalité professionnelle unique, les attributions de compensation (AC)1 sont calculées par les commissions locales d’évaluation des charges transférées (CLECT), souvent selon le régime de droit commun2. « Les rapports des CLECT s’améliorent dans notre interco des Terres du Val de Loire (Loiret) », note Bertrand Hauchecorne, conseiller communautaire et membre du Comité des finances locales (CFL). Après la loi NOTRe de 2015 et les transferts de compétences massifs, on parle peu d’AC. La loi prévoit toutefois, avec l’évolution des données financières et fiscales, leur possible révision, encadrée. Le transfert de l’eau et de l’assainissement aux intercos prévu d’ici 2026 donnera encore lieu à des révisions. « Si les transferts ont souvent été sous-évalués pour acheter la paix sociale, les intercos seront plus vigilantes ici, car l’eau finance l’eau, contrairement aux compétences sans recettes associées », précise Claire Delpech.

Les AC étant calculées une fois pour toutes et révisables marginalement, elles n’évoluent pas avec les charges et recettes futures. Pourtant, la carte des activités économiques peut être bouleversée. Faut-il remettre à plat le système ? Claire Delpech et Bertrand Hauchecorne sont pour : « Les AC représentent 11 Mds€, note la première. Ce dispositif a presque 20 ans et les communes ne savent plus d’où il vient, ni côté recettes ni côté dépenses ». Pour Antoine Homé, aussi membre du CFL, « il faudrait prévoir des modalités de rediscussion plus larges. Aujourd’hui, il faut l’unanimité des communes, c’est quasiment impossible. » Mais tous notent que personne ne veut y perdre !

DSC : territorialisation possible

Côté péréquation, quid du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) bloqué à 1 Md€ depuis 2016 ? « Il doit progresser et rester à l’échelle des bassins de vie, quand les dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR) ont crû depuis 10 ans. » Les changements en loi de finances pour 2023 (suppression de la nécessité d’un effort fiscal supérieur à 1 pour le percevoir et sortie progressive de l’éligibilité au reversement sur 4 ans et non plus 1 an) sont appréciés de nos interlocuteurs. Bertrand Hauchecorne pointe cependant « le coefficient logarithmique avantageant les grandes intercos. Mon EPCI, passé à 50 000 habitants après fusion, compte 75 000 habitants avec le coefficient. Du coup, le potentiel financier s’est effondré et la contribution au FPIC a baissé. » Pour lui, il faudrait au moins atténuer ce coefficient.

La solidarité interne (DSC et fonds de concours) « est plutôt rare dans les EPCI », selon Bertrand Hauchecorne. La DSC, facultative pour les communautés de communes et d’agglomération, permet, rappelons-le, à l’EPCI de redistribuer vers le budget de fonctionnement des communes… Antoine Homé apprécie une territorialisation possible, « par exemple sur le scolaire au profit d’un territoire défavorisé ». Avec la loi de finances pour 2020, la répartition est imposée pour 35 % de l’enveloppe par deux critères (potentiel fiscal ou financier par habitant et revenu par habitant), et libre pour le reste. « On peut retenir le fait d’avoir un QPV, une superficie ou un réseau routier important, précise Antoine Homé. On peut jouer la péréquation financière, les charges de centralité ». IdF n’a pas réalisé d’étude sur la DSC. « Un diagnostic serait bienvenu. On ne peut considérer pareillement la DSC versée à une commune, qui reçoit ou non la DSU ou la DSR, précise Claire Delpech. Et il faut la confronter aux charges ». Antoine Homé réclame un travail de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale sur les systèmes de péréquation.

Pas d’études

Avec les fonds de concours, l’EPCI subventionne ses communes pour la réalisation (surtout) ou le fonctionnement d’un équipement d’intérêt commun. On favorisera telle politique, tels des projets de solaire photovoltaïque sur Mulhouse Alsace agglomération. Là encore, IdF ne dispose d’aucune étude en la matière. Claire Delpech s’interroge pourtant : « Les fonds de concours remplacent-ils les aides d’État (dotations d’équipement des territoires – DETR – ou de soutien à l’investissement local – DSIL) ? ». Ajoutons : l’intérêt est-il toujours commun ? « Parfois, l’interco attribue des enveloppes avec une certaine liberté d’action », admet Claire Delpech.

D’éventuels pactes financiers et fiscaux (PFF) reprennent tous ces mécanismes au sein d’un EPCI. Si les objectifs premiers étaient surtout d’augmenter la dotation globale de fonctionnement via le coefficient d’intégration fiscale, ceux actuels sont plus politiques. On vise souvent plus de solidarité avec les communes après les fusions. Là non plus, IdF n’a pas fait de diagnostic. Toutefois les PFF étant obligatoires pour les EPCI ayant un contrat de ville, la majorité des agglos en ont un. Faut-il encore qu’il soit adapté : « Chez nous, il n’est ni très novateur ni très péréquateur et un peu vide d’ambitions, certains élus n’y croient pas », assure Bertrand Hauchecorne.

Frédéric Ville


1. Différence entre fiscalité économique et charges transférées par les communes.
2. Autres règles, dérogatoires : ratio financier, coût futur, comparaison avec un équipement de nature comparable.

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