Loi de finances spéciale adoptée : et après ?

Publié le 23 décembre 2024 à 8h45 - par

La loi de finances spéciale a été adoptée par le Parlement la semaine dernière pour permettre la continuité de l’État. Les recettes des collectivités locales sont reconduites à l’identique… ou presque ! Sans les efforts que demandait Michel Barnier. Pour combien de temps ?

Loi de finances spéciale adoptée : et après ?
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À défaut de loi de finances pour 2025, le Parlement a donc adopté la loi de finances spéciale (LFS) : le 16 décembre par l’Assemblée nationale et le 18 décembre 2024 par le Sénat, tous deux à une très large majorité et sans aucune voix contre ! Cette loi spéciale, qui devait être adoptée en application des art. 47 de la Constitution et 45 de la organique sur les finances locales (LOLF), sera promulguée par le président de la République d’ici le 31 décembre prochain.

Mêmes dépenses qu’en 2024

Elle va permettre dès le 1er janvier prochain au gouvernement de percevoir les impôts (art. 1) et autoriser l’État à emprunter en 2025 (art. 3), ainsi que les organismes de Sécurité sociale jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances de sécurité sociale (LFSS) pour 2025 (art. 4). L’indexation des barèmes de l’impôt sur le revenu sur l’inflation demandée par plusieurs amendements n’a pas été introduite, car déclarée irrecevable par la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet, qui suivait en cela l’avis du Conseil d’État du 9 décembre 2024. Une fois la loi promulguée, le gouvernement prendra un décret permettant d’ouvrir les dépenses sur les bases de celles effectuées en 2024. En espérant que d’ici la promulgation, des parlementaires ne saisissent pas le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité de l’article 41.
Concernant les collectivités locales, la LFS reconduit les prélèvements sur les recettes de l’État en leur faveur (art. 1). Elle précise même leurs montants évaluatifs en reprenant le niveau de la LF 2024, ceci via un article additionnel nouveau (art. 2) adopté suite à un amendement. Les montants sont donc strictement identiques à ceux pour 2024, à savoir 27,2 Mds€ de dotation globale de fonctionnement (DGF) (finalement exactement comme Michel Barnier l’avait inscrit à son PLF…), 7,1 Mds pour le fonds de compensation de la TVA (FCTVA), 4,0 Mds€ pour la compensation de la réduction de 50 % des valeurs locatives de la taxe foncière du bâti et de la cotisation foncière des entreprises, pour ne citer que les principaux prélèvements en faveur des collectivités locales. Le total fait comme l’an passé 45 Mds€.

Dotations d’investissement aux collectivités gelées

Logiquement, l’augmentation de la péréquation à l’intérieur de la DGF pour 290 M€, financée par la réduction d’autres postes, devrait aussi disparaître. Les dotations de solidarité rurale (DSR) ou urbaine (DSU) n’augmenteraient donc pas. « Mais le Comité des finances locales pourrait se réunir en janvier ou février pour décider d’une répartition interne », indique Céline Bacharan, consultant en finances locales au cabinet KPMG. Attention, continue-t-elle, « il n’y aura aucun crédit nouveau de voté pour les dotations d’investissement (ndlr : dotation de soutien à l’investissement local – DSIL -, dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR – notamment, fonds vert…), jusqu’à adoption de la LF pour 2025. Les services votés ne concernent que les projets pour lesquels l’État s’est prononcé pour 2024 ». Les collectivités ne peuvent donc pas déposer de demandes pour l’instant.
Par contre et comme prévu, aucune des mesures d’économies pour les collectivités demandées au PLF 2025 de Michel Barnier pour 5 Mds€2 ne s’applique dans l’immédiat. Il faudra donc attendre le travail sur un nouveau PLF, probablement pas celui de Michel Barnier, mais plutôt un nouveau par François Bayrou. Ce dernier pourrait être tenté d’en proposer un proche de celui de 2024 s’il veut éviter la censure par LFI et le RN. « Peut-être, mais ce serait reculer pour mieux sauter en 2026 », rétorque Céline Bacharan. Pour elle, les collectivités n’y couperont pas et seraient donc bien inspirées de « prendre des hypothèses basses, pour éviter de mauvais surprises »…

Frédéric Ville


1. Si les sénateurs sont 3 à n’avoir pas pris par au vote, les députés sont eux 96 avec 33 absents et 63 abstentions. Rappelons qu’il faut 60 membres de la même assemblée minimum pour pouvoir saisir le Conseil constitutionnel.

2. 2,8 Mds€ demandés aux 450 collectivités les plus importantes, 1,5 Mds€ de gel de revalorisation de TVA, 800 M€ de diminution du FCTVA, 487 M€ de baisse des variables d’ajustement hors DGF.


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