Juste avant la censure du gouvernement lors de l’examen du PLF de Sécurité sociale (PLFSS), l’Assemblée nationale a adopté hier 4 décembre le projet de loi de fin de gestion pour 2024, finalement à une large majorité (318 voix pour). Une petite victoire pour l’ancien gouvernement. Après un premier rejet à l’Assemblée le 19 novembre puis une adoption au Sénat, un compromis avait été trouvé avant-hier par une commission mixte paritaire (CMP) de sept députés et sept sénateurs, sur ce texte législatif destiné à ajuster les finances publiques de l’État avant la clôture de l’exercice budgétaire (voir encadré).
1,9 Mds€ de TVA en moins
Certains constats ou dispositions de ce PLF de fin de gestion concernent les collectivités locales. Ainsi, les recettes de TVA y seraient, selon le cabinet Partenaires finances locales (PFL), en baisse d’environ 1,9 Mds€ par rapport à celles notifiées aux collectivités en mars 2024. Or, rappelons qu’intercommunalités et départements perçoivent une part de TVA pour compenser la suppression de la taxe d’habitation, et qu’avec les régions, ils en reçoivent une autre pour compenser la disparition de la CVAE. Les collectivités perdront donc des recettes de TVA par rapport aux prévisions : « L’administration fiscale les en avait déjà informées début novembre, précise Christophe Michel, directeur de PFL. Certes la TVA globale 2024 reste supérieure à celle de 2023, mais cette baisse à un moment de l’année où il n’est plus possible d’ajuster les autres recettes et où l’essentiel des dépenses est réalisé, est contraignante ». Tout ceci, alors même qu’était prévu au PLF 2025 un gel de la revalorisation des recettes de TVA pour 2025 au profit des collectivités locales (- 1,3 à 1,5 Mds€). « Ce serait donc la double peine, puisque de plus, la prévision 2025 tiendra compte de l’ajustement du montant 2024, avec donc un montant de référence plus faible ».
Le PLF de fin de gestion consolide le déficit pour 2024 à 6,1 % du PIB, prévoit plusieurs milliards d’annulations de crédits, et en ouvre d’autres pour assurer des dépenses imprévues. Pour les collectivités, il est prévu 70 M€ votés par le Sénat d’annulations de minorations de crédits de travaux de voirie. Les débats ont été vifs, les parlementaires craignant que le gouvernement ne les affecte pas aux collectivités in fine, ceci d’autant plus que « les travaux de voirie sont assez rarement subventionnés par l’État », selon Christophe Michelet.
1,82 Mds€ de fiscalité en plus
Le texte prévoit aussi une moindre ponction de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) vers d’autres régimes sociaux plus déficitaires (- 11 M€), « mais c’est sans commune mesure avec la hausse anticipée des cotisations des collectivités locales relevant du PLFSS », selon Christophe Michelet.
Enfin, outre des ajustements classiques prenant en compte ce qui est réalisé à date, les ajustements sur fiscalité à la hausse (+ 1,82 Mds€ au total) constituent eux une bonne nouvelle dans un contexte économique qui ne paraissait pas favorable, « avec un surprenant + 1 Md€ pour la taxe d’habitation qui ne porte plus que sur les résidences secondaires », selon Christophe Michelet.
L’adoption de ce texte permettra, selon l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, le déblocage des crédits nécessaires aux gendarmeries pour payer les loyers que certaines doivent aux communes ou intercommunalités propriétaires.
Vers un PLF spécial ?
Évidemment, ce n’est qu’une parcelle de budget sauvée, puisqu’avec la chute du gouvernement, l’avenir du PLF est très hypothéqué. Trois hypothèses sont avancées. Selon la première, il faut le dépôt d’un nouveau PLF spécial avant le 19 décembre, soit par un nouveau Premier ministre, soit par l’ancien au titre des affaires courantes, avec reconduction du budget de l’année précédente (art. 45 de la LOLF). Deuxième hypothèse, la mise en œuvre du budget par ordonnance sous 70 jours au titre de l’article 47, alinéa 3 de la Constitution qui dispose que « si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de 70 jours (ndlr : soit le 21 décembre à minuit), les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance » du nouveau gouvernement. Enfin troisième hypothèse, le déclenchement de l’article 16 de la Constitution qui donne au président de la République des pouvoirs exceptionnels. La première hypothèse serait la plus probable selon les analystes. Cela autoriserait, selon Christophe Michelet, « l’État à percevoir les impôts ce qui inclurait la fiscalité locale perçue par les services de l’État. Les collectivités bénéficieraient ainsi de leurs recettes fiscales y compris indirectes comme les fractions de TVA. Les dépenses seraient alors réalisées à hauteur de 2024, donc les dotations et autres seraient versées aux collectivités, mais sans évolution. Aucune des mesures d’économies pour les collectivités prévues au PLF 2025 ne s’appliquerait ». Mais l’adoption d’un PLF spécial ne dispenserait pas du vote ultérieur d’une loi de finances par le nouveau gouvernement…
Frédéric Ville
Qu’est-ce qu’un Projet de loi de finances de fin de gestion ? Le PLF de fin de gestion, texte législatif distinct du PLF pour l’année suivante, présenté par le gouvernement, généralement en fin d’année, rectifie les prévisions budgétaires initiales et ajuste les comptes de l’État (déficits ou excédents) à la réalité des recettes et des dépenses. Ce document n’est pas systématique chaque année mais nécessaire lorsque des écarts importants sont constatés entre les prévisions de dépenses et de recettes et la réalité, en raison par exemple d’une reprise économique ou inversement d’une crise économique ou sanitaire ou encore d’un changement de priorités politiques. Les ajustements proposés peuvent concerner : des crédits supplémentaires pour financer des dépenses imprévues ou des programmes non anticipés, des réductions ou transferts de crédits entre missions ou programmes. Le PLF de fin de gestion est soumis au vote du Parlement, selon une procédure plus rapide que celle du PLF annuel. Il entre généralement en vigueur avant la fin de l’exercice budgétaire. |